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Dupuis : La parabole de Confucius

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 29 mars 2006                      Lien  
"Lao-Tseu l'a dit: il faut trouver la voie". Voici près de 15 jours que Dupuis est en crise. Hier, [147 auteurs->http://www.actuabd.com/breve.php3?id_breve=1451] invitaient les parties à s'entendre autour d'une « charte d'indépendance » en réunissant tous les acteurs du drame, exclus et démissionnaires compris, sans pour autant que l'intégration de Dimitri Kennes ne soit exigée. Par ailleurs, la nouvelle directrice générale a pris des mesures d'élargissement du comité de direction des éditions Dupuis.

Il paraît que Confucius, à l’article de sa mort, fit approcher un de ses élèves et, dans un filet de voix, lui demanda : « Est-ce que j’ai encore mes dents ? ». L’élève prit du recul, considéra la bouche édentée de ce vieillard vénérable et lui dit : « Vous n’avez plus de dents, honorable maître ». Aussitôt, le philosophe meurt. Qu’a-t-il voulu dire, se demandèrent les élèves ? L’un deux comprit la parabole : ce qui est dur (les dents) survit moins longtemps que ce qui est mou (le corps). En clair : la rigidité finit toujours par céder devant la souplesse. Cette sagesse orientale, on peut l’appliquer dans les circonstances du psychodrame de Marcinelle.

Les exigences de Dimitri Kennes

Le 6 mars, quand Dimitri Kennes envoie sa lettre à sa direction, elle est considérée par celle-ci comme une agression. Le bouillant directeur général, constatant ce qu’il appelle une « perte effective de la maîtrise des outils de gestion de l’entreprise » y liste une série de conditions pour garantir l’indépendance de Dupuis. Outre la valorisation de son statut afin d’obtenir un pouvoir adapté à cette indépendance, il exige une autonomie commerciale [1] ; que la stratégie commerciale de Dupuis soit décidée par elle seule, non sans concertation avec les autres entités du groupe ; il demande une autonomie de Dupuis dans la gestion des sous-diffuseurs et grossistes, notamment la diffusion en supermarchés opérée par Hachette ; un contrôle à 100% de la partie audiovisuelle, de la gestion des droits dérivés, de la gestion du catalogue sur les médias et partenariats télévision et internet, des outils de vente directe ; une réanimation volontaire des ouvrages du fonds par des méthodes innovantes ; une relance énergique du Journal de Spirou « étendard de la politique tout public » de la maison ; une utilisation « à la carte » des ressources des services généraux et commerciaux du groupe ; enfin la réintégration comptable en Belgique des salariés de Dupuis France travaillant à Paris.

Renouer le dialogue

Dupuis : La parabole de Confucius
Confucius

Il faudrait bien entendu étudier au cas par cas chacune de ces demandes en fonction des intérêts globaux du groupe, mais on comprend bien leur sens général : la faculté pour Dupuis de décider elle-même de ce qui est profitable ou non pour son propre développement. Cette exigence d’autonomie dans la marge de manœuvre est raisonnable : elle est l’expression d’un sens bien compris des responsabilités qui son confiées à son dirigeant.

Mais elle un défaut : elle fait l’impasse sur la faculté de l’actionnaire d’arbitrer en toute équité entre les points forts des différentes branches de son groupe. Il semble que le processus d’intégration de ces points forts se soit fait sans que le management de Dupuis y soit complètement associé ; que des méfiances, de part et d’autre, ont entravé le bon fonctionnement de ce processus. Les parties auraient pu lever facilement ces préventions par un audit des services similaires dans le groupe par un cabinet indépendant externe. Cette anomalie dans la relation entre Dupuis et Média est sans aucun doute la responsable de ces malentendus.

Ces demandes ne sont pas non plus exorbitantes car elles vont dans le sens d’une meilleure autonomie pour améliorer l’efficacité des services de l’éditeur belge, d’autant que lors d’un conseil de direction le 20 mars dernier, François Pernot, Directeur Général de Média a laissé entendre que le groupe pouvait rencontrer « 80% » de ces revendications. xxx

Malgré les inquiétudes d’un Conseil de Direction qui s’est enrichi de deux nouveaux membres dont la promotion leur semble suspecte [2] , il apparaît plus que nécessaire pour toutes les parties de retrouver un terrain d’entente, de s’abstraire des vieilles rancunes, de cesser de faire comme Didi, le sabreur fou du Lotus bleu : chercher absolument à couper des têtes ("Il faut trouver la voie") et surtout, de projeter pour Dupuis des scénarios d’avenir. Ces scénarios-là, les auteurs sauront les apprécier à leur juste mesure (ce sont des experts). On a un peu oublié dans cette histoire que les managers, eux aussi, doivent être capables d’imagination.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN :

(c) Editions Moulinsart et Casterman. Dessin d’Hergé extrait du Lotus bleu (Editions Casterman)

[1le directeur marketing et membre du comité de direction chez Dupuis, Pierre Bellet, est salarié par Dargaud. On peut donc supposer qu’il ne dépend que de Paris.

[2Dans un communiqué aux membres du personnel, Huguette Marien annonce qu’elle a nommé deux nouveaux membres du comité de direction "afin que soient représentés l’ensemble des métiers de la maison". Or, les métiers représentés par ces nouveaux arrivants sont la fabrication (assurée pas un membre du personnel Dargaud-Lombard) et un responsable juridique en charge des contrats d’auteurs. "Pourquoi les autres métiers de la maison, comme le multimédia, le journal de Spirou, la logistique, l’informatique ou les services généraux ne sont-ils pas représentés ?" se demandent les membres du comité de direction qui avaient soutenu Claude Gendrot et Dimitri Kennes.

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3 Messages :
  • Lorsqu’il citait Lao-Tseu, Didi préconisait de couper des têtes pour trouver la voie. Je doute de l’efficacité de cette méthode mais il semblerait que les dirigeants de Média Part’ l’aient choisi...

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    • Répondu par Didier Pasamonik le 29 mars 2006 à  12:41 :

      J’étais sûr que vous alliez vous jeter sur cette métaphore. Je vous signale seulement (je dis cela sous le contrôle des Amis d’Hergé) que le fils de Monsieur Wang, atteint par le poison Radjaïdjah, a fini par être guéri, grâce aux bons soins du professeur Fan Se-Yeng et n’a coupé la tête de personne. Le moment de folie n’était donc que passager.

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      • Répondu le 29 mars 2006 à  13:26 :

        La question est donc de savoir qui est le fou dans cette affaire... Le Management de Dupuis ou alors Média Partipations ;o)

        Apparemment ces derniers essaient de diluer la ferveur des premiers en nommant d’autres membres au conseil de direction... Mais à force de diluer un aliment, on en perd vite le goût. L’identité de Dupuis serait elle en train de devenir de plus en plus fade (sans en avoir l’air) ?

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