Comme on pouvait s’y attendre, l’errance des deux jeunes femmes dans la capitale sous couvre-feu trouve sa conclusion avec la fin de la nuit. Dans ce second tome, Arlette, l’insouciante sortie de prison, est toujours à la recherche d’un toit, d’une nouvelle vie tandis qu’Anna, jeune magicienne juive, tente de se procurer des faux papiers pour échapper à la police française.
Leur escapade nocturne se prolonge par des rencontres plus ou moins volontaires, plus ou moins sympathiques, plus ou moins fortuites ! Leurs mésaventures nous renvoient à une vision bigarrée et contrastée du Paris de l’Occupation à travers différents personnages ou des situations emblématiques : policiers aux ordres de Vichy, soldats allemands, bals clandestins, trafiquants et marché noir...
Bien que la narration ne soit pas sans rappeler le fameux film de Claude Autant-Lara, La Traversée de Paris (1956), le récit explore d’autres pistes : la rencontre avec un éléphant du Jardin des plantes, le repas improvisé chez un couple de bourgeois ou la ville sombre et quasi déserte, tout cela introduit selon les cas une dose de fantaisie ou des références explicites à des confinements bien plus récents ! « - Moi, ce que j’aimerais, ce serait de pouvoir sortir d’ici m’installer à une terrasse de café et savourer un crème avec un croissant », clin d’œil habile et saisissant dans la réplique d’un des personnages, en écho à des problématiques très actuelles !
En évitant de s’arrêter sur une imagerie convenue du Paris occupé, les auteurs donnent à cette longue nuit des accents bien particuliers. Les visions fantastiques de la ville confinée provoquent une résonance étrange, singulière, totalement crédible. La cavale de ces femmes que tout oppose se prolonge dans des situations d’oubli, de séparations puis de retrouvailles à l’image de certaines destinées vécues durant cette période tragique.
Les retrouvailles, c’est aussi celles de deux anciens auteurs du magazine Pilote des années 1970. Cinquante ans après leur première rencontre dans les couloirs du fameux magazine, on les retrouve porteurs d’un récit autant cinématographique dans sa construction que graphique dans sa conception.
Si à l’origine, Patrice Leconte avait imaginé une version filmée de cette histoire, sa mise en images par Alexandre Coutelis souligne la dimension fantastique et dramatique du récit. L’atmosphère nocturne et inquiétante qui sert de toile de fond donne l’occasion à ce maître des ambiances de jouer avec les aplats, les clairs-obscurs tout en renouvelant la gamme des couleurs et des ombres.
Le soin apporté à la maquette et à la réalisation contribue à mettre en valeur la qualité de ce diptyque.
Un demi siècle plus tard, les deux anciens compères de Pilote savent encore faire preuve d’un savoir-faire intact et efficace !
(par Patrice Gentilhomme)
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Deux passantes dans la nuit T. 2 : Anna. Par Patrice Leconte, Jérôme Tonnerre (scénario) et Alexandre Coutelis (dessin). Éditions Grand Angle/Bamboo. Sortie le 1 septembre 2021. 22,30 x 29,90 cm. 64 pages couleur. 16,90 €.
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