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Deux pointures pour le retour de Corto Maltese

Par Charles-Louis Detournay le 7 octobre 2014                      Lien  
La nouvelle nous est vendue comme un scoop, mais on l'attendait depuis des années : Corto Maltese revient pour la rentrée 2015 avec deux "pointures" : le scénariste de "Blacksad", Juan Diaz Canales, et l'élégant Ruben Pellejero, digne héritier du dessinateur vénitien, pour une drôle de "Rencontre à Buenos Aires"...

Les grands héros européens ne veulent plus mourir. En cela, l’Europe rejoint les États-Unis : après une reprise inattendue d’Astérix et les palabres sibyllines sur l’hypothèse d’une continuation de Tintin, c’est au tour d’une autre icône de la bande dessinée européenne, Corto Maltese, le marin à rouflaquettes d’Hugo Pratt qui reprend du service. En effet, Cong S.A., la société qui gère les droits des œuvres de l’artiste ne pouvait se contenter d’un éternel repackaging de l’œuvre originale, même si, selon Benoît Mouchart, directeur éditorial de Casterman"la série n’a pas encore été lue et diffusée à la hauteur de cette notoriété.".

On se rappelle que d’autres personnages d’Hugo Pratt avaient déjà fait l’objet d’une relance sous d’autres plumes : que ce soit de son vivant, comme leCapitaine Cormorant, ou après son décès en 1995, avec deux nouvelles aventures des Scorpions du désert.

Deux pointures pour le retour de Corto Maltese

Mais la reprise d’un personnage aussi emblématique que Corto Maltese représente un défi de taille : une stature particulière, et un scénario qui devait évoquer l’aventure bien sûr, mais aussi de la poésie, le rêve et une certaine langueur spécifique aux récits du maître vénitien.

Plusieurs fois, on a cru que le candidat était choisi : on a frémi devant le dessin d’Enrico Marini, on a beaucoup parlé de Milo Manara, mais à chaque fois l’interrogation restait la même : "- Pourquoi pas, mais il faut avant tout un solide scénario pour charpenter le récit !"

Ruben Pellejero
Photo DR - (c) Casterman

Après des années de réflexion, il semble que le choix soit finalement porté sur un duo d’auteurs bien connu des lecteurs : le scénariste Juan Diaz Canales réputé notamment pour ses albums de Blacksad et le dessinateur Ruben Pellejero l’élégant créateur de Dieter Lumpen, du Silence de Malka ou de Loup de Pluie, etc.

Hugo Pratt n’a jamais été opposé à une reprise de son héros après sa disparition. La sortie de cette nouvelle création interviendra en octobre 2015, quasi jour pour jour vingt ans après sa disparition. On suppose que Casterman en profitera pour remettre le marin sous les feux de l’actualité.

Il y a quelques années, lors des précédents signes avant-coureurs de la reprise, Patrizia Zanotti, l’épouse et légataire universelle de Pratt, souhaitait que, chronologiquement, le nouvel album de Corto Maltese s’intercale entre La Jeunesse de Corto et La Ballade de la Mer Salée, soit entre 1905 et 1913. On verra si cette intention sera respectée.

En attendant Corto...

D’ici là, les fans du célèbre marin pourront tromper leur impatience avec un surprenant petit roman paru chez Favre Hugo Pratt : La Rencontre de Buenos Aires. Michel Rime a imaginé la rencontre du jeune auteur Hugo Pratt vivant en Argentine, avec un marin qui aurait servi de modèle aux récits bien connus.

Cette rencontre entre Pratt et Corto est à la fois l’occasion d’en savoir un peu plus sur la vie d’Hugo Pratt en Argentine, de ressentir poétiquement l’ambiance des rues de Buenos Aires, mais également de plonger dans les pensées d’un Corto vieillissant, toujours à la recherche de trésors perdus et bons moments passés entre amis, quand il n’est pas amené à rencontrer des personnages illustres comme Borges ou à se retrouver au cœur des rivalités atomiques entre grandes puissances.

Aussi improbable que cette rencontre en l’auteur et sa créature puisse paraître, elle touche au cœur l’amateur de Corto Maltese car elles font écho à ses grands aventures rappelées en filigrane du récit

Avec ce petit roman fort bien écrit, la preuve est administrée, s’il en état besoin, que Corto reste un personnage à part, auquel les lecteurs sont fort attachés. Nul ne doute que les passionnés regarderont cette future reprise avec un œil attentif et critique, mais peut-être également humide, gorgé de l’émotion des retrouvailles avec un vieil ami.

(par Charles-Louis Detournay)

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21 Messages :
  • Deux pointures pour le retour de Corto Maltese
    7 octobre 2014 15:05, par Guerlain

    Le choix de Pellejero semble indiquer qu’on sera dans une épure plus proche des derniers tomes que du trait très fin et travaillé de la Ballade...
    L’univers de Corto est suffisamment vaste pour que des auteurs puissent apporter leur grain de sel. Pourquoi pas ceux-là ?
    En tout cas plus que Manara ou Marini, qui ne sont pas du tout dans l’esprit de Pratt.

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  • Deux pointures pour le retour de Corto Maltese
    7 octobre 2014 21:35, par Pierre

    “Patrizia Zanotti, l’épouse et légataire universelle de Pratt”. Légataire universelle, c’est factuelle mais “l’épouse”, c’est la première fois que je le vois écrit “noir sur blanc”…

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  • Deux pointures pour le retour de Corto Maltese
    8 octobre 2014 03:56, par Patrick (Barlavert pour ceux qui savent)

    Pointure c’est vite dit, parce que les scénarios de Blacksad sont d’une pauvreté affligeante.

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    • Répondu par Oncle Francois le 8 octobre 2014 à  12:39 :

      Effectivement Monsieur Barlavert (même si je ne sais pas !), je ne vois pas trop ce que le scénariste de Blacksad, dont le principal mérite est d’avoir un dessinateur de grand talent, et qui s’est jusqu’ici limité à du polar hardboiled animalier, pourrait apporter à une continuité scénaristique des aventures rêveuses et romantiques du célèbre marin imaginé par le grand Hugo Pratt. En revanche, je n’ai aucune inquiétude pour le dessin de Pellejero, même s’il me semble qu’il doit y avoir encore quelques mains disponibles dans les cohortes de dessinateurs qui ont aidé le Maître vénitien dans son studio, en toute humilité pour reprendre les traditions initiées par les sieurs Rémi et Culliford en Belgique, entre autres !

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    • Répondu par Pirlouit le 8 octobre 2014 à  20:13 :

      Une pointure de petite taille, disons 36 ou 37 à tout casser...

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    • Répondu le 8 octobre 2014 à  20:53 :

      En effet, c’est la partie scénaristique de ce tandem de repreneurs qui m’inspire le plus de crainte. C’est tellement difficile de passer derrière la verve littéraire et l’érudition de Pratt ! Et il faut avouer que le jeune scénariste Canalès n’a pas encore fait ses preuves. Comme dit précédemment, ce n’est sans doute pas par ses qualités d’écriture que la série Blacksad a attiré l’attention...

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  • Deux pointures pour le retour de Corto Maltese
    8 octobre 2014 21:20, par is l’un chausse

    Deux pointures, mais l’un chausse du 37 et l’autre du 43, ça va boiter...

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  • Deux pointures pour le retour de Corto Maltese
    8 octobre 2014 23:06, par Décibelle

    Corto Maltese= Hugo Pratt.
    Personne n’égalera Pratt, son dessin, son érudition.
    Ce sera un ersatz d’ Hugo Pratt et une grosse affaire commerciale pour relancer les ventes.C’est légitime mais c’est désincarner Hugo Pratt.

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    • Répondu par Oncle Francois le 9 octobre 2014 à  11:27 :

      Les grands personnages de BD sont les enfants de leur créateur. Une fois ceux-ci disparus, ces personnages deviennent orphelins. Il ne sert à rien de vouloir en faire des élevages, ou de vouloir les dupliquer artificiellement avec la GPA ou la PMA appliquées aux forceps à la bande dessinée, dans l’espoir de la faire accoucher de quelques beaux livres (à mon avis certains éditeurs préfèrent la rentabilité à la beauté, en ces temps de morosité).

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      • Répondu le 9 octobre 2014 à  22:06 :

        Votre point de vue est subjectif, en aucun cas un théorème. À titre d’exemples : le "Rip Kirby" de Prentice est bien plus abouti que celui de son créateur, Alex Raymond. John Romita a repris et amélioré à la puissance 1000 le "Spiderman" de Ditko. Et plus près de nous, Pellos a fait revivre les Pieds Nickelés de Forton. Et qu’en est-il du Spirou de Rob-Vel passé aux mains d’un Jijé puis d’un Franquin. Votre théorie ne tient pas l’examen.

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        • Répondu par Oncle Francois le 10 octobre 2014 à  13:02 :

          Les exemples que vous donnez ont une cinquantaine d’années ou plus ; à l’époque, la BD n’avait pas atteint la maturité, et les nouveaux auteurs qui arrivaient sur le marché (de l’emploi) avaient parfois plus de talent et de professionnalisme que leurs prédecesseurs, qui avaient au moins eu le mérite de créer des concepts intelligents,et de défricher le terrain en ce qui concerne les bases de l’art séquentiel. Je suis d’accord avec vous, je ne me prosterne pas devant les pages de Robert Velter ou de Fernand Dineur, leurs successeurs ont fait mieux.

          Il n’empêche que la réussite de la reprise de grandes séries importantes est plus qu’aléatoire. Dans certains cas, cela peut être réussi, dans d’autres cela déçoit le lecteur cultivé, peut-être un peu empêtré dans la nostalgie, je le concède. Mais cela peut faire le bonheur de la grande distribution et des éditeurs qui ont besoin de faire perdurer leur fonds de catalogue.

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          • Répondu le 11 octobre 2014 à  00:42 :

            Les exemples que vous donnez ont une cinquantaine d’années ou plus

            Mais c’est le sujet, non ? Et Corto a été créé il y a bientôt 50 ans (1967), au cas ou cela vous aurez échappé...

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        • Répondu par Antonio J le 12 octobre 2014 à  14:14 :

          Votre appréciation est également subjective. En quoi le Rip Kirby de Prentice est plus abouti que celui de Raymond ? Pas graphiquement, en tout cas, même si Prentice a fait du bon travail. Quant aux scénarios, il est licite de penser que ceux de Dickenson, sans l’intervention ou le contrôle de Raymond ont changé le caractère de la série. Les histoires de Prentice et Dickenson des années ’60 et ’70 sont infiniment moins intéressantes (sinon carrément plus médiocres) que celles d’avant. Ceci dit, ce n’est qu’une opinión, bien sûr. Amitiés.

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    • Répondu par Oncle Francois le 9 octobre 2014 à  12:58 :

      Corto Maltese= Hugo Pratt, Tintin= Hergé et ses assistants, Astérix= Goscinny + Uderzo (sinon, l’équation est fausse, amis mathématichiens), Lagaffe=Franquin,

      On peut avoir aussi des équations plus complexes à plusieurs inconnues,comme Blake et Mortimer= Jacobs = x + y (dans laquelle x et y peuvent avoir différentes valeurs, les équations peuvent être subtiles), ou Alix= Jacques Martin= x +y (même remarque que précèdemment). Mais si Blueberry, c’est Charlier plus Gir, les autres équipes n’ont pu atteindre le même résultat. Sans oublier les comics, mangas ou blogs qui sont des ensembles presque infinis en logarithmique, comprenant plusieurs centaines d’auteurs chacun...

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  • Deux pointures pour le retour de Corto Maltese
    9 octobre 2014 12:39, par Patrick Bapoum

    Bonjour à tous, je sais que ce message aura un caractère légèrement promotionnel, ce qui est le cas, mais pas que : Rubén Pellejero sera en dédicace à Paris chez AAAPOUM BAPOUM mardi 15 octobre à partir de 17H, en compagnie de Lele Vianello, qui fut assistant d’Hugo Pratt. Si vous voulez lui poser des questions, c’est aussi l’occasion ou jamais.
    Patrick Bapoum

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  • Deux pointures pour le retour de Corto Maltese
    18 octobre 2014 17:04, par Ivo 27.

    Pourquoi choisir un scénariste et un dessinateur étrangers au monde de Corto Maltese ?
    Manara, proche d’Hugo et génial auteur ferait bien l’affaire mais il y a toujours les deux as du crayon que sont Guido Fuga et Lele Vianello, qui ont participé à bien des album du maestro. De plus ils sont Vénitiens et Lele travaille toujours dans le bureau qu’occupait Pratt au Lido de Venise. L’un des deux a été a l’origine de la Maison de Corto Maltese à Venise, qui hélas n’a été qu’éphémère.

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    • Répondu le 18 octobre 2014 à  18:45 :

      Place aux jeunes !

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      • Répondu le 19 octobre 2014 à  18:05 :

        Oui, corto dessiné et scenarisé par Simon roussin ou Marion montaigne, ça serait un super progrès !

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    • Répondu par Kyle William le 7 juillet 2017 à  15:30 :

      Toujours un plaisir de retrouver Corto Maltese, même sous la plume modeste de Pellejero et Canales, qui, très loin d’égaler Pratt, s’en tirent, dirait-on, de mieux en mieux.
      Et quelle ironie de lire donc ce matin les premières pages du prochain album dans le Figaro Magazine, lequel est donc capable d’accueillir dans ses pages d’une part, le marin libertaire d’Hugo Pratt, ami de toutes les cultures et défenseur de tous les bafoués de la Terre… et d’autre part, un éditorial où il est rappelé en substance, citation de l’actuel président polonais à l’appui, que les migrants peuvent tous crever.

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