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Drôles de bulles dans b.a.m.

Par Laurent Melikian le 26 décembre 2003                      Lien  
Le temps d'un numéro spécial, Beaux Arts Magazine a demandé à 32 auteurs de plancher sur le thème de 2004. Une idée tout à fait louable, d'autant plus qu'en dehors de quelques têtes d'affiche, Luz , Boucq, Willem et Dupuy et Berbérian, les artistes présents ne bénéficient généralement pas des feux de la rampe.

De cet ensemble, on retiendra un fort drôle manifeste de Pierre Bailly qu’on n’attendait pas sur ce domaine. Remarquable également, un historique du jouet mexicain par Jose Quintero, dessinateur qui n’avait encore jamais été publié en français. On note également une grande importance donnée à la recherche graphique en bande dessinée. Une recherche dont les lecteurs traditionnels de b.a.m. sont certainement friands.

Malheureusement, la succession de planches en clins d’œil ou de coups de gueule confine surtout au fourre-tout inégal. On regrette les revues des années 90 comme Lapin, Ego comme X, Le Cheval sans TêteFrigo Box d’où sont issus une majorité des collaborateurs de ce numéro. Il faut croire que 2004 les inspirait peu.

En introduction, Romain Brethes signe un article à propos du manque de reconnaissance de la bande dessinée par les milieux culturels. Le critique et universitaire dresse un état désabusé des lieux. Il jette au passage un regard assez lucide sur la récente médiatisation de Joann Sfar et Marjane Satrapi. Cependant, force est de constater que son étude contemple le domaine par le bout d’une lorgnette élitiste. Si pour l’espoir, quelques signes encourageants sont cités, notamment l’annonce d’une série d’émissions commandée par Arte à Benoît Peeters, rien sur la présence de Geluck au Musée des Beaux Arts de Paris ou sur l’Astroport Mézières en ouverture des événements de Lille 2004. Sans doute sommes-nous là sur un territoire trop populaire... Courage Romain, la BD est dans la rue. Elle ne tardera pas à rejoindre les bancs de la fac.

Drôles de bulles dans b.a.m.
Lille, Noël 2003

Et pour le fou rire, arrêtons-nous sur l’autre article signé Vincent Bernière et titré « La BD entre en politique ». Comique, on aurait trouvé un nouveau filon pour la BD : «  Comparé aux autres modes d’expression populaires (…), il aura donc fallu attendre le XXIe siècle pour voir s’amorcer un réel développement revendicatif ». On ne soupçonnera pas le journaliste d’amnésie pour avoir passé sous silence les Montellier, Tardi et Manchette, Christin, Hergé, Breccia et Oesterheld (pour n’en citer que quelques-uns) ; car il doit de lui-même mettre à mal sa théorie en évoquant les grandes heures d’Hara-Kiri et Charlie Hebdo. Eh oui, ce même Vincent Bernière n’est autre que le co-commissaire de l’exposition Reiser à Beaubourg. C’est bien de dérision dont il s’agit !

(par Laurent Melikian)

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10 Messages :
  • > Drôles de bulles dans b.a.m.
    28 décembre 2003 22:16

    Le commentaire de Laurent Mélikian est assez stupide en ce qui concerne l’article sur la reconnaissance de la BD paru dans "Beaux-arts" : la reconnaissance populaire est un fait, les chiffres de ventes le prouvent. Là n’est pas le sujet de l’article de Romain Brethes. Et puis, sortir l’argument du "populaire" me semble se rattacher à une rhétorique poujadiste et réactionnaire : seraient-ce vos convictions ?

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    • Répondu par Thibault Foulon le 29 décembre 2003 à  09:41 :

      Oui, il y a une dérive chez certains bédéphiles à vouloir opposer "vrais lecteurs" et "lecteurs élitistes", "vraie BD" et "bande dessinée artistique". C’est une réaction anti-intellectuelle primaire qu’on connaît bien et qui cache des idées nauséabondes. Les bédéphiles méritent mieux que cette opposition idiote et stérile. J’ai lu l’article de Brethes, je m’y retrouve à bien des égards. Il serait idiot de s’aveugler davantage en clamant : "Mais la BD se porte bien, la preuve, elle se vend." C’est la même dérive qui préside le bilan de l’ACBD ("L’année de la consécration") ; il y a des chiffres, des statistiques... Compiler des informations, ça, oui, d’accord, c’est une chose faite et très bien faite d’ailleurs. Mais quel regard est porté sur les courants artistiques ? Quelle analyse livre-t-on sur les oeuvres ? Quelle légitimation apporte-t-on, à l’aide d’un discours structuré, à ce mode d’expression que nous chérissons ? Nada. On préfère rester dans son quant à soi, "tout va très bien madame la marquise... Et l’université ? Eh bien, on l’emmerde, on n’a pas besoin d’elle, on est du populo, nous, on se prend pas pour des mandarins." Cette argumentation est si faible, si débile, que c’est pitié. Elle tire la bande dessinée vers le bas, vers l’idiot. Et la bande dessinée mérite mieux. Ou alors arrêtons d’en lire, sinon ce serait trop stupide.

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      • Répondu par Laurent Mélikian le 2 janvier 2004 à  19:55 :

        Bonne année à tous et merci de lancer le débat !

        Quel article oppose deux catégories de BD ? Celui que vous lisez ci-dessus ou celui de b.a.m. ? C’est bien dans le deuxième qu’on parle de "prétendu 9ème art". C’est bien là aussi que l’on met dos à dos "une contre-culture" et "la culture institutionnalisée. Celle que consacrent la société du spectacle et les médias, mais également les ministères et les musées. Celle que l’on découvre ou que l’on étudie dans les écoles ou universités, ...". Enfin c’est bien là également qu’on affirme sans sourciller : "Lucky Luke et, surtout Astérix relèvent d’un patrimoine franco-français bien plus identitaire que culturel". J’ai peut-être mal interprété ces propos. En tous cas, j’y perçois une frontière clairement tracée par l’auteur entre une culture d’élite et une expression populaire.

        Pour ma part, je réfute cette frontière et je lis tous types de bande dessinée. Quand je perçois une démarche esthétique qui étouffe le narratif, je suis agacé. Dans ce cas, je ne dis pas : "ce n’est pas de la vraie BD", mais : "voilà une BD ratée". Idem quand le propos est creux ou débile, ou quand l’ensemble manque d’inspiration. Et cela peut arriver dans tous les secteurs de narration séquentielle en image.

        Plus généralement, comme pour tous les arts ou toutes les formes d’expression, l’étude de la BD comprend quelques visions élitistes qui peuvent d’ailleurs permettre de faire évoluer le médium. Tant que ce point de vue est assumé, cela n’est pas forcément un problème. Car alors l’auteur de l’étude donne à priori les frontières de son discours (et c’est plutôt le cas de l’article de Romain Brethes). Ce qui est plus grave, est la reprise de ce même discours par de vulgaires snobs qui vampirisent le propos et tentent de lui donner une portée universelle.

        À mon avis, la BD a souffert et souffre encore de cette attitude. Bien sûr je déplore le manque de respect pour la BD dite populaire - une racine importante du 9ème art - diffusée dans la presse depuis un siècle et dont on perd peu à peu la mémoire faute de publication en livre. Quand cette mémoire survit, c’est souvent grâce aux initiatives personnelles de passionnés (Alain Beyrand par exemple - http://www.pressibus.org/). Et certainement pas par celles des snobinards, prompts à dénigrer les genres.

        D’autre part, quand il s’agit aujourd’hui de parler de « BD mondiale », on nous ressert souvent des artistes qui sous toutes les latitudes répètent la même BD d’auteur avec plus ou moins de bonheur. Quid des historietas mexicaines ? Des récits illustrés chinois ? Ou même des fumetti populaires transalpins ? Pas un mot, ou alors pour dénigrer ! Pourtant, ces « BD de gare » sont toujours lues par des millions de personnes. Elles jouent un rôle primordial dans l’imaginaire collectif de ces pays et méritent donc qu’on s’y intéresse.

        À ce sujet, repartons 10 ans en arrière. À l’époque, qui osait parler sérieusement des mangas ? Qui les vouaient aux gémonies ? Parmi ces derniers, on ne trouvera aujourd’hui que des fans inconditionnels de Taniguchi. Heureusement qu’ils sont là pour nous faire marrer ces snobs ! Heureusement, aussi que leur esprit ne noyaute pas tous les secteurs de la BD institutionnelle. Sinon ils nous feraient vraiment rire jaune…

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        • Répondu par Th. Foulon le 4 janvier 2004 à  05:02 :

          Vous êtes hors sujet : la question n’est pas de rappeler qu’il existe une bande dessinée populaire. Ni que celle-ci est valeureuse. Mais plutôt de s’interroger sur le manque de reconnaissance de la bande dessinée par les institutions, à commencer par l’université.
          Que cela vous passe au-dessus de la tête est concevable.
          Mais vous ne pouvez pas éluder le problème en règlant des comptes avec ceux que vous appelez les "snobs". C’est une dérobade peu probante, qui n’apporte pas de solution au vide qui entoure la bande dessinée, en terme de reconnaissance.
          La presse, à ce sujet, est une grande absente : les articles qui paraissent sur la bande dessinée sont rachitiques et sporadiques. C’est aussi un sujet de l’article de R. Brethes.
          Et n’évacuez pas le problème en parlant une fois encore de la bande dessinée populaire.
          Merci en tout cas de la réponse que vous avez apporté à ma contradiction : il est agréable de pouvoir dialoguer au sujet de bande dessinée.

          Et bonne année à tous !

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        • Répondu par Th. Foulon le 4 janvier 2004 à  05:08 :

          Autre point. À mon avis, quand R.B. écrit "Lucky Luke et, surtout Astérix relèvent d’un patrimoine franco-français bien plus identitaire que culturel", il dit une vérité : la reconnaissance de ces séries n’est pas culturelle. Personne ne salue vraiment les qualités artistiques de ces séries, en terme d’institutions. On leur reconnaît le statut de lectures d’une génération, d’une époque... Ce qui est déjà bien, mais pas suffisant. Il n’y a pas de mention dévalorisante dans ce constat. Parlez de Lucky Luke à quelqu’un, il vous dira que c’est sympa, en aucun cas qu’il s’agit d’une grande oeuvre. Ce qui est un tort. Sur ce point, nous sommes d’accord.

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          • Répondu le 6 janvier 2004 à  09:26 :

            Je maintiens ce que j’ai écrit dans cette chronique, que l’article de Romain Brethes est élitiste. Qu’il ne cite pas l’ouverture de la plus grande manifestation culturelle française de l’année (Lille 2004) par un événement lié à un BD populaire en est un exemple. Ensuite, je maintiens qu’il y a un risque à voir une reprise de ce discours sans recul. Je maintiens que par snobisme, l’histoire de la BD populaire européenne est ignorée. Et qu’il en est de même pourla BD populaire mondiale contemporaine.

            Quant à la reconnaissance de Goscinny, il suffit de voir l’article sur Pivot pour en être rassuré. A moins que l’on considère que ni l’humour, ni Pivot ne sont dignes de la "grande" culture.

            Enfin, je souhaite de tout coeur revoir la BD étudiée en fac (et il me semble que nous n’en sommes pas si loin). Et pourquoi pas, quelle soit enseignée par Romain Brethes qui pourra ainsi consacrer plus de temps à son étude et acquérir sans doute une vision plus globale du médium, au même titre que ses prédécesseurs ont pu l’acquérir et continuent à la développer aujourd’hui.

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            • Répondu par Thibault Foulon le 7 janvier 2004 à  09:21 :

              N’importe quoi : bonjour le combat d’arrière-garde !

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              • Répondu par Laurent Mélikian le 8 janvier 2004 à  15:05 :

                Arrière garde ? Avant garde ? Encore une frontière ?

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                • Répondu par jérôme Tournadre-Plancq le 9 janvier 2004 à  14:07 :

                  Désolé d’interrompre cette joute mais Quelqu’un serait-il en mesure de m’expliquer ce qu’est une "bande dessinée populaire" ?

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                  • Répondu par Laurent Mélikian le 14 janvier 2004 à  13:37 :

                    Très bonne question. Ma définition : récit en bande dessinée qui par son sujet, son support et/ou son moyen de diffusion tente de toucher le plus grand nombre de lecteur.

                    En général j’aurais tendance à englober dans le domaine, toute BD publiée par le biais des kiosques à journaux, que se soit ou non dans un magazine spécialisé. Et donc j’inclue les planches publiées dans b.a.m. aux rangs de la bd populaire :-), même si certains auteurs n’ont pas l’intention d’en être.

                    Luz est un exemple type d’auteur populaire. Il est publié par des supports de très grande diffusion et jouit d’une popularité spontannée auprès du public que de nombreux bédéastes lui envient. D’ailleurs il est un des rares auteurs présents au sommaire de b.a.m. à se montrer à son avantage.

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