Bon, d’accord, la série Valérian et Laureline de Pierre Christin et de Jean-Claude Mézières a eu son petit quart d’heure de gloire avec la présentation de quelques rushes de “Valerian and the City of a Thousand Planets”.
Il faut dire que le malin réalisateur et producteur Luc Besson connaît maintenant bien les règles hollywoodiennes : une petite annonce de dernière minute avec une célébrité médiatique à la clé (Rihanna fait une courte apparition dans le film) et des ambassadeurs présents comme Dane Dehane et Cara Delevingne pour donner le change aux journalistes et aux photographes présents (San Diego est à quelques encâblures au sud de Hollywood), obtenant ce que la presse française qualifie de "standing ovation".
Comme il se doit l’extrait montré au public, très ciblé SF, était truffé de quelques-uns des 2700 effets spéciaux et quelques-unes des 200 espèces d’aliens bizarres que recèle le film. L’influence d’Avatar n’est pas loin. Luc Besson avance d’ailleurs qu’il a été chercher des conseils jusque chez James Cameron dont il prétend qu’il n’arrivera jamais à le battre à la course (il le compare à Usain Bolt), quoique...
Le film devrait sortir en juillet 2017.
Or donc, à part ces honneurs rendus à des auteurs dont la carrière est déjà largement entamée, aucun talent francophone nouveau ne pointe à l’horizon. Le grand Will Eisner, qui faisait partie de l’Académie des Grands Prix d’Angoulême (celle-là même qui a été passée à la trappe ces dernières années) et qui donnait sa procuration précisément à Mézières les années où il était absent, aurait été le premier marri de ce palmarès qui oublie la BD franco-belge et plus généralement francophone. Sont-ce là les signes irrémédiables d’un déclin ?
Ceux qui nous lisent savent que nous n’en pensons pas un mot. Est-ce plutôt là la conséquence d’une mauvaise communication de la bande dessinée francophone dans le pays d’Obama ? Une séquelle de l’épisode "sans femme" du palmarès d’Angoulême ? Le fait que Laureline soit écartée du titre du film dans sa version anglophone au profit du seul Valérian ne va d’ailleurs pas améliorer notre image aux USA alors qu’une femme s’apprête à devenir la présidente du pays... Ou sont-ce les "faux-fauves" qui ont effarouché les auteurs américains qui y figuraient. Comme le jury est composé de libraires et de spécialistes qui sont fans de ces auteurs US, la rétorsion est possible.
Plus fondamentalement, nous posons la question à nos lecteurs : quels sont en France les Tardi, les Christin & Mézières d’aujourd’hui qui peuvent prétendre à rivaliser avec ces grands noms des années 1960 et 1980 ? Aidez les membres du jury 2017, avancez-leur des noms !
Un produit "franco-israélien", quand même !
On peut avancer quand même un signe de contentement : Le Prix du meilleur album étranger a été attribué au dessinateur israélien Afaf Hanuka, un pur produit de l’enseignement... français de la BD. Publié par un éditeur français (Steinkis), nominé à Angoulême, Hanuka a appris la BD sur les bancs d’Émile Cohl à Lyon avant de faire une carrière remarquée dans le dessin animé (les séquences oniriques de Valse avec Bachir sont signées par Asaf et Tomer Hanuka, son frère jumeau qui, en revanche, fit ses études de BD à... New York !) et dans l’illustration. Ses premières BD ont été publiées en France (Carton Jaune, avec Didier Daeninckx, chez EP édition) et le sont encore aujourd’hui. Félicitations donc à Asaf, au nom de la France !
Mais voici sans plus attendre le palmarès californien :
2016 Will Eisner Comic Industry Awards Winners
Meilleure histoire courte : “Killing & Dying,” d’Adrian Tomine, dans Optic Nerve #14 (Drawn & Quarterly)
Meilleur "One Shot" : Silver Surfer #11 : “Never After,” dede Dan Slott & Michael Allred (Marvel)
Meilleure série : Southern Bastards, de Jason Aaron &Jason Latour (Image)
Meilleure série courte : The Fade Out, de Ed Brubaker & Sean Phillips (Image)
Meilleure nouvelle série : Paper Girls, de Brian K. Vaughan & Cliff Chiang (Image)
Meilleure publication pour le premier âge (jusqu’à huit ans) : Little Robot, ede Ben Hatke (First Second)
Meilleure publication pour enfants (9-12 ans) : Over the Garden Wall, de Pat McHale, Amalia Levari, & Jim Campbell (BOOM ! Studios/KaBOOM !)
Meilleure publication pour la jeunesse (13-17 ans) : SuperMutant Magic Academy, de Jillian Tamaki (Drawn & Quarterly)
Meilleure b&e dessinée d’humour : Step Aside, Pops : A Hark ! A Vagrant Collection, de Kate Beaton (Drawn & Quarterly)
Meilleure b&e dessinée nuémrique /Webcomic : B&ette, de Paul Tobin & Colleen Coover (Monkeybrain/comiXology)
Meilleure intégrale :Drawn & Quarterly, Twenty-Five Years of Contemporary, Cartooning, Comics, & Graphic Novels, sous la direction de Tom Devlin (Drawn & Quarterly)
Meilleure BD documentaire : March : Book Two, de John Lewis, &rew Aydin, & Nate Powell (Top Shelf/IDW)
Meilleur dessin (nouveauté) : Ruins, de Peter Kuper (SelfMadeHero)
Meilleur dessin (réédition) : Nimona, de Noelle Stevenson (Harper Teen)
Meilleure adaptation à partir d’un autre médium : Two Brothers, de Fábio Moon & Gabriel Bá (Dark Horse) — Deux Frères, publiés en France par Urban Comics.
Meilleure BD étrangère : The Realist, de Asaf Hanuka (BOOM ! Studios/Archaia), publié en France par Steinkis sous le titre de K.O.à Tel Aviv (trois tomes parus)
Meilleure BD étrangère / Asie : Showa, 1953–1989 : A History of Japan, de Shigeru Mizuki (Drawn & Quarterly), publié en France par Cornélius sous le titre
Meilleure collection de patrimoine (catégorie comic-strip) : The Eternaut, de Héctor Germán Oesterheld & Francisco Solano Lòpez, compilée par Gary Groth & Kristy Valenti (Fantagraphics). Publiée en France sous le titre L’Éternaute (3 vol. Parus) chez Vertige Graphic.
Meilleure collection de patrimoine (catégorie comic-book) : Fairy Tales de Walt Kelly, publié sous la direction de Craig Yoe (IDW)
Meilleur scénariste : Jason Aaron pour Southern Bastards (Image), Men of Wrath (Marvel Icon), Doctor Strange, Star Wars, Thor (Marvel)
Meilleur auteur complet : Bill Griffith pour Invisible Ink : My Mother’s Secret Love Affair with a Famous Cartoonist (Fantagraphics)
Meilleur encreur : Cliff Chiang pour Paper Girls (Image)
Meilleur illustrateur multimédia : Dustin Nguyen pour Descender (Image)
Meilleur illustrateur de couverture : David Aja pour Hawkeye, Karnak, Scarlet Witch (Marvel)
Meilleur coloriste : Jordie Bellaire pour The Autumnlands, Injection, Plutona, Pretty Deadly, The Surface, They’re Not Like Us, Zero (Image) ; The X-Files (IDW) ; The Massive (Dark Horse) ; Magneto, Vision (Marvel).
Meilleur lettrage : Derf Backderf pour Trashed (Abrams) paru en France chez Çà & là.
Meilleure BD de reportage : Hogan’s Alley, sous la direction de Tom Heintjes (Hogan’s Alley)
Meilleur essai sur la BD : Harvey Kurtzman : The Man Who Created Mad & Revolutionized Humor in America, de Bill Schelly (Fantagraphics)
Meilleur travail de recherche sur la BD : The Blacker the Ink : Constructions of Black Identity in Comics & Sequential Art, sous la direction de Frances Gateward & John Jennings (Rutgers)
Meilleure maquette : The Sandman Gallery Edition, conçu par Josh Beatman/Brainchild Studios (Graphitti Designs/DC)
Hall of Fame : Choix du jury : Carl Burgos, Tove Jansson • Choix du public : Lynda Barry, Rube Goldberg, Matt Groening, Jacques Tardi.
Prix du Russ Manning meilleur espoir : Dan Mora
Prix humanitaire Bob Clampett : Matthew Inman
Prix Bill Finger d’excellence pour le meilleur scénario de BD : Richard E. Hughes, Elliot S ! Maggin
Le Prix "Spirit de Will Eisner" pour le meilleur libraire : Orbital Comics & Games, London, UK
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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