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Eisner Awards 2012 : La BD franco-belge revient bredouille de San Diego

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 14 juillet 2012                      Lien  
Mis à l'honneur en avril 2012 avec quelque six nominations cette année, les auteurs franco-belges sont revenus bredouilles du rêve américain. Qui succèdera à Moebius dans le cœur des amateurs de BD étasuniens? Pas facile à dire.

" Moebius est mort, la BD franco-belge est morte" pour le jury des Eisner Awards ? C’est bien possible. À l’exception de quelques météores (dont le Persepolis de Marjane Satrapi), on ne peut pas dire que la BD franco-belge s’installe durablement dans le pays de l’Oncle Sam.

C’est un des constats que l’on peut faire de cette édition où à part une vieillerie de Manara & Pratt, pas un seul auteur européen n’a trouvé grâce auprès du jury de San Diego.

Eisner Awards 2012 : La BD franco-belge revient bredouille de San Diego
Le dessinateur américain Gilbert Shelton, l’auteur des "Fabulous Freak Brothers" -reçu dans le prestigieux "Hall of Fame" des Eisner Awards- est le seul lauréat 2012 à avoir fait le chemin... depuis Paris !
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Chauvinisme déplacé, ignorance crasse ? Non pas. Car comme l’a montré la liste des nominés, les éditeurs américains font de plus en plus leur job et nombreux sont les auteurs de la nouvelle génération : Lewis Trondheim, Joann Sfar, David B, Émile Bravo, même Philippe Coudray, qui se trouvent régulièrement traduits de l’autre côté de l’Atlantique. La question se pose plutôt aux auteurs et aux éditeurs de savoir s’ils ont vraiment envie de séduire le public américain tant il est vrai que la production franco-belge est de plus en plus autocentrée.

On dira que les Asiatiques non plus ne sont pas non plus exagérément favorisés : seul Mizuki a accroché le regard du jury et encore, dans un prix "spécial Asie", ce qui est quand même une bizarrerie.

Aussi interpellons-nous directement le jury des Eisner Awards : Pourquoi pas un prix dédié à l’Europe (élargie à la Russie, à la Turquie et au Moyen-Orient) ? Après tout, avec les comics et les mangas, nous avons là le troisième grand standard de la BD mondiale.

Les Eisner Awards 2012

-  Meilleure histoire courte

"The Seventh," de Darwyn Cooke, dans l’anthologie Richard Stark’s Parker : The Martini Edition (IDW)

- Meilleur One-Shot

Daredevil #7, de Mark Waid, Paolo Rivera, & Joe Rivera (Marvel)

- Meilleure série

Daredevil, by Mark Waid, Marcos Martin, Paolo Rivera, and Joe Rivera (Marvel)

- Meilleure mini-série

Criminal : The Last of the Innocent, d’Ed Brubaker & Sean Phillips (Marvel Icon) publiée en France par les éditions Delcourt.

- Meilleure BD pour le plus jeune âge (à partir de 7 ans)

Dragon Puncher Island, de James Kochalka (Top Shelf)

-  Meilleure publication pour la jeunesse (8-12 ans)

Snarked, de Roger Langridge (kaboom !)

- Meilleure publication pour adolescents (12-17 ans)

Anya’s Ghost, de Vera Brosgol (First Second)

- Meilleur recueil d’histoires complètes

Dark Horse Presents, dirigée par Mike Richardson (Dark Horse)

- Meilleure publication humoristique

Milk & Cheese : Dairy Products Gone Bad, de Evan Dorkin (Dark Horse Books)

- Meilleure bande dessinée numérique

Battlepug, de Mike Norton, www.battlepug.com

Meilleure bande dessinée documentaire

Green River Killer : A True Detective Story, de Jeff Jensen & Jonathan Case (Dark Horse Books)

- Meilleur graphisme (nouvelle catégorie)

Jim Hensons Tale of Sand, avec Ramón K. Pėrez (Archaia)

- Meilleur graphisme (pour une réédition)

Richard Stark’s Parker : The Martini Edition, de Darwyn Cooke (IDW)

- Meilleure intégrale issue du patrimoine (catégorie Comic Strip)

Walt Disney’s Mickey Mouse vols. 1-2, by Floyd Gottfredson, dirigée par David Gerstein & Gary Groth (Fantagraphics)

- Meilleure intégrale issue du patrimoine (catégorie Comic Book)

Walt Simonson’s The Mighty Thor Artist’s Edition (IDW)

- Meilleure bande dessinée étrangère

The Manara Library, vol. 1 : Indian Summer and Other Stories, de Milo Manara & Hugo Pratt (Dark Horse Books) (Un Été indien, publié en France par Casterman)

- Meilleure bande dessinée asiatique

Onward Towards Our Noble Deaths, de Shigeru Mizuki (Drawn & Quarterly)

- Meilleure scénariste

Mark Waid pour Irredeemable, Incorruptible (BOOM !) ; Daredevil (Marvel) publiée en France par les éditions Delcourt.

-  Meilleur dessinateur-scénariste

Craig Thompson pour Habibi (Pantheon) [Publié en France par Casterman]

- Meilleur encreur

Ramón K. Pérez, Jim Henson’s Tale of Sand (Archaia)

-  Meilleure couverture de l’année

Francesco Francavilla, pour Black Panther (Marvel) ; Lone Ranger, Lone Ranger/Zorro, Dark Shadows, Warlord of Mars (Dynamite) ; Archie Meets Kiss (Archie)

- Meilleure mise en couleurs

Laura Allred, iZombie (Vertigo/DC) ; Madman All-New Giant-Size Super-Ginchy Special (Image)

- Meilleur lettrage

Stan Sakai, pour Usagi Yojimbo (Dark Horse) [Publié en France par les éditions Paquet]

- Meilleure publication d’information sur la bande dessinée

The Comics Reporter, dirigé par Tom Spurgeon, www.comicsreporter.com

- Meilleure ouvrage éducatif sur la BD (ex-aequo)

Cartooning : Philosophy & Practice, de Ivan Brunetti (Yale University Press)
Hand of Fire : The Comics Art of Jack Kirby, de Charles Hatfield (University Press of Mississippi)

- Meilleure ouvrage d’étude sur la BD

MetaMaus, de Art Spiegelman (Pantheon) [Publié en France par Casterman]

- Meilleure maquette & mise en page

Jim Henson’s Tale of Sand, conception graphique d’Eric Skillman (Archaia)

- Hall of Fame

Le choix du jury : Rudolf Dirks, Harry Lucey, Bill Blackbeard, Richard Corben, Katsuhiro Otomo, Gilbert Shelton

Autres récompenses

- Prix Russ Manning espoir de la BD :

Tyler Crook

- Prix humanitaire Bob Clampett

Morrie Turner

- Prix d’Excellence Bill Finger pour le scénario de bande dessinée :

Frank Doyle, Steve Skeates

- Le prix Will Eisner "esprit de la BD" pour le meilleur libraire (ex-aequo) :

Akira Comics, Madrid, Spain - Jesus Marugan Escobar and
The Dragon, Guelph, ON, Canada - Jennifer Haines

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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12 Messages :
  • Et dire qu’il y en a qui se plaignent de la lisibilité des prix à Angoulême..!

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  • Chauvinisme déplacé, ignorance crasse ?

    Ben si un peu quand même, sinon ils n’auraient pas attribué le prix de la bande dessinée européenne à une réédition américaine (Un été indien, 1987...)

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  • Super à la page les américains : Un été indien primé à Angoulème en 87 (il y a 25 ans !!!) et Opération Mort de Mizuki en 2009.

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    • Répondu par Kim Thompson, Fantagraphics. le 16 juillet 2012 à  23:00 :

      "Meilleure Bande Dessinée Étrangère" est en fait une mauvaise traduction de ce prix : C’est pour le "Best U.S. Edition of International Material", donc "Meilleure Édition Américaine d’une Bande Dessinée Étrangère". Il s’agit donc plutôt d’un prix "patrimoine" au même titre que les prix pour les rééditions de comics et strips classiques. Un prix décerné à un livre sorti en 2011 qui reprend un classique de la BD Européenne est donc tout à fait correct. Je ne vois d’ailleurs pas comment les lecteurs Américains pourraient voter avec intelligence pour une "Meilleure Bande Dessinée Étrangère" contemporaine puisqu’il n’y a qu’un pourcentage infiniment petit qui est traduit contemporainement !

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    • Répondu le 17 juillet 2012 à  14:56 :

      NonNonba a été primé en 2007 à Angoulême, soit 30 ans après sa publication au Japon. Très à la page aussi pour l’occasion.

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  • Cock-a-doodle-do !
    14 juillet 2012 18:18, par Rosse

    Je ne suis pas très doué pour les cris d’oiseaux mais en ce jour de Fête Nationale je vais m’essayer à un "Cocorico !"
    La récompense de Gilbert Shelton est toute méritée et rejaillit aussi sur mon talentueux ami Pic, collaborateur et assistant de Shelton depuis de nombreuses années. Bravo Shelton, Bravo Pic !

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    • Répondu par Pic le 15 juillet 2012 à  18:32 :

      Houla !
      C’est trop !

      Je n’y suis pour rien !!!

      Shelton est francophile depuis très longtemps (il avait une 4cv citroën à 20 balais) et il a lui-même traduit et publié des français aux USA dans les années ’80, afin de leur faire connaitre et apprécier GOOSSENS, VUILLEMIN, REISER et d’autres.

      L’attrait de la BD européenne sur les américains est assez faible.

      Shelton n’aime pas Lucky Luke simplement parce qu’avoir un ourlet à son blue-jeans est l’image rédhibitoire de la plouquerie la plus ringarde !
      Oumpah-Pa le peau-rouge a été créé par Goscinny et Uderzo pour but originel d’être publié aux USA, mais ça n’a pas plu du tout et n’a jamais été édité là-bas.

      Il faut dire que le type de récit nerveux d’un Kurtzmann, par exemple, met bien en évidence la différence d’esprit d’un côté à l’autre de l’atlantique.
      (Kurtzman qui a influencé Vuillemin à ses débuts, d’ailleurs.)

      Mais donner un prix à Habibi, c’est un geste vers la "BD indé" qui est un peu dans l’esprit européen, plus que Dardevil, par exemple, non ?

      Shelton et les Freak Brothers n’ont pas, de leur côté, le succès qu’ils mériteraient en France alors que l’humour et la qualité des histoires en fait une série merveilleuse à relire ou à découvrir.
      Pleine d’humour, d’irrespect et de critique subtile mais féroce de la société, à l’instar d’un Donald Westlake, en littérature, tout en finesse et en force : l’œuvre d’un gentleman.

      La série de Shelton que je préfère est WONDER WART-HOG, (en français SUPER-PHACOCHÈRE).

      Il est heureux que les américains aient primé Shelton, si discret et parfois si politiquement incorrect.

      Pour l’ami texan, nous pousserons donc un puissant "YEEE-HAAAAA !" , en guise de cri d’oiseau !

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      • Répondu par Rosse le 15 juillet 2012 à  23:01 :

        Tu es trop modeste Pic, cela t’honore... Bien d’accord avec toi sur tout le reste. J’ai trouvé y’a pas longtemps sur le net un des trucs des plus bizarres : un collectionneur de cartes postales qui avait mis la main sur la carte que Shelton envoya à Schlingo pour lui demander sa participation à "Rip-Off". Contacte-moi hors ligne, j’ai des trucs à te raconter.

        Bien à toi,
        Steph

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      • Répondu par Oncle Francois le 15 juillet 2012 à  23:28 :

        Bonsoir, Monsieur Pic !

        Merci pour votre commentaire, mais j’en suis assez étonné, pour les points suivants :

        1 : Monsieur Goscinny connaissait bien l’esprit Mad, ayant longtemps vécu aux Etats-Unis.

        2 : d’autres auteurs de talent (Gotlib, Wolinski, Giraud-Moebius) ont également reconnu avoir été influencé par l’esprit Mad, et l’ont transposé dans leurs productions.

        Dans ces conditions, pourquoi leurs Bd n’ont pas eu de succès aux Etats-Unis ? Cordialement !

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        • Répondu par Pic le 19 juillet 2012 à  16:24 :

          Bonjour, Mr François

          Je crois tenir l’anecdote de Oumpah-pa d’une interview de Yann et Schwartz sur un canal radio belge tenu par un journaliste traitant de la BD.

          Ils y racontaient ce que pourrait être le tome II des Gringos Locos et leurs déboires aux USA concernant leurs tentatives de percer au niveau professionnel là-bas.

          À propos de Goscinny, je dirais que connaître l’esprit MAD, les fréquenter, même, ou vivre aux USA ne donne pas forcément "naissance" à ce que le public américain attend ou va aimer..

          Je ne suis pas étonné de l’insuccès d’Oumpah-pa là-bas : c’est un regard bon-enfant d’européen sur l’Amérique naissante (quand les seuls blancs étaient ...européens !) et conjointement le rappel du fait que les indiens étaient là avant, bien tranquilles avant qu’on vienne les conquérir, les massacrer, etc...

          Maintenant, René Goscinny comme tous les autres qui sont allé aux USA ont été gagnés par l’ambiance d’énergie et de création.

          Tant mieux pour nous !!! Ils en ont puisé et rapporté de quoi dépoussiérer certaines rédactions en Europe, par leur esprit d’entreprise et d’exigence. Attitude entrepreneuriale toujours mal perçue ici et qui a été fatale à Goscinny en ’68 quand on l’a "renversé" de Pilote (par Jean Giraud compris, ce qu’il a regretté ensuite)

          Pour votre 2e question : je ne sais pas.

          Que dire ? Que les américains sont centrés sur eux-même ? Que le moindre évènement national US est pour eux comme une coupe du monde (puisqu’ils sont les plus grands) ?

          Qu’il n’ont aucune raison d’aimer des imitations quand ils ont tant d’originaux sous la main ?

          C’est un peu comme les chanteurs yéyé des années ’60 qui ont "traduit" et rechanté les classiques du rock US, ils ont brillé grâce au show-business qui maintenait en France la pénurie des auteurs originaux que leurs poulains pompaient allègrement !

          Mais en fait, Giraud/Moebius et Métal Hurlant ont été lus et admirés en Amérique, non ?

          Marcel Gotlib est un génie, mais j’ai été choqué, tout jeune, en découvrant Mad ensuite : exemple l’histoire du ralenti (slow-motion) : la redite ne tient pas la comparaison avec l’original.

          Ce qui n’enlève rien, je dois dire, à mon admiration pour Gotlib et son œuvre.

          Wolinsky, avec "la reine des pommes", (transcription BD d’un roman de Chester Himes) a été peu lu aussi en France. Il a pris ensuite aux ricains son côté "money-maker", mais il est resté avec son style propre...

          Non, je ne sais pas.

          Peut-être aussi le bizness est très dur là-bas, si tu n’es pas surplace à les tanner à les relancer, à faire pression avec des agents ?

          En France aussi, il y a des génies qui crèvent de leur insuccès...

          Un jour j’en parlais avec Schlingo, dont Stéphane Rosse a été un grand compagnon de route . Il me disait en avoir marre qu’on lui dise partout : " C’est génial mais on va pas vous prendre"

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  • Pourquoi ne citez-vous les éditeurs francophones que quand c’est Casterman (ou, dans le cas de Paquet, distribué par Flammarion) ?
    Cornélius, Glénat, Delcourt et Panini apprécieront.

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  • Pardon d’empiéter sur les plates-bandes des rédacteurs de ce site mais je voulais signaler le décès de Gary Arlington, survenu il y a une semaine. Une figure centrale du mouvement Underground américain.

    Libraire en tout premier lieu, mais aussi éditeur -et peintre- il fut le premier à ouvrir une librairie de bandes dessinées sur le continent américain (se faisant coiffer de 2 mois seulement par une librairie néerlandaise pour pouvoir prétendre au titre de "première librairie de bandes dessinées au monde")

    C’est dans son magasin de San-Francisco qu’une nouvelle génération d’auteurs mettaient en vente leurs comix, de jeunes inconnus répondant aux noms de Shelton ou Crumb. Fan de E.C comics Gary Arlington avait remarqué le travail d’un inconnu ici et là dans divers fanzines : Richard Corben. Il s’improvisa alors éditeur pour mettre en valeur les talents de cette nouvelle génération via son idée de business tellement banale de nos jours : la vente directe en boutique spécialisée. Révolutionnaire !

    Sa librairie, le "San Francisco Comic Book Company" sut attirer la curiosité de tout un lectorat... Parmi les habitués un certain Art Spiegelman.

    Loin des feux de la rampe, c’est un très grand Monsieur qui vient de disparaître. Quelqu’un motivé par la passion et qui a su la transmettre à toute une génération. Le paysage actuel de la bande dessinée internationale ne serait pas le même sans son influence et ses prises de risques. À méditer...

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