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Fille de rien - par Sylvain Ricard & Arnü West - Futuropolis

Par Marie M le 28 juin 2007                      Lien  
Fille de rien, triste expression ! Nous sommes en 1944 près de Lyon, c’est la fin de la guerre officielle. L’autre, la guerre d’épuration commence, la guerre menée par les hommes, les héros, ceux qui se sont battus pour libérer leur pays et ne pas sombrer dans la soumission, ceux-là mêmes reprennent le fusil et tuent les hommes et rasent les cheveux des femmes.

Pas de discours, pas de jugement, pas de pardon, non, des tirs, des poteaux, des exécutions sommaires sans discussion.

Des traîtres ou supposés l’être, il ne restera plus que des morts, des souvenirs et les pleurs de leurs familles. Des femmes, de leurs combats, de leurs sentiments voire de leurs enfants nés de cette guerre avec ou sans amour, il ne restera que ces images d’elles, assises sur les bancs, tondues comme du bétail, humiliées, silencieuses face à cette foule hagarde, folle d’excitation stimulée par un besoin de vengeance.

La place publique est bondée, les femmes sont livides, leur silence, leur regard rempli d’incompréhension et de fatalisme pèse lourd et Arnü West, le dessinateur, parvient parfaitement à faire ressortir la tension et l’injustice dans ses cases. Quelques planches sont magnifiques et son style réaliste est plutôt intéressant. Les émotions sont perceptibles selon les expressions qu’il donne aux visages mais pourtant il manque un petit quelque chose à l’ensemble. Fille de rien est un récit innovant, courageux ; il traite d’un sujet qui n’a jamais été réellement abordé en BD à notre connaissance, mais l’innovation est un exercice difficile et la narration est trop rapide.

Fille de rien - par Sylvain Ricard & Arnü West - Futuropolis

Bien que très agréable, la lecture laisse donc un sentiment d’inachevé. On en aurait voulu plus, on aurait aimé que le scénario soit plus virulent, plus audacieux, qu’il montre plus la hargne et les montées de colère provocant les actes d’épuration. Sylvain Ricard a dosé le dialogue, maintenu des silences alors que le thème aurait volontiers supporté plus d’expression de révolte notamment d’ailleurs grâce à l’aide d’un lettrage plus irrégulier que celui choisi, beaucoup trop sage, beaucoup trop lisse, ne laissant pas aller les hausses de ton, n’exprimant pas assez l’ampleur des terreurs et des douleurs.

Le choix des auteurs de faire de ce livre une saga familiale plutôt qu’une page plus authentique de l’Histoire est à double tranchant.

L’album reste très agréable à lire, il est inventif et le dessinateur laisse une empreinte personnelle forte. C’est le point positif. Mais il laisse également supposer une réalité brutale qui n’est pas au rendez-vous. De même la maquette de couverture frappe et ôte la subtilité du dessin avec l’imposition d’un titre agressif, par sa couleur et par sa taille, réduisant trop le champ de solitude dans lequel est plongée cette femme. L’espace vide aurait du lui être consacré.

Bon album qui plaira aux amateurs du genre et aux nostalgiques de films d’après-guerre. Ah, ce qu’on est exigeant quand on aime !

(par Marie M)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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