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François Pernot (Media-Participations) : "On ne peut pas trouver de meilleur partenaire que Media-Participations en Europe."

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 mars 2014                      Lien  
Le Groupe Media-Participations vient de signer à l'occasion du Salon du Livre de Paris une joint-venture avec le groupe chinois Comicfans dans le but de développer ensemble une activité de diffusion de manhua (BD chinoise) en Europe et dans le monde. Rencontre avec François Pernot, l'artisan de cet accord stratégique.

Quelle est la nature de l’accord passé avec les Chinois ?

Nous avons créé une société en commun qui va développer la diffusion du manhua ailleurs qu’en Chine. Les Chinois ont une culture extraordinaire, une culture graphique extrêmement intéressante. J’ai eu la chance de rencontrer un éditeur exceptionnel, Jin Cheng, qui est le fondateur de Comicfans, également fondateur du Prix du Dragon d’Or et du Festival de Guangdong. Nous avons décidé d’amener, de manière très progressive, prudente, avec une sélection éditoriale impitoyable et de la création, une forme de bande dessinée qui n’est certainement pas celle que nous faisons en Francophonie, ni celle que font les Japonais ou les Américains, mais une bande dessinée propre à la culture chinoise.

François Pernot (Media-Participations) : "On ne peut pas trouver de meilleur partenaire que Media-Participations en Europe."
Jin Cheng, le patron de la société Comicfans

Qui sera l’opérateur éditorial de cette structure ?

L’éditeur et propriétaire de Comicfans, Jin Cheng, et nous avons toute une structure française qui va travailler avec lui.

C’est une joint-venture ?

Absolument, à 50-50.

Il y a également sur la Chine des projets de dessins animés...

Nous avons beaucoup de projets en Chine, cela fait 20 ans que nous y vendons des droits de bande dessinée. Depuis plus longtemps que cela, nous produisons de l’animation avec les Chinois, et pas forcément avec les mêmes partenaires. Nous avons plusieurs partenariats en cours.

Est-ce que c’est la réponse du berger à la bergère en direction des Japonais ?

Non, pas du tout, parce que notre activité avec les Japonais est en gros développement. Les gens ne voient que ce qui se passe sur le papier, mais il ne faut pas oublier que Media-Participations est le premier distributeur de dessins animés japonais en Europe, et ça marche de mieux en mieux. Nous sommes aussi sur le jeu vidéo, nous avons des joint-ventures avec d’autres types de sociétés japonaises, à travers nos filiales Hanuman et Gravity, avec des tas de choses...

Il n’y a donc pas de berger et de bergère : il y a des pôles de création exceptionnels qui ont tous des identités propres, des valeurs spécifiques, et Média-Participations qui se veut un projet patrimonial d’abord de création, mais aussi de diffusion, est présent sur ces positions.

Grâce à Urban Comics qui cartonne ces derniers temps, nous avons un partenariat très fort avec Warner, et nous allons encore le développer. À partir du moment où les contenus sont de valeur, qu’on les édite ou qu’on les diffuse, que nous les produisions ou que nous les "packagions" pour le marché, ce qu’a priori nous savons faire grâce à ce que l’on a appris avec la bande dessinée, puis avec des productions qui ont été conçues ailleurs, comme les mangas ou des Daily Strips comme Garfield que nous exploitons depuis très longtemps, on ne peut pas trouver de meilleur partenaire que Media-Participations en Europe, que ce soit au travers de Dargaud, Dupuis, Le Lombard, Kana, Urban Comics...

C’est une démarche globale qui s’inscrit toujours sur le patrimoine, la création, les auteurs,... avec un respect absolu du consommateur parce que quel que soit le domaine, je ne pense pas qu’il y ait un lecteur, un joueur ou un auditeur qui dise que l’on a proposé au marché quelque chose qui n’ait pas été bien édité ou produit au départ.

François Pernot est le Directeur Général du Pôle Images de Media-Participations, en charge des sociétés Dargaud-Lombard, Dupuis, Belvision, Lucky Comics, Studio Boule & Bill, Ellipsanime, Citel Video, et Mediatoon.

Il y a un tassement de la production sur le marché francophone, mais la bande dessinée a l’air de tenir encore la route dans le secteur du livre...

Elle n’a jamais été aussi tonique. C’est dû au fait que c’est un média qui est dans sa pleine maturité, qui a la chance, à travers la Francophonie -j’insiste sur ce mot : sur la langue française, bien sûr, mais à travers plusieurs pays- d’avoir une richesse et une diversité qui lui permettent de se remettre en cause. Vous avez pour l’instant trois grands foyers de bande dessinée dans le monde : les États-Unis, le Japon et la Francophonie. Celle-ci est incroyablement plus diverse, plus interpellante, plus variée, plus créative que les autres. C’est pour cela que la bande dessinée, même si elle doit faire face à des défis, s’adapter, faire preuve de créativité, de réactivité par rapport aux comportements numériques, etc., a des atouts qui font qu’elle est en excellente santé. Mais comme pour toute activité concurrentielle, il faut faire preuve d’une excellence de plus en plus adaptée et forte à proposer. Autrefois, on pouvait publier une bande dessinée plus ou moins aboutie, aujourd’hui, c’est compliqué quand même...

Est-ce que les auteurs qui nous lisent doivent avoir peur de ces Chinois qui vont arriver sur notre marché grâce à vous, qui nous "envahissent" ?

Au contraire. La qualité et la diversité, c’est ce qui fait qu’un marché se développe. Vous en enlevez une des deux, et le marché est mort !

Le succès des mangas dans nos contrées a un peu fait la démonstration que cette "concurrence" pouvait être un relais de croissance pour le marché en général.

Exactement. Bien sûr, la puissance des groupes qui les produisent fait qu’ils survivent à travers la multiplication de spin-offs, de dérivés ou à travers d’autres produits mais, fondamentalement, c’est au niveau des créateurs que cela va se passer.

Les créateurs ou les auteurs, d’où qu’ils soient, à partir du moment où ils rencontrent ce que nous sommes, c’est à dire des partenaires qui vont les aider à faire de leurs créations quelque chose qui a une vraie chance de trouver le public auquel ils s’adressent, eh bien, ils vont se mettre à inventer des choses pour les générations de demain.

Imaginer que l’on puisse se réfugier derrière un petit rideau de piquets de bois pour résister au Tsunami mondial, cela ne marchera pas, au contraire, il faut faire en sorte que les créateurs de tous les pays se disent : "Wow ! En Francophonie, il y a des gens qui savent s’occuper de création et c’est grâce à eux que nous pourrons exister dans le monde". Ce n’est pas du tout une menace pour les créateurs francophones : français, belges, suisses, québécois et les autres, ou tous les autres créateurs européens, au contraire.

Sur un horizon de dix ans, l’activité de Media-Participations sera plus sur le papier ou sur les écrans ?

Elle sera dans la création patrimoniale, la création à long terme. Suivant les endroits, suivant les pays, elle n’aura pas forcément les mêmes expressions. Dans l’univers francophone, elle sera, quoiqu’il en soit, essentiellement de la bande dessinée, mais pas seulement. Cette bande dessinée sera sur du papier, je suis absolument convaincu qu’elle y a une pérennité, mais elle ne sera pas que sur du papier ! Si on veut que le papier survive, il faut permettre à des gens de découvrir nos créations peut-être ailleurs pour les amener au papier ! C’est ce qu’il faut qu’on se dise, ce sur quoi je travaille et j’investis.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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- Dargaud et le Chinois ComicFans s’unissent dans Urban China

Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

 
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