Jimmy Yee, personnage récurrent dans l’ouvre de Jason Shiga, est Monsieur-tout-le-monde : mathématicien, père de famille sans histoire, sa vie est banale, voire insignifiante. Jusqu’au drame : son épouse et sa fille décèdent dans un accident de voiture.
Anéanti par cette tragédie, il décide de mettre fin à ses jours, un soir, par pendaison, dans une chambre de motel. Cependant, quelques heures après, il se réveille. Force est donc de constater qu’il est en vie ! Mais, bien décidé à en finir, il renouvelle sa tentative, cette fois en se coupant les veines avec une lame de rasoir. Jimmy se réveille de nouveau, interloqué.
Le scénario se répète après des tentatives avec une arme à feu, un surdosage de médicaments, et même après être passé sous les roues d’un camion. Après chaque tentative de suicide, il se réveille désespérément lucide. Il faut dès lors se rendre à l’évidence : Jimmy Yee est immortel. De plus, il se retrouve entouré de personnes qui prétendent le connaître (sa fille supposée, par exemple) : il a beau chercher dans sa mémoire, ça ne lui dit rien. On lui attribue une identité qui n’est pas la sienne. De nombreux mystères se succèdent, jusqu’à ce que Jimmy comprenne : son esprit s’introduit dans le corps des autres. Autrement dit, il est un démon : dès lors qu’il se suicide, il prend le corps de la personne physiquement la plus proche de lui lors du moment fatidique.
Si le tome 1, paru en octobre 2016, visait à confronter Jimmy avec ses interrogations quant à son nouvel état et à familiariser les lecteurs avec cet étrange « don », le tome 2, sorti en mars, gagne encore en intensité narrative, le tout à un rythme haletant. En quelque sorte, Jimmy est parvenu progressivement à domestiquer ses résurrections, et à transformer sa particularité de contrainte à ressource stratégique. Même emprisonné, il lui suffit de se suicider pour s’évader ! D’intrigue en intrigue, le voilà désormais recherché par les services secrets, qui souhaitent s’attacher ses services...
L’intrigue est palpitante, le scénario ébouriffant, les rebondissements sont légion : si le style graphique est minimaliste, presque naïf, on se régale à la lecture de cette série si novatrice, où le brio de l’auteur s’exprime également dans un humour souvent immoral. Jason Shiga n’est pas novice en la matière : il est aussi l’auteur d’un livre-concept que nous avions très positivement remarqué il y a quelques années.
La suite est prévue cette automne, puis au printemps 2018. Jason Shiga est en résidence à Angoulême jusque cet été.
(par Damien Boone)
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