Actualité

Fabulous Paul Pope

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 4 août 2010                      Lien  
Aux États-Unis, un artiste s’impose tout doucement comme une des figures majeures de sa génération. Il a une gueule de rock-star, disserte aussi aisément sur Gustav Klimt que sur Étienne de La Boétie… Son dessin s’inspire aussi bien d’Hugo Pratt que des mangas japonais. Retenez le nom de cet oiseau rare : il s’appelle Paul Pope.
Fabulous Paul Pope
THB, la revue autoéditée par Paul Pope
DR

Le génie d’un pays est de produire toutes les décennies environ une génération d’artistes qui l’incarne parfaitement : Hergé en Belgique, Alex Raymond aux Etats-Unis dans les années trente ; Jijé, Vandersteen, Calvo, Milton Caniff, Will Eisner ou Jack Kirby dans les années quarante ; Franquin, Morris, Peyo, Tezuka, Jacovitti, Jack Davis ou Harvey Kurtzman dans les années cinquante ; Goscinny, Alex Toth, Crumb, Frank Frazetta, Forest, Gillon, Breccia, Pratt, Crepax dans les années soixante, Moebius, Gotlib, Spiegelman, Katsuhiro Otomo dans les années soixante-dix ; Akira Toriyama, Chaland, Swarte, Dave Stevens, les frères Hernandez dans les années quatre-vingt, Zep, Sfar, David B, Blutch, Dan Clowes, Chris Ware ou Marjane Satrapi en France au détour des années 1990 à 2000… Né en 1970, Paul Pope est un des génies américains de notre temps.

Un talent précoce

Le Publisher Weekly écrit à son propos qu’il est «  l’un des rares auteurs de comics capable de passer sans heurt du monde de la bande dessinée autogérée underground à celui du comics commercial « mainstream » sans avoir à jamais concéder sur le caractère personnel de son travail, faisant preuve dans chaque cas à une extraordinaire imagination servie par un formidable graphisme.  »

Heavy Liquid
Editions Dargaud

Paul Pope publie en 1993 son premier roman graphique, Sin titulo, bientôt suivi par un second, La Ballade du docteur Richardson (1993, tous les deux inédits en France). Mais c’est avec sa production auto-publiée THB (1994-2003) qu’il se signale comme l’un des auteurs les plus en vue de la nouvelle génération. Ses cinq premiers fascicules de plus de 100 pages sont suivis par sa revue Buzz Buzz puis par P-City Parade, des publications le plus souvent en noir et blanc de très grand format où son graphisme s’ébroue en gestes amples et virtuoses.

Son dessin tranche résolument avec celui de ses contemporains encore trop sous le joug des modèles traditionnels du comic-book. Pope a appris à respirer ailleurs : en Europe, où il découvre Moebius, Chaland, Pratt, et au Japon où il ne tarde pas à publier chez le grand éditeur Kodansha alors qu’il n’a pas encore 25 ans.

Une illustration de Paul Pope.
DR

Virtuose

Il publie en France en 1997 son premier roman graphique The One Trick Rip-Off (Arnaque à l’arraché ) (Bethy, épuisé) qui emmène le lecteur dans les bas-fonds de la pègre et dont le personnage principal –dont les traits font penser à ceux de l’auteur- exerce sur ses ennemis un pouvoir de fascination quasi hypnotique.
Il est suivi du très élégant Escapo ou la liberté d’être entravé (Vertige Graphic, 2000) dont le héros, un moderne Houdini habillé d’un collant de Lucha Libre décide de se suicider en plein numéro par amour pour une équilibriste. Son récit atteint une acuité singulière dans l’expression du sentiment amoureux qui annonce en quelque sorte un Bastien Vivès. Le dessin atteint ici un sommet de virtuosité qui n’a d’équivalent en France que Blutch.

Batman Year 100. Un hommage à Frank Miller et à Alan Moore.
DC Comics / Pannini

La même année, il publie Heavy Liquid édité par Dargaud (2007), une course-poursuite haletante dans des États-Unis et une Europe futuristes, qui retraduit à sa manière toute l’énergie que Paul Pope a pu capter de l’univers des mangas ou de la musique Rock puisqu’il est inspiré, comme dit Paul, « d’un rêve effiloché et flou, reçu entre les minutes 3,27 et 5,43 d’un long morceau de rock bourbeux et psychédélique qu’un groupe anglais appelé Thee Hypnotics avait enregistré sous le titre de Heavy Liquid ».

Batman revisité

Paul Pope, en 2008
(c) Nicolas Anspach

Pour un auteur américain, il est nécessaire de passer sous les fourches caudines du comic mainstream pour accéder rapidement à une certaine notoriété et, plus prosaïquement, pour gagner de l’argent. C’est ce que fait Paul Pope avec sa version de Batman. Mais cette réappropriation ne se fait pas sans déférence aux rénovateurs du genre : Frank Miller qui, en 1986 avec son Batman, Year One, avait repeint la créature de Bob Kane & Bill Finger dans des couleurs plus sombres –moins « chromo », le faisant passer subrepticement dans le format du Graphic Novel, et Alan Moore, le génial scénariste anglais qui avait révolutionné le comic-book la même année que Miller –1986- en proposant, avec Watchmen, des super-héros déclassés, rejetés par la société, laquelle leur préfère désormais des super-héros plus jeunes pour sauver le monde… On retrouve ces deux influences dans Batman Year 100 (Panini, 2007, les couleurs sont de Jose Villarubia) où l’homme-chauve-souris est transporté dans une Gotham futuriste, poursuivi par… la police, multipliant les tours de force comme dans un film de Ang Lee pour finir par faire éclater la vérité. Un morceau de bravoure qui lui vaut deux Eisner Awards en 2007 ! On lui doit aussi une intervention sur Spider-Man, Fantastic Four et Strange Tales notamment.

Paul Pope - Batman Year 100. Un hommage à Frank Miller et à Alan Moore.
(c) Paul Pope - DC Comics.

Retour en France

Paul Pope, revenu en France après une éclipse de dix ans, ne va pas repartir de sitôt. Dargaud le suit de près, grâce aux bons soins de Thomas Ragon, en publiant 100%, l’un de ses ouvrages les plus personnels, à nouveau dans un New York du futur, jungle urbaine moite et angoissante, où des hommes et des femmes se poursuivent, s’aiment et s’entretuent, et où l’on retrouve tout l’art de Paul Pope : son coup de pinceau dense, souple et rageur, gracieux et fluide, attentif au détail, trouvant le plaisir dans l’élaboration de designs ou de vêtements le plus souvent inventés (DKNY ou encore Diesel ont fait appel à ses services en tant que designer).

Le dernier opus de Paul Pope : Batling Boy. Bientôt en France ?
DC Comics

On nous annonce depuis de trop nombreux mois chez Dargaud Chica Bionica, (dessiné directement pour cet éditeur sans passer par la case USA) et la possible coédition d’une compilation de THB avec l’éditeur parisien. Pendant ce temps-là, Pope a publié outre-Atlantique un art-book somptueux titré Pulp Hope (AdHouse Book, 2007) dont le titre en anglais est un mot-valise calqué sur son nom qui pourrait se traduire par « L’espoir du peuple ». On nous annonce aussi chez First Second un nouvel album du plus atypique créateur de BD américain du moment :Batling Boy. Nous attendons tout cela avec impatience !

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

Commander « Heavy Liquid » sur Amazon ou à la FNAC

Commander « Batman Year 100 » sur Amazon ou à la FNAC

Commander « Escapo » sur Amazon ou à la FNAC

Commander « 100% » sur Amazon ou à la FNAC

Commander « Pulp Hope » (en anglais) sur Amazon

 
Participez à la discussion
7 Messages :
  • Fabulous Paul Pope
    4 août 2010 07:24, par Tom

    "Pulp hope" traduction l’espoir du peuple ..?????????
    ....bizarre comme traduction non ????
    enfin peu importe.
    Il est temps de parler avec autant d’éloges de Pope .
    Et il y a d’autres dessinateurs pas seulement américains que l’on oublie .
    Enfin je ne jette pas la pierre , je prends plaisir à venir presque quotidiennement lire ce qu’il se passe sur actua bd pour les news bd.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 août 2010 à  11:19 :

      Bah. "pulp" veut dire "populaire" (ou "du peuple") par allusion à une publication imprimée sur du mauvais papier ("pulpe" de papier récupéré) autrement appelée "dime novel" ou "roman à cinq sous" dont les comic books sont les héritiers directs. "Hope" signifie "espoir". Le jeu de mot est flou, ma traduction, j’en conviens, ne l’est pas moins.

      Répondre à ce message

  • Fabulous Paul Pope
    4 août 2010 11:25, par Fidélius

    j’essaie bientôt, mais la couverture de Heavy liquid ne donne vraiment pas envie !

    Répondre à ce message

  • Fabulous Paul Pope
    4 août 2010 13:31, par Hellboy

    L’ami Paulot a aussi participé au collectif Wednesday comics (DC) en dessinant une magnifique histoire courte d’Adam Strange.

    Répondre à ce message

  • Fabulous Paul Pope
    4 août 2010 14:11, par Pierre

    Il a également dessiné des planches pour le 100 Bullets d’Azzarelo et le X-Statix de Milligan... et des couvertures pour Catwoman (Brubaker) et Les Maitres de l’évasion (Vaughan).

    Répondre à ce message

  • Fabulous Paul Pope
    8 août 2010 22:22, par Benoit Houbart

    J’ai lu une bd de lui il y a une dizaine d’années en français. C’était une bonne initiative de le publier !... ;-)

    Répondre à ce message

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
A LIRE AUSSI  
Actualité  
Derniers commentaires  
Agenda BD  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD