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Des assassinats de Charlie Hebdo à ceux de Copenhague : quand la violence réelle répond à la violence symbolique

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 16 février 2015                      Lien  
Ne nous y trompons pas, les attaques répétées des fanatiques islamistes contre les caricaturistes sont le prétexte à un agenda qui ne les concerne guère : les agressions parallèles contre les Juifs le prouvent. Elles ont surtout pour but de tenter de remplacer un combat symbolique au profit de ce qui n'est rien d'autre qu'une guerre.

Si l’on ne peut qu’être affligés par les attentats successifs qui frappent les caricaturistes et les communautés juives d’Europe, dans un curieux amalgame auquel s’adjoint -on s’en aperçoit dans les menaces de ces dernières heures à l’adresse du pape- la Chrétienté toute entière, il ne faut pas perdre de vue que tout ceci n’est qu’un prétexte pour asseoir le pouvoir d’une minorité scélérate sur un peuple qui aspire -les Printemps arabes l’ont prouvé- à une autodétermination et à une liberté que l’Occident a également conquises dans la violence.

Dans celle de la Révolution Française d’abord qui a bouleversé toute l’Europe, de l’Espagne au Danemark, de la Belgique à la Pologne. Dans celle de la République qui porta jusqu’à l’autre bout du monde des valeurs occidentales imposées aux populations colonisées. Dans deux guerres mondiales enfin qui façonnèrent le monde moderne aux prix de crimes innommables.

Mais cette violence avait été d’abord celles des idées comme le rappelle un petit ouvrage publié ces jours-ci au Nouveau Monde : La Caricature... et si c’était sérieux ? Décryptage de la violence satirique. Dans sa préface, l’historien Pascal Ory souligne bien la différence entre ces deux violences, réelle et symbolique : seule l’expression de la seconde est régie par la Loi. "On aura noté qu’il existe une différence de nature entre un tribunal et une kalachnikov, écrit Ory : cela s’appelle l’État de droit."

Ce collectif d’historiens du dessin rappelle bien le combat des crayons contre les gouvernements autoritaires. Christian Delporte rapporte dans son chapitre, Brève histoire de la caricature, que le rôle premier du dessin d’humour est précisément de désacraliser l’autorité, ce qui ne convient évidemment jamais aux détenteurs des pouvoirs, qu’ils soient temporels ou spirituels.

Dans un autre chapitre d’ailleurs, le même historien montre à quel point même les gouvernements les plus libéraux, même les plus permissifs restent ambigus face à la caricature. Un autre historien distingué, Bertrand Tillier, en évoque la grammaire et comment la Révolution française en a aiguisé le tranchant. Laurence Danguy revient sur sa vocation anticléricale notamment.

Laurent Bihl quant à lui, souligne, à juste titre, combien la caricature a été utilisée par les propagandistes de tous ordres et de tous temps règlementée par la censure. L’avocat Emmanuel Pierrat détermine d’ailleurs les contours juridiques de la subversion dessinée.

Cet opuscule publié dans l’urgence a le mérite de ramener le débat sur la caricature à ses fondamentaux. Il n’en reste pas moins que ce qui est curieux dans ce qui nous arrive aujourd’hui, c’est que la caricature est utilisée -à l’aide d’interprétations abusives- par ses opposants contre elle. Ce faisant, elle et ses auteurs se retrouve sacralisés, situation inédite et paradoxale s’il en est...

Des assassinats de Charlie Hebdo à ceux de Copenhague : quand la violence réelle répond à la violence symbolique
Dans ce dessin (qui ne figure pas dans cet ouvrage), l’une des victimes de l’attentat du 7 janvier, Tignous, parodie la caricature danoise de Mahomet (avec la bombe dans le turban) en l’associant à une phrase de Sarkozy qui a servi au procès de Charlie Hebdo en 2007. Preuve que les caricaturistes eux-mêmes sont capables de relativiser leur propre pouvoir. Hélas pour Tignous, les terroristes n’ont pas le sens de l’humour...
(c) Tignous

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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