Nous l’évoquions récemment à l’occasion du remplacement des Centres Leclerc par la FNAC et la SNCF au titre de sponsors principaux du Festival : cet évènement n’est qu’un des signes avant-coureurs des changements profonds qui s’opèrent en ce moment sur les bords de la Charente.
Le Festival en prend pour dix ans
Le premier concerne le Festival. L’association qui gère le Festival depuis 35 ans, composée d’environ 70 membres pour la plupart angoumoisins se rendait compte qu’une réforme structurelle était nécessaire pour accompagner le développement d’un marché de la BD qui a pris en quelques années des proportions ahurissantes, notamment grâce à l’expansion des mangas. L’affaire Thévenet, mais surtout les travaux survenus sur le site du Festival ces dernières années, ont montré la fragilité de cette structure qui supportait également de moins en moins les pressions contradictoires des institutionnels, des sponsors et des éditeurs.
En choisissant de confier à un nouvel opérateur, « une société privée à vocation culturelle et but non lucratif », dirigée par Franck Bondoux, l’actuel délégué général du Festival nommé après la mise à pied brutale de l’ancien directeur Jean-Marc Thévenet, pour une durée apprend-t-on de dix ans, l’association assume une décision lourde de conséquences : sur cette structure et elle seule reposera la responsabilité de développement du Festival. Suivant quelle stratégie, avec quels objectifs ? On le saura bientôt puisqu’une conférence de presse est prévue lors de ces prochaines semaines dans laquelle nous seront exposées les actions destinées, si l’on en croit l’invitation, à « contribuer à promouvoir, à une échelle sans précédent, la création foisonnante de la bande dessinée, porter, avec des capacités nouvelles, la lecture de la bande dessinée auprès du plus grand nombre, apporter une dynamique inédite à la relation avec les auteurs et les éditeurs de bandes dessinées ». Voilà qui est alléchant ! Ce déploiement reposerait notamment sur les deux nouveaux sponsors, la SNCF et la FNAC.
Le CNBDI, la Maison des auteurs et le Musée de la BD dans le même bateau
L’autre réforme structurelle d’importance est la mise en œuvre du fameux EPCC [1], l’Établissement public de coopération culturelle annoncé par le rapport Ladousse. Selon le quotidien Sud-Ouest, « au 1er janvier 2008, le Centre National de la Bande Dessinée et de l’Image (CNBDI) et la Maison des auteurs vont disparaître et se fondre dans l’EPCC, qui chapeautera également le futur musée de la BD, actuellement en construction sur les bords de la Charente » [2]. Une disparition plus structurelle que réelle puisque chacune des entités continuera à fonctionner sous son identité propre.
Le quotidien régional précise que « Le conseil d’administration de la nouvelle structure sera officiellement installé le 25 septembre, lors d’une réunion dans les grands salons de la préfecture. » il est composé de onze personnes : quatre représentants du Conseil général (Michel Boutant, Philippe Lavaud, François Bonneau et Franck Bonnet), deux représentants de l’État (le préfet et le directeur des affaires culturelles), deux représentants de la ville (le maire Philippe Mottet et l’adjoint au maire Jean Mardikian), un représentant du Conseil régional (Daniel Opic) et deux personnalités qualifiées (pour le Conseil général et la Comaga [3]). Cette session devrait aboutir à l’élection d’un président qui pourrait être Jean Mardikian, l’actuel président du CNBDI et l’un des trois fondateurs du Festival d’Angoulême.
À terme, cet EPCC devrait se doter d’un directeur général. 24 candidats seraient sur les rangs, 6 seulement auraient été retenus parmi lesquels l’ancien directeur et fondateur du Musée d’Angoulême, Thierry Groensteen, actuellement éditeur de la collection L’An 2 chez Actes Sud. Toujours selon les mêmes sources, l’actuel directeur du CNBDI, M. Jean-Marie Compte, est donné pour partant.
Un conseil d’administration complexe, véritable terrain de jeu des appétits politiques, qui demandera au directeur pressenti non seulement un sens aigu de la diplomatie et des équilibres nationaux et régionaux, mais aussi une intelligence fine des enjeux et des lignes de forces qui devront être celles des institutions angoumoisines dans le cadre de l’évolution de la bande dessinée dans le futur. Une gageure !
Magelis actuellement sans dirigeant
Troisième réforme et de taille : celle de Magelis. Ce syndicat mixte regroupant acteurs industriels locaux (sociétés de dessins animés, acteurs de l’industrie de l’image...) et décideurs politiques, véritable fer de lance de la Vallée des images est en ce moment sans direction (sa patronne, Hélène Djilas, est partie et n’a jusqu’à présent pas été remplacée) et apparemment dans la recherche d’une stratégie puisque, toujours selon Sud-Ouest, une étude de positionnement avait été commandée et s’est trouvée suspendue à la mise en place de l’EPCC en janvier prochain. Le président du Conseil général, M. Michel Boutant a néanmoins précisé que sa ligne de direction restait la même, orientée dans le développement à Angoulême de films d’animation et de fictions TV.
On le voit, la vie n’est pas simple dans la cité charentaise. Les mutations qui se mettent en place sont profondes et importantes. Les options prises sont lourdes de conséquences. Il n’y a plus à espérer qu’elles soient les bonnes.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
En médaillon : La mairie d’Angoulême en janvier dernier. Ph : D. Pasamonik.
[1] Acronyme d’Etablissement Public de Coopération Culturelle. Cette forme avait été proposée par le rapport Ladousse pour concilier les relations entre le Festival et les institutions angoumoisines liées à la bande dessinée. Le FIBD avait décidé de ne pas rejoindre cette structure. Lire à ce propos nos articles Angoulême 2006 : Un 33ème Festival à haut risque ? et notre interview du président du FIBD, Francis Groux.
[2] Un secteur animé, article d’Olivier Sarazin, Sud-Ouest, 19 septembre 2007.
[3] Organisme représentant l’agglomération d’Angoulême.
Participez à la discussion