Docteur Radar, l’alliance réussie entre Simsolo et Bézian

Paris, 1920, Gare de l’Est. Gontran Saint-Clair est retrouvé mort dans le train en route pour Berlin. Empoisonné au curare, c’est la nouvelle victime d’une série de morts mystérieuses.

Trois autres savants ont trépassé de manière étrange. Un lien unit ces quatre morts : ils s’intéressaient tous de près à la conquête spatiale. Qui commandite ces meurtres et quel est son objectif ? La police piétine et s’est Ferdinand Straub, un ancien as de l’aviation reconverti en détective qui va faire avancer l’enquête et découvrir l’insaisissable Docteur Radar, le cœur de cette machination. Maître de l’usurpation d’identité, il se balade dans la capitale comme une araignée au centre de sa toile.

Cet album est l’adaptation d’un feuilleton radiophonique écrit par Noël Simsolo pour France Culture au début des années 1990. On y retrouve les ambiances polar et fantastique caractéristiques des sagas populaires des années folles à la Fantomas. Frédéric Bézian (Adam Sarlech) et Simsolo ont déjà collaboré pour la publication en 2004 de Ne Touchez à rien. Entre progrès scientifique et machinations machiavéliques, on se promène dans le Paris du début des années 1920 en proie à la folie surréaliste de l’après-guerre.

Docteur Radar - Tueur de savants

Noël Simsolo et Frédéric Bézian - Glénat ©

Radar était le titre d’un magazine à « sensation » publié entre 1949 et 1962, expert du complot et du fait divers. C’est sur une trame qui assemble ces deux genres que le couple Straub et Pascin crée un écho au duo d’auteurs, la réflexion du détective répondant aux dessins du peintre. Explosif et dynamique dans les postures et perfectionniste dans ses décors : Bauhaus, Fernand Léger, les avant-gardes, le Mouvement surréaliste, etc, Bézian maîtrise les codes et s’il frôle parfois l’anachronisme c’est uniquement pour mieux servir le récit.

Radar, c’est également un équipement qui permet de détecter ce que l’on ne peut pas voir, de l’irruption sur les écrans d’un être préférant l’ombre à la lumière. Un homme (cela reste à prouver) qui semble en avance sur son temps, devançant d’un coup tous les joueurs et que seuls ceux qui balayeront les apparences peuvent percer à jour pendant que le reste du monde s’occupe de son train-train quotidien.

C’est là où l’expression narrative de Bézian donne corps à ce qui n’a pas d’identité et qui était censé rester caché pour finalement l’exposer en pleine lumière.

Docteur Radar - Tueur de savants

Noël Simsolo et Frédéric Bézian - Glénat ©

L’expressionnisme cinématographique inspire Bézian dans cette réinvention de l’univers parisien des années 1920. Un dessin nerveux et habile d’une grande finesse qui met en tension les corps par des postures extrêmes et énergiques, conjugué avec des cadrages et éclairages maîtrisés et aboutis.

On est frappé par la vitalité et l’éloquence du graphisme, au delà même de l’intrigue et des mots de Simsolo. Bézian utilise toute la gamme des possibles du plan large à la contre-plongée pour conférer une expressivité singulière à ses scènes. Avec une habilité rare, il allie mouvement et efficacité pour donner toute leur force à des personnages décidément humains.

Ces qualités servent un scénario ciselé dans un ensemble accompli qui, n’en doutons pas, s’imposera comme un nouveau modèle du genre. À suivre.