Pour Toshiro, la vie est un enfer. Sa mère est atteinte d’une maladie mentale qui la rend sujette à des crises d’ultra-violence durant lesquelles elle menace de le poignarder. Et il ne gagne pas assez d’argent avec ses petits boulots pour couvrir le loyer, les médicaments, et les dépenses inévitables comme la nourriture et la taxe sur l’oxygène.
Pour mettre un terme à son calvaire et gagner enfin une somme d’argent suffisante pour soigner sa mère, il se tourne vers la végétalisation, procédé permettant, contre rémunération, de se transformer lentement en plante, qui peut ainsi générer de l’oxygène et de l’air pur pour assurer la survie de l’espèce.
Demeurer soi-même ou renoncer et embrasser le règne végétal : telle est la question.
Lutte des classes et botanique
Si vous avez le moral en berne, passez votre chemin : Fool Night n’est pas là pour remonter le moral et réchauffer les cœurs. La faute principalement à son atmosphère étouffante et glaciale : le monde dans lequel on évolue est privé de soleil depuis des années, affectant le bien-être et l’optimisme général des protagonistes. En sus, les inégalités économiques ravagent la société : le ton est donné.
La dimension dystopique de la série est néanmoins tempérée par les fulgurances poétiques et la puissance des dialogues. La mort et la souffrance sont banalisées et quotidiennes, le deuil prend une toute autre dimension quand l’être mort est en cours de végétalisation et "survit" sous une forme de plante. Si l’ambiance générale du titre est donc assez sombre voire glauque, les thèmes abordés laissent, de façon surprenante, de la place à un certain optimisme ou à une chaleur, à laquelle tendent les personnages sans jamais l’atteindre.
Le dessin est splendide, peut-être un peu timide dans la représentation des personnages et des visages parfois à peine esquissés, mais l’auteur a un talent indéniable pour poser des ambiances, par l’architecture notamment. Imposante et futuriste, industrielle, mais accordant une place de choix aux végétaux, la ville entière devient une espèce de cimetière géant quand on comprend que toutes les plantes et arbres sont d’anciens humains qui ont renoncé.
Fool Night est un titre étonnant et inattendu, au thème et au rythme assez atypique dans le paysage actuel du manga. Pas exempt de défaut, il reste néanmoins suffisamment intrigant pour qu’il vaille la peine de le lire, et on ne demande qu’à être encore plus séduit par les opus à venir. Affaire à suivre donc, silence ça pousse...
(par Jaime Bonkowski de Passos)
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Fool Night - par Yasuda Kasumi - Glénat manga - 04/05/2022 - 228 pages - 7€60