Thierry Benoit dit Ted Benoit, était né le 25 juillet 1947. Étudiant d’abord le cinéma, il se lance dans le dessin publiant dans les revues qui révolutionnent leur époque : L’Écho des Savanes, Métal Hurlant, (A Suivre)... À ses débuts, il prend de plein fouet la vague Underground venue des États-Unis : Robert Crumb, Gilbert Shelton, Vaughn Bodé, Jay Linch... On retrouve ces influences dans Hôpital (1979), petit chef d’œuvre d’humour dans une Ligne claire qui s’apparente à celle de Tardi à la même époque et qui lui vaut, surtout pour l’excellent scénario, le Prix du meilleur album à Angoulême en 1979.
La découverte de l’Undergound hollandais dont le chef de file Joost Swarte fait explicitement référence à Hergé, comme Crumb le faisait à Segar, est pour lui comme une révélation : désormais, sa vie sera consacrée à la Ligne claire. Il popularise d’ailleurs ce concept en publiant l’album Vers la Ligne claire (1981), préfacé par Joost lui-même, compilation de ses travaux qui retracent son cheminement du trait Underground au graphisme épuré de l’École de Bruxelles.
"crypto-bazookesque"
La différence entre le maniérisme des suiveurs de l’École d’Hergé et cette nouvelle catégorie d’auteurs de la Ligne claire (Floc’h, Ted Benoit, Chaland, etc.) réside dans son approche post-moderne : une déconstruction des codes classiques à la structure rigoureuse empreinte de modernité. D’abord très influencé par Swarte (La série Bingo Bongo, dans Métal Hurlant), Ted Benoît intègre dans son trait, de façon presque imperceptible, les vibrations les plus modernes de son temps. Ainsi, comme le souligne l’historien anglais de la BD Paul Gravett, il intègre les leçons du punk-art quasi-photographique du groupe français Bazooka. Ted Benoit reconnaissait lui-même que son Portrait de Shirley Temple était un produit de sa « période crypto-bazookesque. »
Telle est la réalité de sa Ligne claire : une forme classique, parfaite, -celle d’Hergé et de Jacobs, référentielle, nostalgique mais qui, comme l’expliquait François Rivière dans son introduction au Rendez-vous de Sevenoaks, était capable de « prendre un certain recul par rapport à la leçon dictée » par ces maîtres.
C’est le cas de la série Ray Banana (1982), publiée dans (A Suivre) et aux éditions Casterman. En 1996, il lui est donné de reprendre la série Blake et Mortimer sur un scénario de Jean Van Hamme : L’Affaire Francis Blake en 1996 et L’Étrange Rendez-vous en 2001. Il s’en acquitte en esthète avec une minutie toute jacobsienne qui a favorisé la résurrection de ces personnages devenus éternels. Ces dernières années, à la suite d’un premier AVC, Ted Benoit avait réduit substantiellement sa production.
Aux Rencontres Chaland 2016, qui feront l’objet du prochain article, où il était attendu avec son épouse Madeleine De Mille, c’est la consternation. François Avril nous raconte la soudaineté de cette disparition : « Nous nous étions vus le week-end dernier. Il était détendu, tout sourire. C’est la dernière image que je retiens de lui. »
Au moment de l’inauguration, Isabelle Chaland-Beaumenay lui a rendu hommage, au bord des larmes. Il avait été l’invité d’honneur des 2e Rencontres Chaland en 2009.
Nous pensons beaucoup à Madeleine et à des proches.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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