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De « Thorgal » à « Skarbek » : Rosinski en liberté.

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 12 février 2004                      Lien  
Moment étonnant que la conférence de presse du lancement à Paris de l'album « Skarbek » que Rosinski publie ces jours-ci sur un scénario d'Yves Sente. Au détour de ses réflexions sur ce nouvel album, Grzegorz nous annonce que Van Hamme arrêterait la série Thorgal, « à partir du numéro 30 ».

« Je ne devrais pas le dire si tôt sans doute, s’excuse-t-il, mais Jean envisage d’arrêter le scénario de Thorgal au plus tôt. Nous nous sommes mis d’accord pour le N°29. Pour le 30, ma femme espère convaincre l’épouse de Jean, car cela dépend aussi d’elle ».

La fin de Thorgal ?

« Mais ce n’est pas la fin de Thorgal, précise-t-il. J’ai déjà plein de propositions de la part des plus grands scénaristes. » Au passage, il évoque l’idée que cette saga familiale dont les personnages vieillissent au fur et à mesure de la série (« 30% moins vite que les auteurs) » pourrait développer des séries parallèles, avec d’autres dessinateurs, autour de personnages secondaires comme Jolan. « Tout est possible, dit-il en citant Hergé : ‘Rien ne nous est interdit, tout nous est imposé, du moment que l’on observe les règles de la lisibilité et de la crédibilité’ ».

Un thriller artistique

Pour l’heure, il nous parle de son dernier album, La Vengeance du comte Skarbek sur un scénario d’Yves Sente, ci-devant directeur éditorial des Editions du Lombard et scénariste à succès des Blake & Mortimer de Juillard. Un Monte-Cristo dans le monde de l’art du 19ème siècle où collectionneurs et marchands spéculent jusqu’au crime et dont la figure centrale est le Comte polonais Skarbek, faisant carrière de peintre à Paris sous le pseudonyme de Louis Paulus.

Le scénario est habile, solidement construit. On sent cependant son auteur un peu trop cramponné sur sa documentation, fébrile comme un enfant faisant ses premiers pas dans le monde. Ces réserves faites, le récit est enlevé et nous mène tambour battant, c’est le cas de le dire, puisque c’est un siècle de violence et de fureur, dans le Paris de la Restauration. Le nobliau slave y arrive ruiné, chassé par la sanglante répression tsariste matant la révolution polonaise de 1830. Le scénariste belge en profite pour signaler combien l’indépendance de la Belgique doit au martyre des Polonais. L’une des qualités de ce script est d’avoir su motiver Rosinski qui a dû incontestablement s’identifier au héros de cette histoire.

De « Thorgal » à « Skarbek » : Rosinski en liberté.
La Vengeance du Comte Skarbek
par Yves Sente (scénario) et Grzegorz Rosinki (dessins) - Editions Dargaud

Un dessinateur libéré.

Comme lui, il a du quitter la Pologne pour des raisons historiques, emportant avec lui une solide tradition graphique et une âme slave, un vocable qui ne veut pas dire grand-chose mais qui recouvre un sentiment de nostalgie et de romantisme assez peu partagé de ce côté-ci de l’Oder. Comme lui, il est artiste, quelque peu défiguré par un style de BD qui lui est « imposé ». Il fustige d’ailleurs le carcan de cette ligne claire qui a plein d’avantages : une reproduction aisée, une « marchandisation » facile... Mais qui, artistiquement, n’a pas été capable d’accompagner les techniques du peintre, d’hier comme de demain. C’est pourquoi Rosinski a décidé, pour cet album, de dessiner grand. Ses originaux font 1m sur 70cm. Parce que le geste du dessin, le jeu de la couleur, ne s’étouffe pas comme dans le format raisin de la planche de BD traditionnelle. « Je l’ai choisie à mes débuts parce que je voulais faire comme tout le monde » constate-t-il.

Dans Skarbek, il peut se libérer, rendre hommage aux écrivains qu’il admire : Victor Hugo, Alexandre Dumas... Aux peintres surtout, les figuratifs du 19ème siècle, qu’il apprécie d’autant mieux que, jeune plasticien en Pologne, il a exploré l’ascèse stérile de l’abstraction. Dans ses admirations, au-dessus du lot : Honoré Daumier, le dessinateur, qu’il a dans l’œil quand il croque ces collectionneurs répandus dans les galeries et les ateliers, ou ces avocats et ces juges dans la basse-cour des prétoires. Le Daumier caricaturiste, certes, mais aussi le peintre, dont la couleur prolonge l’enseignement de Goya, tout en taches expressionnistes. Une leçon que n’oublieront jamais les peintres modernes.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Photo : © Editions du Lombard

 
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