Doom Patrol T. 2 - Par Grant Morrison & Collectif - Urban Comics

Ce second tome [1] s’inscrit dans la continuité exacte du précédent avec ses personnages marginaux, ses méchants farfelus et ses plongeons dans des surréalités qui défient le sens commun. Cependant il marque aussi l’introduction d’un personnage emblématique de l’œuvre, créé par Morrison : Danny La Rue.

Il s’agit d’une rue consciente, disposant du pouvoir de téléportation, apparaissant ici et là dans n’importe quelle ville du monde, et qui se proclame gay. Son nom est inspiré de celui d’un célèbre transformiste britannique et le personnage tout entier est un hommage à la culture queer, jusqu’à son langage, le Polari, un argot utilisé entre autres par les LGBT.

L’aventure l’impliquant se structure autour de l’opposition de deux camps, comme les autres récits de l’album, à la différence que, dans cette première histoire, il s’agit d’une confrontation entre le bien et le mal. En effet Danny est visée par les Hommes de N.U.L.E.P.A.R. qui désirent détruire toute excentricité et rendre les choses les plus normales et formatées que possible. Donc, pas de doute chez nos héros en ce qui concerne leur camp.

© DC Comics / Urban Comics

Les autres histoires se révèlent plus compliquées. Elles les entraînent d’abord dans une guerre ancestrale extraterrestre opposant l’Orthodoxie, une faction rigide et dogmatique, aux Hussites qui se veulent réformateurs et terroristes. L’avalanche des idées abstraites se dispute à une absence de sens que Cliff ne manquera pas de souligner. Pas de camp à défendre ici mais une troisième voie à proposer.

Suit la rencontre avec d’autres Hommes de N.U.L.E.P.A.R, infiltrés au Pentagone, qui s’intéressent à Flex Mentallo. Cet autre personnage créé par Morrison peut modifier la réalité grâce à ses muscles, offrant une petite réflexion méta contextuelle sur le monde du comics, car il a été créé par l’imagination d’un enfant.

Puis le scénariste s’amuse avec la sexualité via une nouvelle opposition, entre les Sex Men traquant les déviances sexuelles et Monsieur Evans qui prône au contraire des pratiques libérées de toute morale. Il faudra ici les renvoyer chez eux pour remettre un peu d’ordre - de temps en temps appréciable. N’oublions pas non plus cet improbable chasseur de barbe ou encore le retour d’un vieil ennemi...

© DC Comics / Urban Comics

Dans toutes ces histoires, Morrison et les membres de la Doom Patrol prennent rarement parti, laissant chacun se faire son idée. Ils traversent ces aventures métaphysiques et symboliques avec ouverture d’esprit et, grâce au pouvoir des rêves et de l’imagination.

Néanmoins, la déferlante de concepts et de dialogues très pointus et très chargés, pourra provoquer chez certains lecteurs une indigestion. Surtout que l’issue de ces aventures est généralement anti-climax, en dépit de ses nombreuses scènes d’action et de ses protagonistes qui ont facilement recours à la violence.

Il est cependant difficile de ne pas se laisser emporter par la générosité du scénariste, mais aussi par celle des dessinateurs qui nous livrent ici un comics réellement unique, soigné et au propos paradoxalement assez clair : un hymne à l’art, à l’imagination et à la tolérance, mais également une vitrine étonnante offerte aux marginaux et à la contre-culture.

© DC Comics / Urban Comics