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Des intégrales sous le sapin : du soleil pour les fêtes !

Par Charles-Louis Detournay le 19 décembre 2021                      Lien  
Retour de notre traditionnelle (et semestrielle) rubrique dédiée aux intégrales et beaux livres en tout genre. En revue aujourd'hui, deux séries de Soleil, "Rahan" et "Eco", ainsi que "Les Pharaons d'Alexandrie" chez Glénat, qui vient clôturer une saga débutée il y a près de quinze ans. De belles images en perspective et de belles idées de cadeaux pour les fêtes !

Tous les six mois, et plus spécialement en fin d’année, nous faisons un tour parmi les intégrales et les beaux livres qui paraissent à l’occasion des trêves estivales et de fin d’année, histoire d’attirer votre attention sur des histoires complètes qui méritent le détour, ou encore des nouvelles éditions enrichies d’un contenu éditorial ou patrimonial qui vaut le détour.

Une fois n’est pas coutume, c’est Soleil qui nous interpelle avec Rahan, un héros mythique que l’éditeur toulonnais n’a cessé de promouvoir dès l’origine de la maison. D’ailleurs, c’est en 2009, pour les 40 ans du "Fils des âges farouches", que Soleil a inauguré cette nouvelle série d’intégrales, au départ en noir et blanc. Un format et une présentation qui avaient attiré l’œil des passionnés. Au point qu’après épuisement des stocks, chacun des dix volumes parus se négocient en seconde main à près d’une centaine d’euros au titre en moyenne !

Pour répondre à cette pénurie, Soleil vient de publier une nouvelle version de cette collection. Elle maintient la maquette rouge initiale très reconnaissable, mais en modifie le format. Et, en lieu et place des dix volumes d’environ 280 pages chacun, l’éditeur a cette fois opté pour cinq recueils plus volumineux, comptant environ 550 pages chacun. Certainement pour des raisons de conception et de poids, les dimensions de cette nouvelle édition sont légèrement plus petites (29,5 x 21,5 cm à la place de 33 x 24), la jaquette ayant également été laissée de côté. Un format un peu réduit qui permet en revanche de maintenir le prix à 39,95 € pour chaque volume. En clair : le lecteur profite donc de deux fois plus d’histoires pour le même prix !

Des intégrales sous le sapin : du soleil pour les fêtes !

Dès que l’on ouvre ce premier recueil, la petite différence de taille s’estompe rapidement pour laisser la place à la magie originelle des récits de Roger Lécureux et André Chéret. Une fois de plus, la splendeur hypnotique du noir et blanc fait son œuvre. Certes, ce n’est pas du fac-similé, mais le dynamisme des mouvements et la composition des pages puisent toute leur force dans cette remarquable présentation.

Même si elle ne contient toujours pas de dossiers introductifs (snif), cette nouvelle version est certainement l’un des événements de l’année que les amateurs d’intégrale ne louperont pas, surtout s’ils sont passés à côté de celle parue en 2009. Petit plus cependant : une frise composée par les cinq tomes va écrire le nom du fils des âges farouches en grandes lettres dans votre bibliothèque. Et comme les cinq tomes doivent paraître en moins de six mois, que les amateurs ne tardent pas !

Paru la semaine dernière, le tome 2 est déjà disponible !

Eco : un conte symbolique

Outre l’imposante pagination (234 pages), tout oppose cette intégrale d’Eco publiée également chez Soleil au recueil de Rahan. Ce conte tient d’ailleurs davantage du récit illustré que de la bande dessinée. C’est la magie des couleurs et du dessin d’Almanza qui permet au lecteur de suivre avec étonnement le récit poétique et symbolique écrit par Guillaume Bianco, connu entre autres pour son Billy Brouillard.

Au début de ce récit, nous faisons connaissance avec la petite Eco qui a tout pour être heureuse... ou presque ! Ses parents sont des couturiers très réputés... au point qu’ils n’ont malheureusement que peu de temps à consacrer à leur fille unique. Mais voilà, notre jeune héroïne commet l’irréparable en offrant à une mendiante le présent destiné au Premier Ministre.

Ses parents tombés en disgrâce deviennent à moitié fous et l’enfant doit se cloître avec ses quatre amis, des poupées de chiffons qui prennent vie. Mais le corps d’Eco se met à changer et, horrifiée de subir cette malédiction qu’elle pense lancée par sa mère, elle se met en quête de la Princesse des nuages pour inverser ce mauvais sort.

La Bête est-elle un ennemi ? Ou une épeuve incontournable ?
Certains sacrifices semblent inéluctables, pour continuer à arpenter le chemin...

Elle part donc sur les routes, accompagnée de ses quatre compagnons de chiffon portant des noms de philosophes. Mais le chemin est long et la forêt qu’elle doit traverser s’avère sombre et semée d’embûches. On raconte qu’elle serait le territoire d’une mystérieuse et effrayante « Bête sans visage »... Éco devra trouver suffisamment de force en elle pour l’affronter, et assez de courage pour accepter un devenir fait désormais de sacrifices et de concessions.

Superbe trilogie consacrée à certains rêves d’enfants que l’on doit abandonner pour grandir, Eco est surtout un conte universel, merveilleusement porté par le graphisme enchanteur d’Almanza. Après une introduction plutôt enfantine qui glisse progressivement vers une réalité plus sombre, le récit prend parfois des accents encore plus touchants, en lien avec la maturité nécessaire que l’on se découvre avec l’âge.

Portées par la force du texte de Bianco, certaines illustrations deviennent poignantes.

Guillaume Bianco s’en expliquait précédemment à notre micro : "Je voulais faire un hommage aux contes qui m’ont fasciné lorsque j’étais enfant. [...] J’ai instinctivement suivi celui de “Jack et le haricot magique” pour me guider. [...] Le conte du second opus sera celui du “Petit Chaperon rouge”, car Eco, adolescente fera de bien curieuses rencontres dans la forêt, et nous aimerions que la métaphore de ce livre soit la découverte de la sexualité, ainsi que l’acceptation de son corps, de son être, de son devenir."

Si l’on est réellement porté par le récit de Guillaume Bianco, qui a parfaitement intégré l’ADN de la collection Métamorphose, le dessin de Jérémie Almanza ouvre proprement vers l’imaginaire. Chaque dessin est une merveille de composition, portant des émotions bien réelles, dans une dimension à la fois poétique et quelque peu tragique.

Eco est bien plus qu’un hommage aux contes, c’est le portrait de l’enfant que nous avons tous été, et qui a dû abandonner une partie de ses rêves pour grandir. Cet enfant est toujours en nous. Gageons que ce conte superbement illustré lui plaise autant qu’à l’adulte qui l’héberge consciencieusement...

Sous le soleil d’Égypte

Changeons encore une fois radicalement d’ambiance pour nous retrouver dans l’Égypte antique, en 287 av JC, alors que le pharaon Ptolémée Ier, ancien général d’Alexandre le Grand, est à la fin de son règne. C’est dans une suffocante chaleur que se lance notre récit : souhaitant éviter l’atmosphère étouffante de la ville de Thèbes, l’envoyé du pharaon utilise l’allée sacrée des sphynx. Lorsque des membres du clergé d’Amon tentent de le raisonner, ils les embroche avec son épée. C’est le point de départ d’une grande opposition entre ce perfide politicien, avide de pouvoir et rejetant la culture égyptienne, et le jeune Hotep qui vient de recevoir la charge de grand prêtre d’Amon à la mort de son père.

Une double-page du début des "Pharaons d’Alexandrie".
Le premier tome est paru chez Glénat en 2007.

Dès que vous jetterez un œil sur le travail de Rafaël Morales, vous ne manquerez pas d’y voir un lien familier avec le graphisme de Jacques Martin. Cela s’explique : Morales fut l’assistant du chantre de la bande dessinée historique dès 1987. Par la suite, il réalisa cinq albums d’Alix après avoir succédé à la réalisation graphique des travaux de Jacques Martin au milieu des années 1990.

D’autres dessinateurs lui succéderont : dessinateurs Cédric Hervan puis Christophe Simon..., Rafaël Morales s’embarqua seul dans une nouvelle saga antique se déroulant cette fois en Égypte. Intitulée Hotep, du nom du prêtre dont on suit les aventures, deux premiers tomes étaient parus chez Glénat, respectivement en 2007 et 2009, mais le troisième tome annoncé ne vit jamais le jour.

Après avoir réalisé un quatrième voyage d’Alix chez Casterman, l’auteur reprit finalement son travail pour Glénat afin de finaliser sa série avec un troisième tome inédit qui paraît finalement dans de cette intégrale, sous le nouveau titre des Pharaons d’Alexandrie.

Loin d’être fluide, le découpage apparaît comme saccadé, surtout dans le premier tome, ce qui confère de la confusion dans le récit. De plus, les personnages qui paraissent déjà assez désincarnés dans le scénario ne se départissent pas d’un dessin parfois raide. Ces bémols sont toutefois contrebalancés par l’admirable restitution historique opérée par l’auteur. Les monuments et les décors sont tout simplement magnifiques, au point que l’on prend un immense plaisir à se balader dans les cases sous un soleil égyptien qui contraste nettement avec nos courtes journées grises d’hiver.

L’éditeur ne s’y est d’ailleurs pas trompé, en retirant, pour orner cette intégrale, les personnages présents sur les deux premières couvertures originelles, pour leur préférer une magnifique vue antique de Louxor. Un cadeau attend d’ailleurs le lecteur : inséré dans la page de garde, se trouve un gigantesque poster de 61 cm sur 88 représentant le crayonné (sans doute à taille réelle) d’une composition du temple de Karnak en plongée (comme sur la couverture) et vue de face. Une clé pour apprécier à sa juste valeur le travail de Morales sur cette série, tout en lui pardonnant ses maladresses. Faites toutefois attention en refermant le livre, le poster a tendance à se glisser dans la pliure et s’y corner. Un lecteur averti en vaut deux !

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782302091283

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