Si le Musée National de la Bande Dessinée d’Angoulême n’existait pas, il faudrait l’inventer. C’est un lieu essentiel de la conservation du patrimoine de la bande dessinée en France et un équipement unique en son genre car il prolonge le Festival International de la BD d’Angoulême qui occupe la fin du mois de janvier depuis près de 40 ans. Il n’y a pas d’autre exemple dans le monde d’un événement de bande dessinée lié à une institution pérenne. Cet ancrage institutionnel de la BD en terre angoumoisine a d’ailleurs été déterminant pour la vie du Festival dont la gestion erratique a failli plus d’une fois le faire vaciller. Mais le musée est là, avec son environnement, la Vallée des Images, qui oblige les acteurs locaux a prendre en compte le destin du 9e art, quoiqu’il advienne.
Or, le musée accueille aujourd’hui Raymond Poïvet, un de ces grands auteurs publiés dans les journaux des années 1940-1980 et que les jeunes générations ont oublié car il a publié peu d’albums. Mais cela n’enlève rien à son influence considérable.
Dessinateur réaliste né dans le sillage des classiques américains Alex Raymond ou Hal Foster, Poïvet est un peu le binôme de cet autre grand dessinateur français qu’était Paul Gillon. C’est le dessinateur classique par excellence, dont le trait est ample et majestueux -un geste de peintre, pourvu d’une subjectivité que n’oubliera pas Moebius qui y trouvera de quoi sortir de la gangue du style belge, obsédé par l’effet de réalité.
Sa carrière passe, si l’on oublie l’épisode peu reluisant du Téméraire, ce journal collaborationniste où il contribua dans sa prime jeunesse, par les revues pour la jeunesse issues de la Résistance : Coq Hardi, Vaillant (organe du Parti Communiste dont nous parlions hier), mais aussi Tintin, Pilote,...
Mais c’est surtout avec Les Pionniers de l’Espérance, qu’il dessine entre 1945 et 1973 pour Vaillant sur un scénario de Lécureux, première grande bande dessinée de SF de l’après-guerre qu’il marque les imaginations.
Ce groupe multiethnique d’aventuriers qui défend la civilisation terrienne contre les extra-terrestres incarne un idéal humaniste de progrès d’obédience communiste bien de son époque. Dans ce canevas, Poïvet utilise à plein l’exutoire de la science-fiction pour se dégager de toute idéologie et offrir un récit de SF passionnant dont s’inspire directement Jean-Claude Forest pour sa Barbarella (1964).
Près de 50 originaux de cet auteur sont exposés dans la salle des expositions temporaires du Musée jusque fin décembre. C’est somptueux.
De quoi aller y faire une bien peu communiste génuflexion devant un grand maître...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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On lira avec profit le remarquable dossier que le site Neuvieme Art 2.0 consacre à l’artiste.
RAYMOND POÏVET, LE PIONNIER DE LA BANDE DESSINÉE
Du 28 septembre au 16 décembre 2012
Cité internationale de la bande dessinée et de l’image (site Castro) — 121 rue de Bordeaux — Angoulême
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