Fred Funcken est né le 5 octobre 1921 à Verviers. C’est à l’école maternelle qu’il a commencé à faire preuve d’un talent inné pour le dessin. Son rêve était cependant alors de devenir musicien. Entré au Conservatoire, il en sortira d’ailleurs avec un second prix de violoncelle. En 1941, les privations de la guerre l’incitent à user de ses dons pour le dessin afin de gagner sa vie.
Fred Funcken collaborait déjà à Spirou avant la Seconde Guerre mondiale, avant de rejoindre proposé les « Aventures illustrées » (futur Bimbo), où il travailla jusqu’en février 1943, époque de son enrôlement forcé au S.T.O. Comme il l’explique dans l’interview qu’il accorda à Nicolas Anspach en 1998 et que nous reproposions récemment. Il avait alors fait les frais d’un éditeur peu scrupuleux, mais cela lui permit de faire la connaissance de Maurice Tillieux. Même constat d’échec du côté la World Press, l’agence de Georges Troisfontaines qui fournissait une partie éditorial de Dupuis, les critiques de Jijé achèvent de me déstabiliser le jeune auteur qui avait choisi une facture classique de dessin, dans la lignée d’un Étienne Le Rallic ou d’un René Giffey, plus "française" que celle de Jijé, très inspiré par l’école américaine.
"Dégoûté de la BD, j’ai travaillé à l’Innovation, célèbre magasin belge, où j’ai rencontré Liliane, expliquait Fred Funcken. C’est à elle que je dois d’avoir repris la bande dessinée. En 1952, elle me traina littéralement à la World Press où Jean-Michel Charlier, parfaitement au fait de l’indigne traitement que j’avais subi, me donna aussitôt une série d’Oncle Paul à réaliser. Mes productions attirèrent l’attention d’Hergé, qui me fit mettre sous contrat chez Tintin."
C’est le début d’un âge d’or pour Liliane et Fred Funcken, où le couple va pouvoir mettre leur passion commune de l’Histoire au service du Journal de Tintin. Tandis que l’ancienne directrice des ventes de ce grand magasin bruxellois écrit de Belles Histoires de l’Oncle Paul pour l’hebdomadaire Spirou, Fred réalise de courtes Histoires authentiques pour le Journal de Tintin. Il ironisait au micro de Nicolas Anspach : "Jacques Martin a dit que le journal Tintin devait être rebaptisé en journal des Funcken. Chaque fois qu’il fallait boucher les trous, qu’un dessinateur était malade…, on nous appelait. Après tout, nous étions deux, c’était le prétexte invoqué par l’éditeur. D’ailleurs, cela nous mettait chaque fois en retard sur nos propres projets…"
Parmi les “dépannages” les plus célèbres, on compte la participation de Liliane et Fred Funcken dans la séquence historique du Piège diabolique de Blake et Mortimer d’Edgar P. Jacobs (1960).
En 1953, les aventures médiévales du Chevalier Blanc [1] vont bouleverser leur destin. Fred, grippé, ne peut terminer l’encrage d’une planche et, bien que n’ayant jamais dessiné, Liliane s’y attelle : le résultat est excellent. Ils décident dès lors de travailler ensemble et deviennent ainsi le premier vrai couple d’auteurs de la bande dessinée franco-belge.
Outre le mythique « Chevalier Blanc », figureront à leur palmarès d’autres séries à succès publiées dans le journal « Tintin » et, en albums, au Lombard, telles les Harald le Viking, Jack Diamond, Lieutenant Burton, Capitan, Doc Silver, La Croisade des Saint-Preux… Du western au moyen-âge en passant par les Vikings ou les récits de cape et d’épées, Les Funcken alternaient avec une déconcertante facilité des épopées aussi fortes que passionnantes.
C’est alors que le couple s’éloigna quelques années du monde de la bande dessinée pour celui de l’illustration, avant d’y revenir avec Napoléon. "On devait faire seulement deux albums qui retraçaient l’histoire des uniformes et armes de Égypte ancienne à nos jours. Mais suite au succès, on nous a demandé d’enchaîner. Avec les éditions anglaises et allemandes, nous avons dépassé les deux millions d’exemplaires vendus. [Nous avons donc réalisé 17 albums de 74 pages des Uniformes et Armes en 17 ans. Sachant que nous prenions un an pour écrire les textes et les illustrer, il nous est devenu difficile de continuer en parallèle la BD et toutes nos séries…"
Notons que les Éditions Hibou ont fait ces dernières années un formidable travail patrimonial, en rééditant bien des travaux des Funcken, y compris les rares et recherchés Uniformes et Armes.
Après la disparition d’Eddy Paape l’année dernière, c’est un autre grand pilier de la BD belge qui vient de nous quitter. Le meilleur hommage consiste à replonger dans les aventures passionnantes et échevelées que les époux Funcken ont réalisées pour nous pendant toutes ces années.
(par Charles-Louis Detournay)
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Lire l’interview de Fred & Liliane Funcken ("Le Chevalier blanc") : « Nous étions le service dépannage du Journal de Tintin »
[1] Dont le premier volume est scénarisé par Raymond Macherot.
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