Parodie intelligente du roman de Michel Houellebecq Extension du domaine de la lutte, nous rencontrons dans cette version Antoine, un célibataire cinquantenaire, dépourvu de grandes ambitions ou de crises existentielles. Contrairement à son double houellebequien, il tente de passer entre les mailles du filet sans se faire remarquer. Antoine accepte les commandes que personne ne veut, les élèves perdus, tout en échange d’une vie libre de contraintes. Mais voilà que le succès commence à lui coller aux bottes. Par une erreur de traduction, il se voit confier une grande commande d’une société chinoise qui ne débourse pas moins qu’un demi-million d’euros dans son petit atelier créatif… Après ce coup du destin, les événements vont s’enclencher jusqu’à ce qu’il se retrouve au service du président de la République…
Fortement inspiré de son expérience personnelle, Pascal Valty nous raconte avec un humour satirique, plein de dérision, l’histoire d’Antoine, une sorte d’alter-égo irrévérent ayant gardé l’esprit rebelle des punks et la sagacité sociale de quelqu’un qui connaît son milieu professionnel depuis de longues années.
Avec un “président ch’ti” dénommé Macaron, la subtilité n’est certainement pas l’intérêt principal de cette histoire. Se démarquant par son trait caricatural, ou les nez et les bouches sont souvent l’attribut le plus éloquent sur le caractère des personnages, il nous fait découvrir l’univers de professeurs excentriques qui se promènent à vélo dans les couloirs ou encore, esthètes absolus, qui refusent de s’asseoir sur des chaises n’ayant pas la couleur de leur choix…
Bien qu’il se lise d’un seul trait, l’album prend le temps de construire chaque personnage en lui attribuant des tournures particulières et des détails qui nous permettent d’appréhender son univers. Antoine dépeint ainsi son entourage avec un sarcasme voltairien, tout en nous narrant des scènes de plus en plus absurdes.
Comme lors du Cours Florent, Valty nous offre une parodie bien garnie sur la bureaucratie administrative des universités et des petites luttes de pouvoir qui animent (et pimentent) la vie des enseignants parisiens, où, souvent, les bonnes connaissances priment souvent sur le talent ou l’originalité.
Sur fond de satire intelligente, l’Extension du domaine de la Loose construit une réflexion sur ce qui nous permet de valoriser la vie. La majorité des personnages qui circulent entre ses pages l’identifie dans les marqueurs de statut social et les symboles ordinaires du pouvoir. Mais notre héros (apparemment un petit-fils non reconnu de Bartleby) devient un rebelle, bien à regret, du simple fait qu’il s’en fout royalement !
Malgré le succès et l’attention posée sur lui, il n’a qu’une ambition, faire ce qu’il sait faire le mieux dans la vie : “se bourrer la gueule !”.
Voir en ligne : La Valtynière
(par Jorge Sanchez)
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Extention du domaine de la loose - Par Pascal Valty. Éditions La Valtynière. 102 pages - 15€ 90.
La chronique "La Valtynière, une prometteuse maison d’édition indépendante"