C’était il y a quelques jours. Walthéry nous avertit par un message aussi laconique qu’émouvant : « Triste ! Je viens d’apprendre le décès de l’ami Zanon… depuis le 17 janvier… On n’a rien su ! »
Si l’auteur de Natacha connaît bien Pascal J. Zanon, c’est parce que les deux hommes ont vécu de belles heures pendant leur service militaire. Cette époque a scellé une durable amitié (Walthéry le dessine d’ailleurs en égyptologue dans Le Regard du Passé), d’autant plus que les deux jeunes avaient une même vision de la vie, celle qui passait par le dessin.
Né à Bruxelles en 1943, le décès prématuré de ses deux parents d’origine italienne a malheureusement obligé le jeune Pascal à multiplier les métiers pour pouvoir subsister. La passion du dessin ne lâche heureusement pas : il réalise des publicités, caricatures et illustrations dans la presse, tout fréquentant le petit monde de la bande dessinée. Jusqu’à une rencontre heureuse avec Christian Vanderhaeghe !
Cet assureur bien installé à Bruxelles est avant tout un passionné de la Ligne claire : il fréquente Jacobs et Jacques Martin, est le co-fondateur des Éditions Blake et Mortimer en 1983, puis les Éditeurs Ligne Claire, spécialisées en sérigraphies et en lithographies.
La ligne claire et l’amour de la littérature réunissent les deux hommes, qui se lancent dans l’adaptation d’un grand personnage populaire de l’avant-guerre, Harry Dickson, le détective de l’étrange recréé par Jean Ray. Les premières aventures du personnage paraissent chez Dargaud en 1986. Plus policière que la version fantastique de Roman & Nolane éditée chez Soleil, la série impressionne pourtant d’entrée de jeu, par la finesse et la justesse de son trait. Pascal Zanon se place comme un digne héritier de la ligne claire, utilisant les codes de Martin, Hergé et Jacobs.
Estampillés Dargaud jusqu’au tome 6, la série est pourtant éditée par « Éditions Art & B.D. », et pour cause, c’est une autre des sociétés créé par Christian Vanderhaeghe, qui cumule donc les rôles de scénaristes et d’éditeur de la série. Est-ce pour cela que le rythme de parution fut si lent (environ un album tous les trois ans) ? Non, il faut voir derrière ce rythme posé la minutie du dessin de Zanon, qui ne désire rien laisser au hasard, et se documente le plus possible pour coller à la réalité.
Après vingt ans de travail sur Harry Dickson, les maux de santé de Zanon le rattrapent. Son diabète empire, et s’accompagne d’un début de cécité. Il lui faut passer progressivement la main à Henri Chapelle sur le tome 9 de la série (paru en 2014), avant que le dessinateur de Canal Choc et Paul Darnier ne réalise seul le dixième tome de la série en 2015.
Quant Zanon, nous laissons la conclusion à son ami Robert Steuckers, qui lui a consacré un long et méritoire article sur son blog :
« Fin 2016, lors d’une visite de routine chez le médecin, celui-ci décèle l’imminence d’une rupture d’anévrisme, toujours fatale et de façon foudroyante. Réaction de [Zanon] : « Bigre, je vais convoquer tous mes amis pour leur dire un dernier adieu » ! On le convainc de tenter l’opération. Elle réussit. Mais il y a des séquelles. Il part en revalidation. Il chope un début de pneumonie. Il meurt le 17 janvier 2017. Seul. Absolument seul. La clinique n’avertit personne. Le dernier héritier de la « ligne claire » est enterré à la va-vite, dans un cercueil « made in China », fourni par l’assistance publique. Une fin comme Mozart. »
Nos condoléances à ses proches et à ses amis.
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Lire l’article du blog de Robert Steuckers : Hommage à Pascal Zanon, joyeux compagnon, cœur d’or et fidèle d’entre les fidèles
Photo : Robert Steuckers
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