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Didier et Lyse Tarquin : « On peut tout faire ! Il suffit juste d’atterrir sur une nouvelle planète. » [INTERVIEW]

Par François RISSEL le 22 mars 2023                      Lien  
Lors du dernier festival d’Angoulême, une très belle exposition était consacrée au travail de Lyse et Didier Tarquin, auteurs de « U.C.C Dolores », à la chambre de commerce et de l’industrie de la ville. À cette occasion, les auteurs ont accepté de nous rencontrer afin de discuter de la genèse et de la démarche de cette série. Un entretien centré sur cette nouvelle série qui décortique la dynamique de travail audacieuse que le duo réalise et qui dans le même temps, justifie des imaginaires qu’ils souhaitent solliciter et les inspirations qui les ont façonnés en tant que créateur.

Pourriez-vous nous raconter la genèse de la série U.C.C. Dolores ?
Didier : Je pense que la série est le fruit de plusieurs envies croisées. J’avais en tête des tas d’images qui appelaient des histoires. Ce sont des délires qui ont lieu dans notre tête comme quand on est gamin, en fait. J’ai eu envie de dessiner des grandes forêts, des batailles dans l’espace, des mégalopoles à la Blade Runner, et là j’ai ressenti le besoin d’en faire quelque chose, une histoire. Quand les personnages prennent vie dans mon imaginaire, je me mets à écrire. La seconde envie déterminante était de ne pas faire que du Lanfeust. Je n’aime pas être enfermé dans une seule série, je trouve ça sclérosant. Il était devenu nécessaire pour moi de faire autre chose.

Didier et Lyse Tarquin : « On peut tout faire ! Il suffit juste d'atterrir sur une nouvelle planète. » [INTERVIEW]
Tarquin © Glénat

La fantasy, la science fiction, qu’est ce qui vous plaît tant dans le genre ? Est-ce qu’un jour, les Tarquin pourraient s’essayer à une bande dessinée plus « réaliste », disons ?
Didier : Peut-être pas réaliste mais j’ai l’idée d’une bande dessinée qui se déroule de nos jours. Je pense que si j’ai autant d’affinités avec ces registres, c’est parce que je suis un ado des années 80. J’ai adoré Cobra, Goldorak, Albator, Star Wars, je me suis construit avec ces références et beaucoup d’autres. La bande dessinée aussi évidemment, celle qui a été pré-publiée dans des magazines comme Métal Hurlant bien sûr, mais beaucoup d’autres aussi, des séries comme la Quête de l’oiseau du tempsThorgal, Valérian… Je pense que nous sommes des geeks en somme. Des individus passionnés par des œuvres incontournables de la pop-culture qui se les sont appropriées et qui les ont décryptées pour en percevoir toute la nuance.

Parmi tous les segments de cette culture Geek, vous avez privilégié le « Space Opéra », pour quelles raisons ?
Lyse : Je pense que c’est parce que l’on aime ça en fait, tout simplement (rires). Autant Star Wars que Star-Trek que Valérian et Laureline !
Didier : Nous, on joue. On a ouvert un coffre à jouets et quand on fait Dolores, on a envie de jouer avec l’ensemble de nos jouets ! Quel bac à sable pourrait être plus approprié pour jouer que l’univers entier ? On veut faire quelque chose qui se rapproche d’Avatar ? Et bien imaginons une planète sœur avec un écosystème original comme sur Pandora. On veut faire du Star Wars ? On a le droit aussi. Du Mad Max ? Allons sur une planète désertique. On peut tout faire ! Il suffit juste d’atterrir sur une nouvelle planète.

Tarquin © Glénat

Et vous ne trouvez pas qu’un juste dosage est important vu la surenchère actuelle dans le registre de la SF notamment au cinéma ?
Lyse : Ah oui c’est important !
Didier : Le juste dosage, il est simple. On le réalise par l’intermédiaire de l’écriture des personnages. Nous on se limite à trois voire quatre personnages et on ne s’interdit rien. Il est important que certains personnages puissent mourir ou avoir d’autres trajectoires plus originales.
Lyse : L’inquiétude permet de susciter d’avantage d’empathie chez le lecteur selon moi. Ça le rend plus crédible. Ça décrit une certaine réalité.

Tarquin © Glénat

Quels thèmes souhaiteriez-vous alors aborder à la suite de ce quatrième tome, qui était un one-shot ?
Lyse : Ces trois premiers tomes étaient la genèse de notre histoire. Ce quatrième est une transition vers un second cycle donc le scénario a été écrit sous la forme d’une course poursuite à la Mad Max. Un enchaînement d’événements que subit la protagoniste principale pour faire le lien avec le prochain cycle qui sera aussi de trois tomes. Un cycle que l’on veut commencer et clôturer. Nous ne voulons pas partir sur un nombre d’albums incalculable ou ne pas se le fixer.
Didier : On sait jusqu’où on va sur les trois prochaines années, et après on verra. Le principe de la première saga est de déterminer qui est Mony. Faire un récit d’apprentissage et la confronter à ses origines et un certain nombre d’épreuves pour savoir comment elle peut se reconstruire suite à celles-ci. Maintenant, la question est de savoir ce qu’elle va faire de cette expérience et qui elle va devenir. Elle va devoir faire des choix. On va se rendre compte, que, comme dans la vie, tout ce qu’elle a pu vivre par le passé va lui servir pour la suite pour trouver sa place et son rôle.
Lyse : Ça l’a façonnée et elle va l’utiliser.

Tarquin © Glénat

Pourriez-vous revenir sur une œuvre de SF qui a été fondatrice pour vous ?
Lyse : Albator m’a beaucoup marquée ! Il n’y avait pas beaucoup d’animés à l’époque, c’était incroyable de découvrir ça. Donc forcément ça t’imprègne. Mais il y a aussi eu Star-Trek, je crois que mon côté geek émane de ma famille, on a tous adoré ces œuvres-là !
Didier : Je pense que mon grand coup de foudre, initialement, c’est Valérian ! On se rend compte, enfant, que c’est une aventure, avec qu’il y a un sous-texte que l’on pourra comprendre avec une certaine maturité, plus tard. C’est de la SF hyper intelligente avec un message politique et social qui décrit le monde (Les oiseaux du maître qui traite de l’esclavage, par exemple).

Vous aimeriez faire un Valérian ?
Didier et Lyse : C’est quelque chose qui pourrait vraiment nous plaire. Surtout que nous avons particulièrement aimé celui de Virginie Augustin.

Didier, pourriez-vous évoquer d’avantage votre technique pour l’encrage ?
Didier : Maintenant, c’est 100% du pinceau. Même quand ce sont des traits tout droits. Je trouve que le pinceau est un outil qui amène une souplesse, une élégance. Le lecteur est plus indulgent je trouve. Un trait foiré au pinceau est plus élégant. Il faut essayer différents outils pour savoir ce qui te correspond vraiment. Pour moi, un simple bic noir est l’un des meilleurs outils qui existe ! Sans être anti-numérique, je pense que mon dessin devient beau quand il y a des accidents, or le "Contrôle + Z" empêche ça.

Tarquin © Glénat

Et pour la couleur, Lyse ? Notamment sur ce dernier tome qui se déroulait essentiellement dans un univers polaire.
Lyse : Ah et bien la neige, c’est un super écran qui reflète la lumière ambiante donc tout un tas de couleurs et notamment celles du ciel. Dans l’imaginaire collectif, la neige, c’est uniquement bleu et blanc. J’ai voulu sortir de ça. Il y a une scène où une grosse lune rouge illumine la nuit, j’ai donc fait en sorte que la neige devienne un peu brune, un peu chaude. J’ai eu cette idée suite à un voyage au Canada où nous sommes sortis, et tout était brun. Je réfléchis aux textures et aux matières. Je me suis beaucoup documentée pour vraiment obtenir le rendu que je souhaite. La couleur, je l’ai commencée à l’ancienne, je bossais sur des bleus puis je suis passé au numérique. Le souci que j’ai eu, c’est qu’au début, la colorisation sur Photoshop était très froide, et sur un dessin comme celui de Didier, il faut que les couleurs collent complètement à son univers graphique. J’ai donc colorisé une partie des planches à la main avant de les rentrer sur Photoshop pour avoir un rendu optimal.
Didier : Je pense que Lyse connait les avantages du numérique mais sait aussi les avantages uniques de la colorisation traditionnelle et c’est pour ça qu’elle réalise ce compromis. Elle fait constamment un bras de fer entre ces deux médiums.
Lyse : L’ordinateur est quand même confortable pour revenir sur le dessin, revoir une proportion…Ce côté froid que je retrouve aussi, il faut lutter contre pour conserver la spontanéité et l’authenticité de ce travail de la couleur.

Est-ce que ce sont véritablement des albums qui se font à quatre mains ?
Didier : Je donne un exemple : quand je propose une idée, je suis très bavard, j’en parle beaucoup. Et surtout à Lyse qui réagit, elle me dit : « Ça c’est pas mal et pertinent, ça moins… », puis elle me donne des idées pour améliorer l’ensemble. Je passe ensuite au dessin, et là elle réagit aussi, notamment sur le fait que je suis un homme et que c’est l’histoire d’une héroïne, elle va m’aider à brosser ce personnage de manière plus cohérente avec la sensibilité qui est la sienne. Quand je dessine, je n’ai pas de recul sur mon travail, elle oui. Elle va me guider et me faire remarquer les imperfections d’une planche en me demandant si elle peut se permettre de retoucher une proportion hasardeuse et bien sûr, je suis d’accord. Donc elle influe sur le scénario et le dessin de façon systématique. Quand elle réalise la couleur, elle est totalement libre, et c’est à mon tour d’intervenir, je lui fais des propositions, on discute. Les frontières entre les différentes étapes de la création d’une bande dessinée sont complètement poreuses. Donc oui, ce sont complètement des albums réalisés à quatre mains. Sans oublier qu’une troisième personne rentre dans la boucle : l’éditeur qui nous accompagne. Si à un moment donné, il doit dégoupiller une grenade parce que quelque chose ne convient pas, il le fait.

Tarquin © Glénat

(par François RISSEL)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782344050361

À lire sur Actuabd.com :

- La chronique des tomes 1 et 2
- La chronique du tome 3

© Photo Médaillon - François Rissel

Glénat ✏️ Didier Tarquin 🎨 Lyse Tarquin tout public Science-fiction
 
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