Si Flaubert était Madame Bovary, Florence Cestac est-elle Harry Mickson, son premier personnage-fétiche créé pour les éditions Futuroplis ? Elle en a le nez rond et le physique rigolo, mais elle vaut bien plus que cette parodie de privé gaffeur. On pourrait croire que son dessin est une aimable démarque de l’univers graphique américain, situé entre le Segar de Popeye et le Floyd Gottfredson de Walt Disney…
Ce n’est pas faux, mais l’examen des planches exposées à la galerie Martel jusqu’au 15 octobre nuance le propos, à y regarder de près : On y voit, derrière le coup de pinceau rond, des influences franco-belges dans la qualité de sa documentation et dans son approche narrative, et puis un peu de l’underground de Crumb dans la façon rigolarde d’appréhender la réalité.
Cestac, vous connaissez, forcément : c’est Le Démon de Midi avec Michèle Bernier, une pièce de théâtre puis un film à succès tiré de sa BD éponyme. Mais à considérer la production de celle qui fut la créatrice des éditions Futuropolis aux côtés d’Étienne Robial, qui compte près de cinquante albums au compteur dont certains signés Daniel Pennac, Tonino Benacquista ou Jean Teulé, celle qui fut la seule femme à avoir jamais remporté le Grand Prix du Festival International d’Angoulême en 2000, celle enfin qui créa le Prix d’humour Charlie Schlingo, on voit se dégager des cohérences.
Elle affiche un certain nombre de motifs récurrents : un féminisme affirmé face à l’attitude beauf-macho de certains hommes, un amour de la bande dessinée et des littératures de « mauvais genre », comme le polar.
Elle y exerce aussi un regard acéré, enjoué, sarcastique sans être jamais méchant, certes empreint de nostalgie pour cette France de naguère, mais toujours critique, également porteur des valeurs d’une génération qui a connu la liberté sexuelle, la politisation passionnée de Mai 68 et les espoirs d’une gauche arrivant au pouvoir.
Elle revient lors de cette rentrée sur un thème qu’elle avait déjà exploité avec René Pétillon dans Super-Catho : les institutions religieuses.
Filles des Oiseaux (Ed. Dargaud), un récit d’inspiration autobiographique, explore le destin de deux jeunes filles dans un pensionnat de bonnes sœurs dans la France des années 1960. C’est drôle, d’actualité (les religieuses, ces autres femmes voilées…) et, comme toujours chez Cestac, cela ne se prend jamais au sérieux.
Idem dans l’intégrale Harry Mickson & Co (publication en octobre) qui reprend ses plus anciens travaux, une parodie des romans et des bandes dessinées de genre bien caractéristique des années 1980. Avec ce bonus : on voit comment son style, répondant aux maquettes noires d’Étienne Robial perd une certaine plasticité poseuse au profit du seul plaisir de dessiner et de rire.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Le site de la Galerie Martel où Florence Cestac expose du 16 septembre au 15 octobre 2016. Pour l’occasion, la dessinatrice sera en dédicace le samedi 17 septembre de 15 h à 18 h. Le vernissage de l’exposition aura lieu, quant à lui, le jeudi 15 septembre à partir de 18 h 30.
Le site de Florence Cestac
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