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Didier Super : "Certains appellent ça de la provocation, d’autres de la merde… Tout le monde a raison !"

Par Laurent Boileau le 20 octobre 2010                      Lien  
L'un de ses disques s'est vu qualifié du "plus mauvais disque du monde et de tous les temps" par le magazine Télérama. Ultra provocateur pour les uns, génial humoriste pour les autres, Didier Super n'a pas laissé Emmanuel Reuzé indifférent. Leur rencontre a débouché sur La vraie vie de Didier Super, un album autobiographique édité chez Delcourt.

La chanson ne vous suffisait plus ? Pourquoi vous lancer dans la bande dessinée ?

Parce qu’on ne me propose pas tant que ça de choses différentes. C’est Emmanuel Reuzé que je ne connaissais pas qui a envoyé un e-mail sur mon site. À la base, son idée était de faire d’adapter mes chansons en BD, puisque apparemment, ça se fait ! C’était en 2008 et je venais de sortir un disque chez Polydor. Du coup, j’avais pas mal de petites choses à raconter sur la manière dont s’était déroulée la promo. Je lui ai dit : "attends ! Il y a beaucoup mieux à faire que des chansons en BD ! On va mettre toutes les anecdotes, tous les accidents de parcours depuis que je traîne dans les maisons de disque. »

Tout n’est pas vrai dans l’album, tout de même ?

On s’est dit que le seul intérêt, c’était que ce qui est vrai soit lisible en tant que tel. Disons que ma vie n’est pas suffisamment intéressante pour qu’on s’en contente !

Donc vous avez un peu brodé ?

Bin oui… Et puis il faut aussi que Manu s’amuse un petit peu !

Comment avez-vous travaillé ensemble ?

Toutes les bonnes idées de forme, c’est Manu qui les a trouvées. Il n’était pas qu’un simple exécutant. Moi, je me suis contenté de lui raconter mes histoires et il a rendu tout ça cohérent. Moi, j’ai passé quatre jours en tout !

Didier Super : "Certains appellent ça de la provocation, d'autres de la merde… Tout le monde a raison !"

Au final, quel regard portez-vous sur l’album ?

Ça va, c’est un peu chiant à lire mais vu qu’il n’y a que 50 pages, c’est vite fait !

Cet album n’est-il pas trop sérieux pour Didier Super ?

Mais Didier Super n’existe pas ! Je peux donc lire des choses chiantes et m’amuser quand même !

Faites-vous vraiment la différence entre le personnage qui est sur scène et l’homme qui est derrière ?

Il vaut mieux, sinon vous finissez chez le psy ! La seule chose que j’aurais à dire sur cette BD, c’est qu’on a fait vivre des choses vraies à un personnage qui n’existe pas !

Vous portez un regard acide sur le milieu de la musique….

Effectivement, mais les gens avec qui j’ai bossé ne sont pas forcément les pires. À travers eux, c’est le métier qui est visé. J’ai des comptes beaucoup plus personnels à régler, mais je ne pense pas qu’à travers cette BD, cela apparaisse. Aujourd’hui, les maisons de disques qui ne vendent plus de disques et qui n’accusent qu’Internet, sont celles qui font tout pour que leurs artistes, qui, en partie, jouent le jeu, soient le moins créatifs possible ! Lorsqu’une maison de disque sort un artiste de l’anonymat parce qu’il a eu le génie de sortir un album (dont il ne sait lui-même pas comment !) et qu’au deuxième album, elle a une exigence de 12 titres, avec le plus possible de morceaux qui font « couplet-refrain », pour que ça fasse un tube à la radio, alors le résultat est décevant. Un chanteur ne peut pas faire « caca » sur commande ! Or, c’est ce que les maisons de disque demandent. Donc souvent les deuxième et troisième albums sont inintéressants. C’est pour cela qu’aujourd’hui, nous assistons à des carrières de chanteurs qui durent six mois ! Les tourneurs sont à la botte des maisons de disque parce qu’elles ont besoin que leur « artiste » fasse des concerts pour vendre le disque. En fait, le concert est relégué au rang du "tee-shirt promotionnel", c’est un produit dérivé pour vendre du disque. Ce système est en train de s’effondrer. Le tourneur compte là-dessus, donc il a besoin que son artiste fasse le plus de dates possible. C’est ce qui m’est arrivé. J’aime bien jouer mais je crois qu’à un moment je ne me suis pas forcément rendu compte qu’on pouvait trop jouer.

Trop jouer dans quel sens ?

Faire trop de dates, trop de concerts, alors que, parallèlement, j’adore ça. Un artiste, c’est comme un bête sauvage : tu la mets en cage, tu la tues ! Elle ne sort plus rien de bon.

Combien de concerts faites-vous par an ?

Avant d’être dans les maisons de disque, je faisais une cinquantaine de dates par an, et en 2005, quand le circuit a commencé, j’ai approché la centaine !

N’est-ce pas un peu facile de critiquer un système et de s’appuyer sur lui pour évoluer ?

C’est comme à l’armée : tu peux être entouré de cons et les aimer. Je ne vais pas me mettre à créer un système moi-même.

Non, mais certains refusent d’y entrer.

Il y a un moment où il faut mettre de côté son orgueil. Je sais comment est le système, mais je suis aussi très content de ne pas aller travailler à l’usine. Le tout, c’est de ne pas raconter d’histoire sur ce qu’on dit .

Didier Super ne se prend pas pour une vedette ?

Didier Super ? Si, bien sûr, il se prend pour une vedette, mais je ne suis pas Didier Super. La différence entre un artiste et une vedette est importante. Ce n’est pas du tout le même métier : contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, la vedette n’est pas un artiste qui a réussi.

La distinction entre l’artiste et le personnage, c’est clair pour tout le monde ?

Oui et non. Des fois, quand je joue en solo, il y a des gens qui partent en plein milieu du concert, choqués. On peut avoir de l’humour et ne pas aimer ce que je fais, et on peut avoir un cerveau et ne pas comprendre ce que je fais. Il y a une catégorie de fans un peu jeunes, lycéens, qui comprennent mes blagues mais qui me prennent pour un débile clairvoyant et qui pensent que je ne suis pas tout à fait conscient de ce que je dis. Mais ce n’est pas mon problème.

Qu’est-ce qui vous motive au départ ?

Un papier et un crayon. Et après, s’il y a affinité, chanter devant des gens. Donc tout part du texte.

Est ce qu’il y a une volonté d’être provocateur chez Didier Super ?

Provoquer pour provoquer, c’est gratuit. Je me suis vu attribuer ce titre de provocateur mais non, je ne fais que ce qui me fait rire. Certains appellent ça de la provocation, d’autres de la merde… Tout le monde a raison !

Dans l’album, vous qualifiez vos fans de « cons ». Est-ce facile de chanter face à un public que l’on traite de con ?

Dans beaucoup de domaines, lorsqu’il y a des gens qui vous portent une admiration pas forcément méritée, c’est forcément désagréable. Ne serait-ce que les gens qui viennent me demander un autographe… Qu’est-ce que c’est cette histoire ! Ma signature a pris de l’importance parce qu’il y a un bout de plastique vendu à la Fnac ? C’est complètement aberrant ! Tout le public n’est pas comme ça, mais c’est important de recadrer le public fan.

Pour la bande dessinée, ce sont aussi les lecteurs cons qui sont visés ?

Je ne connais pas les lecteurs de BD… On verra, ce sera comme avec le premier disque, je serai peut-être déçu !

Vous y trouverez aussi des fans qui font la queue pendant des heures pour avoir une dédicace ou une signature !

Ah merde ! Ils sont aussi chez vous ?

Quel est le programme des prochains mois de Didier Super ?

Demain, je pars au Maroc pour faire du spectacle de rue. Je voudrais faire soit un reportage, soit un clip sur le thème : « Est-ce qu’on peut développer un pays pauvre en faisant cinq prières par jour ». Et en novembre, j’enchaîne avec une comédie musicale intitulée Et si Didier Super était la réincarnation du Christ ?. C’est juste pour avoir un bon titre et pouvoir rivaliser avec des pièces comme Ma voisine ne suce pas que des glaçons… Et l’année prochaine, je pars en tournée.

(par Laurent Boileau)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photo © f.loridant@photorock.com

Illustrations © Super/Reuzé/Delcourt

 
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