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Didier Borg (Delitoon) « Si tu as un smartphone, tu as Delitoon »

Par Laurent Melikian le 30 janvier 2017                      Lien  
Les webtoons, des bandes dessinées à lire sur smartphone s’imposeront-ils en France comme il l’ont fait en Corée où ils sont devenus la forme de lecture graphique majoritaire ? À la tête de Delitoon, Didier Borg est un des premiers acteurs de ce marché émergeant. Il est présent au FIBD avec un stand minimaliste où l’on ne vend ni papier, ni statuette…

Que faut-il pour lire les webtoons sur Delitoon ?
Tout écran connecté permet d’accéder au site et d’en lire les contenus avec un navigateur. Cependant nos contenus sont d’abord conçus pour les smartphones. Il existe également une application pour Android, une autre pour IOS est en développement.

Pourquoi vous être lancé dans le webtoon ?
Je suis devenu éditeur chez Casterman en 2006. Auparavant j’avais travaillé à la télévision et dans la musique, deux secteurs qui ont radicalement évolué avec la diffusion numérique. En bande dessinée, rien de révolutionnaire n’arrivait. À l’avènement de l’IPhone est arrivé et beaucoup de startups ont voulu porter la BD sur mobiles, je les ai vues échouer les unes après les autres et surtout je me suis aperçu que la communication ne passait pas entre les startups qui ne connaissaient rien aux exigences de la BD et les maisons d’éditions qui ne maîtrisaient pas la technologie. Lorsque je travaillais pour la collection KSTR nous avons publié de curieux livres coréens sans case, des adaptations de webtoons sur papier. Nous étions en 2008.
Didier Borg (Delitoon) « Si tu as un smartphone, tu as Delitoon »
Neuf ans se sont écoulés depuis…
Oui, il y avait alors quatre grands acteurs en Corée, il en reste aujourd’hui deux, Daum et Naver. Aucun n’était prêt à travailler avec un partenaire en France. J’allais deux fois par an en Corée et à force d’insistance, une société de développement m’a proposé d’adapter leur technologie. Avec Casterman, nous avons lancé la première version de Delitoon entièrement gratuit, elle proposait 100% de titres francophones publiés ensuite dans la collection KSTR. Les lecteurs étaient présents mais la publicité ne générait pas suffisamment de revenus. En Corée, on a fini par me remarquer comme le seul européen à parler du webtoon. KidariEnt, une filiale de Daou spécialisée dans les contenus m’a approché. Leur principe est de considérer que le Webtoon est à la base de nombreuses déclinaisons, film, théâtre, livre, ... C’est ainsi que nous avons relancé Delitoon il y a un an.

Que trouve-t-on actuellement sur Delitoon ?
On y trouve une cinquantaine de webtoons coréens ainsi que Lastman de Vivés, Sanlaville et Balak qui était déjà présent lors du lancement de la première version de Delitooon.

Quel est le principe du webtoon selon Delitoon ?
Ce sont des feuilletons à lire épisode après épisode. Les deux ou trois premiers épisodes sont gratuits, les suivants sont payants.

Comment achète-t-on un épisode de webtoon ?
Avec des portefeuilles électroniques. Chaque épisode s’achète pour quelques crédits. Pour un exemple concret Honey Blood dont l’auteure Lee Narae est invitée ici à Angoulême, comporte 44 épisodes dont trois gratuits. Les 41 épisodes suivants sont accessibles pour deux crédits par épisode, que l’on peut acquérir avec un pack de 20 euros. Il faut savoir que cela correspond à deux à trois heures de lecture.

Combien de lecteurs fédérez-vous, quel est leur profile ?
Delitoon compte plus de 50 000 inscrits. Ils ne sont pas des acheteurs, mais leur nombre est suffisamment conséquent pour nous satisfaire. Ils sont jeunes, entre 18 et 34, principalement moins de 24 ans. Nous comptons autant de femmes que d’hommes. Ils aiment le manga, le jeu-vidéo, Netflix, ils lisent également des romans et des bandes dessinées sur papier, ce qui prouve la parfaite complémentarité des deux domaines.

Quelles sont vos séries à succès ?
Deux séries se sont bien affirmées. Plutôt pour un public masculin, Dokgo est l’histoire d’un jumeau voulant venger son frère assassiné. Le graphisme évoque un dessin traditionnel au crayon, le scénario pourrait donner de la matière à une excellente série télé. Par ailleurs Honey blood est une romance fantastique sous fond de harcèlement scolaire. La première saison a eu beaucoup de succès cet hiver. Elle va se prolonger avec une nouvelle saison en mars.

Que veut dire une saison en webtoon ?
Comme en télévision, une saison représente un cycle narratif. Pour une analogie avec le livre, si l’on devait porter Honey Blood en manga, la première saison représenterait deux gros volumes. Dans le cas de Dogko, trois saisons sont annoncées. Il s’agit de séries en 90 épisodes. Le webtoon a induit des comportements de lecture qu’on ne connaissait pas. Comme pour Netflix, nous avons des « binge lecteurs » qui se nourrissent d’une série d’une traite. Nous recevons souvent des commentaires comme : « J’ai lu toute la nuit et demain j’ai cours. Tant pis c’était génial !  ». Une communauté est apparue avec qui nous dialoguons en permanence. Ses membres sont sympas, malins, exigeants, tout en étant tolérant. Ils nous encouragent à nous améliorer.

Si des auteurs français se présentent avec un projet de webtoon ?
Je suis dans cette attente. Mais il faut bien comprendre ce qu’est le webtoon, une autre forme de narration, une autre structure de dessin. Il s’agit d’une bande que l’on déroule verticalement. Si nous devions signer un contrat avec un auteur On se comporterait comme un éditeur classique avec un contrat. Notre rôle consistera à construire deux objets différents, d’abord une œuvre digitale, et si elle rencontre le succès, éventuellement un livre pour les passionnés, comme l’objet dérivé du webtoon.

Quel développement ?
Nous discutons avec Weibo, le twitter chinois, pour devenir le diffuseur exclusif de leurs webtoons en français. Ce sont des contenus d’excellente qualité. Il s’agira d’un accord à double sens qui peut aussi nous permettre d’exporter des webtoons français. Delitoon doit également devenir une plateforme d’exportation des auteurs et des éditeurs francophones vers les marchés coréens et chinois.

"The I" par Nam Jung Hoo présent au FIBD 2017

Que propose un stand de webtoon dans un festival comme Angoulême ?
Nous avons le plaisir d’accueillir Lee Narae pour Honey Blood, mais aussi Nam Jung Hoon pour The I. Nous allons organiser des drawing shows, des dédicaces en vidéo. Ce sont des performances-spectacles que Kim Jung Gi a déjà popularisé. Nos visiteurs ne repartiront pas avec un livre, mais des souvenirs. Ils viennent pour s’amuser, se faire prendre en photo (comme le médaillon), lire des webtoons sur nos stations, discuter, … Nous venons en salon, c’est avant tout pour rencontrer les lecteurs. L’achat peut se faire ensuite n’importe et n’importe quand. Si tu as un smartphone, tu as Delitoon.

Voir en ligne : Delitoon

(par Laurent Melikian)

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