Dans le New-York de la fin du XIXe siècle, les immigrés sont légion. Les Juifs venus d’Europe de l’Est, en particulier. Beaucoup travaillent dans la confection, avec des conditions de travail difficiles.
C’est là que grandissent Esther et Fanya. La première est fascinée par l’art, la danse, le théâtre, l’autre se plonge avec délice dans les livres. À mesure qu’elles grandissent, leurs chemins s’éloignent. Mais chacune va trouver, en traversant des épreuves difficiles, une vraie forme de liberté, telle une avant-garde à l’émancipation des femmes et au rayonnement des Juifs dans la société américaine, notamment dans le milieu culturel.
Contrairement à certains critiques américains, il me semble que l’univers de Leela Corman doit plus à la littérature qu’aux grands noms comme Eisner ou Spiegelman. Son dessin quant à lui évoque immédiatement David B., et nul doute que l’auteure a beaucoup lu les artistes européens.
Avec un sens du drame constamment maîtrisé, Corman fait vivre son récit à grand renfort de gris et blanc, les aplats de noirs s’intégrant avec brio.
Dessous se distingue également par la qualité de ses dialogues. La traduction de Jean-Paul Jennequin illustre bien les progrès d’Esther, l’actrice, qui passe d’un langage populaire aux subtilités de la rhétorique mondaine. Et les générations antérieures distillent à chaque phrase des mots en yiddish aux sonorités éclatantes. Tous ces termes ne sont pas systématiquement expliqués, mais on devine aisément leur sens par le contexte.
Au-delà d’une trame romanesque déroulée magnifiquement jusqu’à une splendide planche finale aussi parfaite dans le texte que dans le dessin, Leela Corman dresse un portrait de deux rebelles qui prend une portée universelle, tout en éclairant une période passionnante de l’histoire sociale américaine.
(par David TAUGIS)
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