Fils d’immigrés nicaraguyens, réduit à vivre dans la rue après la mort tragique de ses parents, Marcus s’apprête à se suicider quand une jeune femme lui propose d’intégrer une école qui forme l’élite économique et politique mondiale... à l’assassinat. L’occasion pour le jeune homme de se venger du président des États-Unis, Ronald Reagan, qu’il tient pour responsable de ce qui est arrivé à sa famille. Il lui faudra cependant survivre - littéralement - à ses professeurs, leurs tests, et, surtout, à ses camarades.
Il y a beaucoup de choses intéressantes et séduisantes dans ce nouveau projet de Rick Remender. À commencer par l’ancrage dans les années 1980, bien rendu par les références qui émaillent le récit ainsi que par le dessin. Celui-ci, énergique, se voit en outre dynamisé par un découpage nerveux qui permet à l’action de se déployer avec efficacité.
Mais c’est le sujet qui saisit le plus : la violence au lycée, métaphorisée à travers cette école dédiée au meurtre. On retrouve dans Deadly Class tous les éléments tragi-comiques du lycée à l’américaine, avec sa hiérarchie sociale, fondée sur la popularité, et ses groupes, fatalement antagonistes. Mais tout cela dynamité par le parti-pris d’une brutalité ouverte, explicite et assumée.
Et pour faire vivre cet environnement, la série met déjà en place toute une galerie d’adolescents fracassés, aussi intrigants qu’inquiétants. La mise en scène de cette jeunesse à la dérive procède de moments saisissants, comme cette virée sous acide à Las Vegas sur laquelle se clôt le premier tome.
Reste que le malaise que souhaite distiller les auteurs semble parfois un peu leur échapper. Il y a plusieurs passages où la radicalisation de la violence, et l’aporie des situations posées, conduisent les personnages à sombrer, proprement. Et cela sans recul ironique ou décalage susceptibles de mettre en perspective les atrocités commises.
Non, ce qui est recherché demeure bien une forme d’intensité dramatique, portée avant tout par le bruit et la fureur. Qu’importe si les errements de Marcus l’amènent à soudainement sacrifier des innocents. Mais au final, drôle d’impression que celle laissée par un héros dont on se demande régulièrement si, derrière son drame personnel et ses allures de gentil garçon amoché par la vie, ne se cache pas, tout simplement, un véritable psychopathe. Et il faudra au moins un deuxième volume pour dissiper le trouble suscité par certains développements de cette histoire.
(par Aurélien Pigeat)
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Deadly Class T1 : "Reagan Youth". Par Rick Remender (scénario), Wes Craig (dessin) et Lee Loughridge (couleur). Traduction Benjamin Rivière. Urban Comics, collection "Indies". Sortie le 25 septembre 2015. 160 pages. 10 euros.
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De Rick Remender, sur ActuaBD :
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