Décès de Stan Barets, le "science-fictionnaire"
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On apprend le décès, mardi 18 juillet, de Stan Barets, d’un cancer foudroyant, à l’âge de 68 ans. Traducteur, écrivain, journaliste, critique, libraire, éditeur, il a été un des principaux acteurs de la bande dessinée des années 1970-1980, un passeur indispensable entre la BD et la littérature de science-fiction dont il était un des rares à détenir la double expertise.
Il était né le 12 février 1949 et, à la suite d’un cursus universitaire qui passe par les sciences politiques et l’économie, il sort diplômé de Cambridge. Son expérience anglaise lui permet non seulement d’affiner ses connaissances dans la langue de Shakespeare, ce qui lui donnera l’occasion plus tard d’assurer de nombreuses traductions, mais surtout sa connaissance des grands auteurs anglo-saxons de science-fiction et de comics. C’est naturellement que l’on trouve sa signature dans les grandes revues de SF de cette époque : Fiction, Univers, Science-Fiction magazine… Mais aussi dans les fanzines naissants de la bande dessinée. C’est avec la même passion qu’il crée avec son épouse Sophie la librairie Temps Futurs, dont il emprunte le nom à Aldous Huxley, en 1973. Il a été à ce titre un des grands passeurs de la contre-culture de l’époque.
- Florence Cestac de Futuropolis et Stan Barets de Temps Futurs en 2005, l’aristocratie des libraires parisiens de bande dessinée au tournant des années 1980.
- Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
C’était l’une des premières librairies spécialisées de Paris, d’abord installée rue Perronet, puis rue Dante dans le Quartier Latin. On y croisait les plus grands auteurs de l’époque : Moebius, Druillet, Mézières, Tardi, Hugo Pratt, Yves Chaland qui assurait les maquettes de sa revue-catalogue. Comme libraires, son épouse Sophie et lui ont eu comme employés des gens comme Rodolphe, François Rivière, Doug Headline, José-Louis Bocquet ou Patrick Gaumer, c’est dire s’il a eu une influence marquante.
- Les catalogues de Temps Futurs sont devenus des collectors, ici signés JC Mézières et Yves Chaland.
Il est bien entendu de l’aventure Métal Hurlant, mais aussi des premiers instants des éditions Glénat puisqu’il a dirigé les magazines Circus et Vécu. On lui doit notamment la création du concept « L’Année de la BD » et la publication du premier album de Yann & Conrad, Aventures en jaune.
Poursuivant sa carrière de traducteur, d’auteur, de journaliste et d’éditeur, on le retrouve pendant une dizaine d’années rédacteur en chef de Playboy et notamment rédacteur pour Hachette Collections de l’encyclopédie Planète BD ou de la collection Voitures et Véhicules fantastiques de Blake et Mortimer. Il avait publié chez Denoël Le Catalogue des âmes et cycles de la SF (1979) devenu Le Science-Fictionnaire en 1994, une somme sur le sujet.
« Gentleman biker, science fictionnaire, libraire, créature de la bande à Métal, Il a été mon premier vrai patron quelques jours après mes 18 ans et en m’engageant comme responsable de la BD dans sa caverne d’Ali baba de la contre-culture, il a fait de moi un "professionnel ", raconte José-Louis Bocquet, aujourd’hui éditeur chez Dupuis. Au sein de sa maison d’édition il m’a permis de travailler sur l’année de la BD avec Fromental - qui était son ami avant de devenir le mien - et surtout d’éditer Aventures en jaune de Yann et Conrad. Bref, il est de ces quelques hommes qui ont changé mon destin. »
Les éditions Glénat et le manga en France lui doivent énormément puisqu’il fut le premier traducteur d’Akira dont il a traduit les 13 tomes de l’anglais pour la première édition de la série culte qui a popularisé le manga en France entre 1990 et 1995.
- "En mars 2016 à l’hôtel Amour - Pigalle - pendant la préparation de l’intégrale SF de Serge Clerc pour Dupuis dont Stan a signé le dossier et que j’ai édité. Je suis content de les avoir photographiés..." nous dit José-Louis Bocquet.
Quant à Patrick Gaumer, l’encyclopédiste auteur du Larousse de la bande dessinée, il déclare : « J’ai beaucoup de peine, je lui devais beaucoup, c’était un de mes grands amis. Il m’avait donné ma chance à Temps Futurs. Rodolphe, François Rivière, Doug Headline et José-Louis Bocquet y sont aussi passés. Il faut se souvenir de ces belles années, on formait une joyeuse bande. Ce soir je pense bien sûr beaucoup à Sophie, sa femme, et à sa fille Delphine. »
Nos pensées rejoignent les siennes.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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[remis à jour le 22 juillet 2017}
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