Ralph König a le don de surprendre. Prix du meilleur scénario 2005 à Angoulême, il détaille habituellement le quotidien et les frasques du milieu homosexuel masculin. On est bien loin de ce thème lorsque débute ce premier tome de Djinn Djinn. En effet, sa première partie nous fait rencontrer une galerie de personnages typiques des nuits orientales, afin de nous expliquer les origines d’un djinn, génie de sensualité. Cette incursion dans le monde arabe est surtout prétexte à aborder un ensemble de sujets polémiques : la place de la femme, l’ironie et la caricature des dieux, l’interprétation de la parole divine sur les sujets de société et surtout la dénonciation de la burka. Avec humour, il nous fait part de sa vision corrosive des milieux intégristes, quelle que soit leur religion.
Si cette première partie souffre néanmoins de lenteurs, la seconde tient toutes ses promesses : au sein de la Cologne contemporaine, on voyage entre les amours bancales (hétéro et homo), ainsi que les turpitudes familiales de deux colocataires, lorsque le djinn intervient. Il catalyse leurs fantasmes les plus fous, tout en ne laissant que peu de place à la rencontre, autre que physique. La question de la jouissance est donc posée : en n’étant qu’une réduction de l’amour, elle demeure la condition sine qua non de la relation, tout en ne se suffisant sans doute pas à elle-même. À travers certains clichés actuels (la maîtresse attendant inlassablement que le mari divorce, l’échange culturel palliant au plaisir charnel), König jettent des ponts entre notre époque et ce monde oriental, dont les préoccupations nous sont plus communes que ce qu’on aurait pu croire.
Le décor planté, les personnages bien en chair, cet album se clôt sur une transformation de ce génie, ce qui justifie les quelques longueurs de la partie orientale. Gageons que grâce à ce retournement de situation, Ralph König nous prépare, pour le second tome, un savoureux cocktail de situation, arrosé de … djinn.
(par Charles-Louis Detournay)
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