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Farid Boudjellal : " Pour l’instant, les politiques se déchirent sur le cadavre encore chaud de Charlie Hebdo."

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 11 janvier 2015                      Lien  
En pleine affaire des caricatures de Mahomet, Farid Boudjellal avait publié [JuifsArabes->art3512] (Futuropolis) dans lequel les radicaux religieux de tous poils de barbe sont sérieusement pris à partie. Le frère du fondateur des éditions Soleil et président du RCT de Toulon réagit à son tour aux événements qui occupent tous les esprits ces derniers jours.
Farid Boudjellal : " Pour l'instant, les politiques se déchirent sur le cadavre encore chaud de Charlie Hebdo."
JuifsArabes de Farid Boudjellal (Editions Futuropolis)

Comment vous sentez-vous après cette tragédie ?

Horreur ! Un tsunami. Rien ne sera plus jamais comme avant. Abominable impression de déjà-vu. Je n’ai pas oublié la décennie noire en Algérie. À l’époque tout ce qui pensait ou dessinait était menacé. Un nombre de morts incalculables. Il n’est pas un Algérien qui n’a pas été touché par ces années effroyables. N’oublions jamais que les principales victimes de ces malades mentaux, sont les musulmans eux-mêmes.

Vous avez une relation particulière avec Charlie Hebdo...

Essentielle. Je suis un enfant de Hara-Kiri, Charlie mensuel et Charlie Hebdo. J’ai publié mes premières longues histoires dans «  Charlie mensuel » des éditions du square. J’ai été pour ainsi dire découvert par Wolinski. La noirceur de mon travail lui avait inspiré cette remarque : « Dans l’histoire la plus noire, il faut toujours un côté positif ». J’ai bien retenu la leçon. J’ai fait connaissance avec l’ensemble de l’équipe (Reiser, Choron, Gébé et Cavanna étaient encore vivants…). J’ai revu Cabu à Blois dans un forum où il m’avait invité à dessiner avec lui. Tignous faisait partie de ce que David B a appelé les réunions-cacahuètes chez André Igual dans les années 1980.

Farid Boudjellal a publié dans Charlie Mensuel dirigé par Wolinski

Face à la crise de la BD de ces années, nous voulions lancer nos propres supports. Il n’était pas encore à Charlie hebdo. J’ai fait la connaissance de Charb pour le lancement de la revue « Chien Méchant ». Luz m’avait invité à y collaborer.

Quant le FN a remporté la Mairie de Toulon, je les ai tous revus pour le lancement de l’album « Charlie hebdo saute sur Toulon ».

Le seul que je ne connaissais pas alors, c’était Honoré. J’ai fait sa connaissance il y a deux ans. Nous faisions partie du même jury pour la remise des diplômes à l’école Jean-Trubert (Arc en Ciel). Nous avons passé une journée ensemble. Un homme charmant. Pour les auteurs de ma génération, Hara-Kiri, Pilote et Charlie hebdo et mensuel sont décisifs. Ils nous ont ouverts des portes où nous nous sommes engouffrés. Ils sont à l’origine de la bande dessinée actuelle. Ils nous ont appris à dessiner sans fioriture en privilégiant l’idée.

Comment dans votre entourage, on réagit face à cette situation ?

Ma famille, mes amis, mes voisins sont naturellement bouleversés. Je reçois beaucoup de messages de gens que je vois rarement qui me présentent leurs condoléances. Ils considèrent que les dessinateurs sont une grande famille. Des gens que je connais à peine éclatent en sanglot. C’est un climat étrange, déroutant…

Chien Méchant où Farid Boudjellal rencontre Charb
DR

Le conflit israélo-palestinien a encore servi de prétexte. Comment sortir de ce fatras ?

Si j’avais la solution, je la communiquerais au plus vite aux belligérants.

Est-ce que la solution est politique ?

Pour l’instant, les politiques se déchirent sur le cadavre encore chaud de Charlie Hebdo. Je fais partie de la génération de la première Marche pour l’égalité. Nous rêvions d’un monde meilleur, nous nous revendiquions Français. Nos revendications étaient paisibles, joviales et ludiques. Qu’ont fait les politiques de ces aspirations pour que nous en soyons là ? Il est temps de leur poser la question. Tout reste à reconstruire. Comment ressouder des liens avec une jeunesse déstructurée et nihiliste. Les politiques ont une responsabilité énorme, totale.

Pour vous, artistiquement, il y a un après "l’attentat de Charlie Hebdo" ?

Charlie a été touché profondément. Il va continuer à paraître sous ce titre. Il sera peut-être bon, peut-être nul mais il ne sera plus jamais le même. Charlie hebdo est mort, vive Charlie hebdo !

Propos recueillis par Didier Pasamonik

Dessin inédit en hommage à Charlie Hebdo
© Farid Boudjellal
Documents

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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4 Messages :
  • Charlie Hebdo n’est pas mort, absolument pas , on l’a scalpé croyant le décapiter mais la taille du tronc ne fera que régénérer la sève et renforcer les racines, les défourailleurs illuminés croyant l’atteindre en seront pour leurs frais. L’arbre promet déjà de multiplier les belles feuilles sur des branches qui en porteront fièrement les fruits juteux,acides, âpres,énormes, savoureux, comme de bien entendu.Pas un pouce de terrain ne sera cédé dans cette affaire. Un arbre maintenant revivifié déjà centenaire, pour le moins, porteur d’une vision du monde irréductible et reparti pour au moins un siècle. Oui au moins.

    La petite charge contre les politiques fait sourire-c’est déjà ça-comme si les choses étaient si simples. Si une marche ,aussi longue soit-elle, suffisait à changer le monde il y aurait plus de ventres plats et de cuisses galbées dans ce sinistre monde.

    Ce dessin avec cette dédicace de prière est pour le moins curieux dans le cas qui nous occupe ici, ce n’est pas une question d’obédience mais le fait que les curés, quels que soient leurs livres saints, et leurs ouailles devraient nous laisser tranquilles encore pour un instant.

    Il n’y a rien de personnel à l’encontre Farid Boudjellal dans cette assertion.

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    • Répondu par Pic le 11 janvier 2015 à  19:14 :

      Farid fait le dessin qu’il veut pour témoigner de sa douleur.
      Je la sais intense.

      Je suis partiellement d’accord avec lui sur la responsabilité des politiques face au rejet bien réel, par la société française, de sa jeunesse 1re, 2e et 3me génération d’enfants d’immigrés.
      Pour eux je dirais : on mesure le niveau du respect des droits fondamentaux en société à la façon dont on respecte le droit des femmes dans son foyer. Lire l’article de Jeanette Bougrab au Parisien.

      Mais je répète que l’image d’un pieux musulman qui prie pour ses amis lâchement assassinés ne me choque pas.
      C’est aussi une façon de rappeler l’évidence : ne pas confondre religion et extrémisme. Surtout aujourd’hui.

      Lui demander de taire sa peine, dans l’expression qu’il a choisie est odieux.

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      • Répondu par La plume Occulte le 11 janvier 2015 à  21:13 :

        Farid Boudjellal a bien sûr le droit de faire le dessin qu’il veut,et moi le même droit de dire ce que j’en pense.Libre à vous de trouver ça odieux.Vous qui ne vous gênez pas pour le donner ,votre avis.

        Je n’ai jamais nié l’intensité de sa peine,que je respecte.Pour la partie "politique" ,les mécanismes qui rejettent une partie de la population vers le bas n’ont rien à voir avec l’immigration : une partie de la population "pure souche" ,pour faire une image, est tout aussi rejetée.L’aspect immigration est un facteur aggravant pas une cause véritablement définie .Evidemment s’appeler Mamadou ou Karim aide moins en général ,s’appeler Nam passe déjà un peu mieux mais pas autant que s’appeler Gontran ou Ambroise.C’est pas forcément nouveau.Mais les Mamadous et les Karims qui ont l’assise sociale pour fréquenter des Gontrans et des Ambroises ont déjà moins de problèmes d’intégration, voire pas du tout.Et ça non plus c’est pas vraiment nouveau,la myopie et la victimisation communautariste n’aident pas beaucoup non plus dans l’affaire.Les politiques de leurs côtés ont finalement peu de moyens pour vraiment changer les choses,les mécanismes se remettent très vite en place,plus un pays s’endette moins il a de marge de manoeuvre pour lutter.

        Les femmes en prennent plein la gueule dans pas mal de milieux,loin d’être tous musulmans ou pauvres,et dans une bonne moitié du monde naître femme est la pire chose qu’il puisse arriver,il vaut mieux être le chien.Vous n’êtes pas mauvais non plus pour les amalgames monsieur l’empathique .

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        • Répondu par Pic le 16 janvier 2015 à  19:51 :

          1) ça reste odieux d’avoir demandé à Farid "qu’il vous laisse tranquille encore quelques instants" quand il produit ce dessin
          2) je ne fais pas d’amalgame, je parle sans généraliser en citant un article de Jeanette Bougrab au propos de discuter sur la phrase de Farid quand il dit que la responsabilité des politiques est totale
          3) arrêtez de vous regarder écrire, on croirait lire le maire de Champignac sous mauvais acide

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