Le Prix Tournesol est aujourd’hui présent depuis 25 ans dans l’environnement -c’est le cas de le dire- du festival angoumoisin. Son fondateur Yves Frémion, ancien membre du parti Les Verts, député européen et conseiller régional d’Île-de-France, en a fait un prix politique destiné à amener les auteurs, français ou étrangers, à interroger les lecteurs sur l’impact écologique de l’Homme. Ce qui paraît sensé dans un milieu doublement polluant : celui du plus grand festival BD de France, doublé d’un secteur du papier très énergivore.
Présidé par une figure emblématique des Verts, le Prix Tournesol avait par exemple récompensé une œuvre de Christin & Mézières, de Davodeau ou encore de l’Américain Derf Backderf ou du Japonais Keiji Nakazawa. Un article paru en janvier dans nos pages dressait d’ailleurs un bilan de ces 25 années d’activisme.
À l’annonce du nouveau prix Éco-Fauve Raja, dont nous vous avons présenté voici quelques jours le principe, le jury et les albums en sélection, Yves Frémion fait part dans un communiqué de son incompréhension et même ses suspicions vis-à-vis de ce qu’il considère comme un "mépris" de l’écologie et des écologistes, une "opération politique" des grandes entreprises sponsors pour étouffer un prix indépendant qui ne souffre d’aucun tabou à propos des activités polluantes, contrairement, lui semble-t-il, à ces sponsors-lobbyistes plus pollueurs qu’à leur tour.
L’Eco-Fauve d’Angoulême, une offensive politique contre l’écologie
- Le Festival international de la BD d’Angoulême vient d’annoncer la création d’un nouveau prix pour 2022, un « Fauve » consacré à la meilleure BD écologiste.
Or il existe depuis un quart de siècle un prix de la meilleure BD écolo de l’année, décerné lors du Festival d’Angoulême (y compris l’an dernier alors que le festival était annulé). C’est le prix Tournesol.- Il a été notamment attribué, pour ne citer que les plus connus, à des dessinateurs comme Jean-Claude Mézières, René Follet, Joe Sacco, Etienne Davodeau, Luz, Manu Larcenet, Léo, Cyril Pedrosa, Christian Binet, Derf Backderf, Martin Veyron, Nakazawa, Keko ou Tom Tirabosco ; ainsi qu’à des scénaristes comme Pierre Christin, Makyo, Corbeyran, Antonio Altarriba… Un palmarès éloquent.
- Son jury, qui varie chaque année, a été notamment présidé par de grandes personnalités de l’écologie comme Dominique Voynet, Dany Cohn-Bendit, Noël Mamère, Alain Lipietz, Marie-Christine Blandin, Yves Cochet, Cécile Duflot, Yannick Jadot, Eva Joly, Karima Delli, Sandrine Rousseau, Léonore Moncond’huy… Outre de nombreux artistes-auteurs engagés en écologie, ce jury a associé aussi des organisations ou publications écolos notoires comme Greenpeace, Agir pour l’environnement, Femmes & changement, Eco-Rev, Droit au logement, BD sans frontières, L 214, la Fondation pour l’écologie politique, Silence… Sans oublier des journalistes spécialisés, ou des sympathisants comme François Rollin, Juliette, Bernard Haller, Benoît Delépine…
- Il semblait que l’écologie était largement mise en valeur depuis 1997 par ce prix international (car la Belgique et la Suisse francophones y sont associées). C’était compter sans l’opportunisme ambiant, qui veut que tous ceux jamais impliqués jusque là dans le plus grand enjeu citoyen de la planète, aient besoin de s’acheter un brevet d’écologie, à l’image des « résistants de la dernière heure » en 1945. La mode est à l’écologie, nouveau créneau commercial, où s’enfournent les opportunistes du monde entier, surtout ceux qui ont quelque chose à vendre. On appelle ça le « greenwashing ».
- Depuis 25 ans, l’écologie est récompensée au Festival d’Angoulême en « off », donc indépendamment des pressions éditoriales, commerciales ou politiques. Au moment où, de Mélenchon à Zemmour, de Hidalgo à Macron, de Pécresse à Marine Le Pen, chacun se proclame plus écolo que les écolos sur le terrain depuis 40 ans, il n’est pas un industriel, un syndicat agricole, une société de chasse, qui ne prétende sauver la planète qu’ils ont contribué à saccager depuis toutes ces années. Dans le monde de l’entreprise c’est à qui sera plus vert que l’autre, tout en continuant pour la plupart leurs pratiques anciennes qui ont conduit au désastre écologique que nous vivons.
- Alors, le Festival lui aussi se doit de surfer sur cette vague pour rester dans le vent. Nous croirions à la sincérité de cette initiative si elle avait été prise quand ce n’était pas un gadget à la mode. Mais aujourd’hui, ce n’est de la part du FIBD qu’une indélicatesse vis à vis du Tournesol et un mépris pour l’action des écologistes.
- Bien pire : c’est aussi une imposture qui vise à tromper le public, à faire passer pour écologistes ceux qui ne veulent que l’entraver. En témoigne dans la première sélection la présence d’un album qui incarne de façon magistrale cette imposture : ’’Le monde sans fin’’, scénarisé par le porte-plume de tous les nucléocrates, courtisé des grosses entreprises polluantes, Jean-Marc Jancovici. Après un plaidoyer climatique, il termine l’album par un panégyrique du nucléaire, dont on se demande comment un Christophe Blain a pu mettre son immense talent au service d’une cause aussi falsificatrice.
- Je ne sais si cette initiative est une idée de l’équipe du festival, du sponsor, ou si elle leur a été « suggérée ». Ce qui est certain, c’est que ce prix est avant tout une opération politique. Le Tournesol, qui s’est imposé à Angoulême depuis des années, effraie ses adversaires, surtout en période électorale. Ce Fauve carnassier est destiné à faire disparaître le Tournesol trop critique des intérêts des dominants. Les « écolos de la dernière heure » ne veulent aucun bien à l’écologie, il s’agit ici de la rendre inoffensive, puisque intégrée dans le gloubiboulga des multiples prix du Salon au service des sponsors (Caisse d’épargne, SNCF, Raja, etc.) Doit-on avoir un prix officiel par sponsor ? Quelle crédibilité peut-on accorder au prix d’un sponsor ? Qui sera le sponsor du prochain prix ? Total ? Engie ? Bolloré ? Le compteur Linky ? Les tanks Lagardère ? Les paris sont tout verts et les Fauves sont lâchés !
Alors, méfiez-vous des imitations !
- Yves Frémion
- fondateur et animateur du Tournesol
Le 25° prix Tournesol de la BD écolo, le vrai, sera décerné le vendredi 28 janvier 2022, à 17 h 30, au Point carré, rue Raymond Poincaré (Champ de Mars), en présence du jury présidé par Yannick Jadot. Venez nombreux.
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(par Auxence DELION)
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