Fondées fin 2007 par deux cadres des éditions Glénat, Dominique Burdot et Laurent Muller, les éditions 12bis avaient réussi à bâtir un catalogue très fort autour des œuvres de François Bourgeon ou, par exemple, en donnant une suite à La Face kärchée de Nicolas Sarkozy.
Las, au bout de six ans d’activité, la situation du marché laisse peu de place aux petites structures et cet éditeur a été contraint de se mettre sous le régime du Redressement Judiciaire. Dans ces cas-là, c’est un administrateur judiciaire qui décide de l’affectation des actifs.
Deux candidats s’étaient mis sur les rangs pour les acquérir : assez logiquement Jacques Glénat qui retrouvait là un bon nombre de ses auteurs et, plus étonnamment, on a vu apparaître une proposition de Fabrice Giger, le patron des Humanoïdes Associés qui, il y a quelques années, étaient également passés sous ce régime et dont l’activité est plutôt réduite ces temps-ci. Le tribunal a décidé de suivre la proposition de Jacques Glénat, sous réserve de l’accord des auteurs, en particulier du plus important d’entre eux, François Bourgeon.
Soulagement
Les auteurs sont plutôt soulagés. Fabien Nury, à la fois auteur Humanos et Glénat, est ravi que ses projets prennent le chemin de Grenoble. Il ne croyait pas du tout à la solution proposée par Giger :"Deux unijambistes n’ont jamais fait un bon coureur de fond", nous lâche-t-il avec son sens bien connu de la formule.
La réactivité de Glénat surprend, cependant : racheter deux catalogues en une semaine, voilà qui n’est pas banal ! "Le hasard du calendrier fait que cela se passe en même temps, mais ce n’était pas calculé, nous dit Jacques Glénat. Aujourd’hui, le marché de la bande dessinée me semble toujours florissant. C’est bien un des secteurs de l’édition qui va le moins mal, je crois.
Ces deux acquisitions sont deux choses différentes : pour Mad Fabrik, ce sont les auteurs qui cherchaient, après avoir créé eux-mêmes leur maison d’édition, à se retrouver abrités par une autre maison d’édition et on les a accueillis bien volontiers puisque Kid Paddle est un personnage fort, passionnant, plein d’avenir, plein de renouveau et plein d’invention... Cela nous allait parfaitement.
En ce qui concerne 12bis, c’était un petit peu le contraire. C’était une structure créée par des anciens cadres de chez Glénat et donc il y avait une culture Glénat assez forte dans le catalogue. Nous sommes très contents qu’il revienne à la maison...
Tout cela fait une activité nouvelle. Je crois que dans notre métier, il faut sans arrêt chercher de nouvelles idées, des nouveaux personnages, pas racheter des catalogues en perdition, pas du tout. Il y avait chez 12bis des projets qui nous intéressaient et on est très contents de les terminer. Je pense que les auteurs aussi..."
"Bétail..."
Justement, les auteurs. Sur ActuaBD.com, on s’en souvient, un auteur de 12bis, Jean-Yves Delitte, nous avait fait part d’une situation qu’il considérait comme traumatisante. Les auteurs vont-ils se retrouver vendus "comme du bétail" ? "Je ne sais pas pourquoi certains réagissent comme cela, nous dit l’éditeur grenoblois. Beaucoup, depuis ce matin [jeudi 5 septembre. NDLR.],se disent très contents de savoir qu’ils vont toucher leurs droits en bonne et due forme. Je pense qu’on est là la main tendue pour travailler avec eux. Ils ont fait un choix qui est le leur. Si, aujourd’hui, ils le regrettent, je n’en suis pas responsable et s’ils veulent que l’on continue ensemble, la main qui leur est tendue est très amicale."
Est-ce que les opérateurs de ces maisons d’édition, à savoir Dimitri Kennes pour Mad Fabrik et Dominique Burdot et Laurent Muller pour 12bis, restent dans l’aventure ? "C’est le choix des personnes. Dimitri souhaite vivre d’autres aventures et les anciens de chez Glénat aussi. De toutes façons, nous allons reprendre cela en main de notre mieux, en étant le plus attentif au souhait des auteurs."
L’ambition des "Glénat boys"
Quel est le sens de cette succession d’acquisitions ? Cache-t-elle une course à l’échalote pour devenir le plus gros des éditeurs de la place ? "Non, je ne le pense pas, nous répond l’éditeur. Cela fait longtemps que je pense que la solution est de faire de la qualité avec les auteurs, dans la joie et la bonne humeur. Il n’y a pas la volonté d’une croissance pharamineuse qui, d’ailleurs, serait difficile par les temps qui courent..."
Si le marché s’éclaircit avec ces deux catalogues qui rejoignent la galaxie Glénat, il reste que de nouveaux entrepreneurs arrivent encore sur le marché, comme Rue de Sèvres, le label de Louis Delas, tiens, lui-aussi un ancien "Glénat boy" qui démarre avec un album de Zep, qui plus est... "Oui, il a fait ses armes chez Glénat-Vents d’Ouest et chez Casterman, et je lui souhaite bonne chance dans ces nouvelles aventures" nous dit l’éditeur de Titeuf.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Jacques Glénat à Bruxelles, hier. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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