Fraise et chocolat c’est frais et chaud. C’est Fred et Chenda. C’est stupre, heurts et tremblements. C’est l’amour dure sept ans, sublimé par une série de coïts racontés avec candeur par Aurélia Aurita.
Lorsque le premier tome de Fraise et chocolat sort en 2006, c’est la surprise générale. Comment une auteure de 25 ans ose-t-elle livrer avec autant d’impudeur son histoire sentimentale et sexuelle avec son compagnon de 20 ans son aîné ? Les critiques et le public sont pourtant conquis par l’audacieuse, en témoignent les dizaines de papiers et d’interviews qui fleurissent sur cette bande dessinée inattendue, avec passage au Grand Journal en prime.
Le second tome lui emboîte le pas en 2007 et continue de conter la relation intense entre Chenda (Hakchenda Khun) et Frédéric Boilet. Le sexe y conserve sa place centrale, dans une valse solaire des deux amants, digne des shunga du Japon du XIXème siècle et d’avant. On retrouve en effet dans les albums d’Aurélia Aurita cette sexualité sainement débridée, sans tabou mais avec respect, d’où la tendresse des amoureux ne craint jamais d’émerger. On vous en parlait déjà très bien ici .
Ce que beaucoup ont oublié, c’est qu’il s’agit avant tout d’une histoire d’Amour, non dénuée d’humour, certes, mais avec des cœurs et des pleurs tout partout. Et comme ses consœurs, elle finit mal en général. D’où ce goût suret pris par la bande dessinée avec les années. Lors de la première édition, Aurélia Aurita était heureuse de chanter son amour pour Frédéric Boilet, tout en rondeur et en simplicité, avec un trait minimaliste ne s’attachant qu’à saisir la vitalité les mouvements des personnages. Des corps. Pas de décors.
Les années ont passé. L’histoire s’est terminée. Quelque part dans les limbes de 2012. Peut-être 2011. Plus de fraise. Plus de chocolat. Jusqu’à ce que Les Impressions nouvelles décident de ressortir de leurs cartons ces traces d’une mémoire encore vive. Celle de l’auteure en tout cas se souvient très bien. La rencontre avec Frédéric Boilet, auteur déjà renommé de bandes dessinées, la passion, l’exil au Japon, le retour forcé en France, les Vosges, la séparation, Laia Canada la nouvelle passion de son ex, 286 jours la nouvelle création de son ex.
Car, hasard de calendrier, il a fallu que le roman photographique de Laia Canada et Frédéric Boilet sorte début 2014, quelques mois avant la réédition de l’intégrale Fraise et chocolat, chez le même éditeur. Dans son épilogue, l’auteure pousse l’intimisme jusqu’à se représenter en train de feuilleter le livre de "Frédéric", en redessinant les photos, en digérant encore le propos. De l’encre a coulé sur les planches. Aurélia Aurita a publié Je ne verrai pas Okinawa, Buzz-moi, Vivi des Vosges, Lap. Elle se dit qu’il est temps de tourner la page. Et cela sonne comme une ultime suggestion au lecteur, rejoignant ce que Joan Sfar écrivait dans la préface du premier tome : "On lit ça, on est content pour eux. Ensuite on referme. Et on s’en va sur la pointe des pieds."
(par Sarah COLE)
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