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Dodo Niţǎ : "En Roumanie, la BD est publiée essentiellement dans la presse"

Par Nicolas Anspach le 8 juin 2007                      Lien  
Dodo Niţǎ est sans doute le plus fin connaisseur de la bande dessinée franco-belge en Roumanie. Cet expert y a écrit un dictionnaire de la BD, où il évoque les 200 auteurs roumains ou étrangers qui ont été publiés dans ce pays. Il est également l’organisateur du Festival International de la BD de Constanta. Il nous dresse un état de la situation du Neuvième Art dans son pays.

Quelle est la situation de la bande dessinée en Roumanie ?

Malheureusement, la bande dessinée paraît surtout dans les quotidiens et les revues, destinés aux enfants ou aux adultes. Peu d’albums sont publiés. Les raisons sont essentiellement économiques. Le salaire moyen d’un Roumain avoisine les 250 euros par mois. Il n’existe
pas d’éditeur de BD professionnel dans notre pays, mis à part l’ancrage local du groupe Egmont et les sociétés MM Europe et Corint.
Egmont publie essentiellement les revues Donald Duck, Tom & Jerry et Witch. Ce dernier titre rencontre un succès public : vingt-sept mille exemplaires sont vendus tous les mois.
MM Europe a publié quatre albums de Tintin, qui ont été imprimés dans votre pays et dans les mêmes conditions que les vôtres. Le prix est également le même : 11 euros, ce qui n’est pas bon marché compte tenu du salaire moyen roumain. Deux autres albums de Tintin paraîtront
prochainement chez cet éditeur, ainsi que La Ballade de la Mer Salée (de Hugo Pratt).
Le label Corint, quant à lui, commence depuis l’année dernière à publier des comics en roumain : de Wolverline, en passant par Superman et Spiderman.

Dodo Niţǎ : "En Roumanie, la BD est publiée essentiellement dans la presse"
(c) Bogdan Petry

Pas d’autres traductions publiées ?

Quelques-unes, qui ont connu des succès divers. Depuis la chute du communisme, en 1989 : Astérix (6 titres), Lucky Luke (2 titres), Les Sept Vies de L’Épervier (2 titres), Rahan (1 titre) et Martine (8 titres).

Quel est le tirage moyen de ces livres ?

Les éditeurs évitent de parler de leurs chiffres de vente, mais j’estime que les tirages de ces albums tiennent autour de quelques milliers d’exemplaires. Dix mille exemplaire, tout au plus !

Il n’y a pas d’auteurs roumains édités en album ?

Peu ! Peu. Vali Ivan a publie en 2005 chez Egmont l`album "Cinq semaines en ballon", d’après Jules Verne, tiré à 10.000 exemplaires. Le seul auteur best-seller est Bogdan Petry qui a publié entre 2002 et 2004 quatre almanachs tirés, d’après l’éditeur, à trente mille exemplaires. Ce tirage exceptionnel s’explique par le fait que les personnages des histoires de Bogdan Petry sont des hommes politiques ou d’autres personnalités roumaines. Des albums qui ressortent plus du domaine du dessin d’humour que de la bande dessinée.

(c) Vali Ivan

Donc, si on veut lire de la BD roumaine, il faut l’acheter dans les kiosques.

Effectivement. Il y a plus d’une dizaine de revues ou journaux qui consacrent quelques-unes de leurs pages à publier des bandes dessinées. Parmi ceux-ci, citons :
- Jurnalul National qui publie chaque week-end les BD politico-comique de Vali Ivan sur une page A3. Ce quotidien est lu par un million de roumain !
- Evenimentul Zile édite de temps en temps des strips satiriques de
Terente Serban.
- Depuis 1995, le quotidien régional Evenimentul de Iasi consacre un
strip quotidien au chien Oscar. Une BD réalisée par Viorel Pirligras
- Le mensuel Maxim publie deux pages A4 de BD satiriques par Bogdan
Petry

- Les enfants se délectent en lisant la revue mensuelle Doxi. Quatre à
six pages sont consacrées aux BD de Alexandru Ciubotariu.
- Enfin, la revue de science-fiction Helion publie les BD de Marian
Mirescu
.

Vous êtes également l’organisateur du salon de la BD de Constanta dont la dernière édition a eu lieu en mai dernier.

Le salon Roumain de la BD a plusieurs objectifs : tout d’abord des rencontres entre le public et les auteurs de BD Roumains. Mais également entre les professionnels. Les éditeurs profitent souvent de cette occasion pour découvrir de nouveaux talents et leurs proposer des travaux de commande pour leurs revues ou manuels scolaires (le plus souvent des illustrations). Enfin, à chaque édition, nous invitons différents auteurs franco-belges. C’est une occasion unique de les rencontrer.

Avez-vous des partenaires pour les faire venir ?

Oui. L’Alliance Française de Roumanie (et notamment celle de Constanta) est impliquée dans l’organisation du salon. La BD est un excellent moyen de promouvoir la langue et la culture française. Notre festival est d’ailleurs la manifestation qui attire le plus de monde parmi celles qui sont aidées par l’Alliance Française. L’ambassade de France et la Délégation Wallonie-Bruxelles ont également compris l’importance de la bande dessinée en Roumanie. Certains de leurs responsables en Roumanie sont d’ailleurs des passionnés de BD. Je songe à Paul Laffont, qui fut délégué général de l’Alliance Française entre 1991 et 1997 ou Daniel Sotiaux, qui représente la Délégation Wallonie-Bruxelles dans notre pays depuis 2005.
Notre festival a le double rôle de promouvoir la BD et la francophonie. Et c’est d’ailleurs plutôt unique dans l’Europe centrale et de l’est. La deuxième langue parlée sur le festival est le français !

Lewis Trondheim & Karo en dédicace
... à Constanta (Roumanie) - (c) JL Cornette.

Quel bilan tirez-vous la dix-septième édition qui vient d’avoir lieu …

Nous avons invités plusieurs auteurs : Deux français (Lewis Trondheim et Obion), cinq belges (Hermann, Dany, Jean-Luc Cornette, Karo, Benoit Fauviaux), trois Roumains francophones (Puiu Manu, Serban Andreescu, Irina Dobrescu). Nous avions monté une exposition avec le concours « Jeunes Talents » de l’édition 2007 d’Angoulême. Deux nouveaux titres de Tintin ont été publiés dans notre langue (Urechea Rupta /l’Oreille Cassé et Insula Neagra / L’Ile Noire), ainsi qu’un quatrième numéro de la revue Rahan.
Nous avons également mis en valeur la liaison entre la Roumanie et la francophonie à travers la BD. Hermann et Dany ont exposé leurs planches et ont dédicacé leurs albums « roumains », à savoir Vlad l’empaleur et Transylvania. Lewis Trondheim a réalisé plusieurs dessins et planches sur Bucarest qui vont paraître dans le prochain Les Petits Riens. Jean-Luc Cornette et Karo publieront également un reportage BD sur Bucarest dans le magazine Spirou.

Dany, Karo, Hermann, Benoît Fauviaux et Jean-Luc Cornette en Roumanie
photo (c) DR.

(par Nicolas Anspach)

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