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Frano Petruša ("Meilleurs Vœux de Mostar") : "Mes trois héros ont le même dieu : le basketteur Michaël Jordan !"

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 30 octobre 2012                      Lien  
Avec ses aquarelles lumineuses, Frano Petruša nous avait déjà séduit dans Guerre & Match (Ed. Dargaud). Il vient de faire paraître "Meilleurs Voeux de Mostar", un album délicat qui tourne autour de ses souvenirs d'enfance dans une ville qui n'a pas encore été défigurée par la guerre. Nous évoquons avec lui ces instants fragiles.
Frano Petruša ("Meilleurs Vœux de Mostar") : "Mes trois héros ont le même dieu : le basketteur Michaël Jordan !"
Meilleurs Vœux de Mostar - Par Frano Petruša - Dargaud

C’est votre deuxième album en France. Comment avez-vous rencontré votre éditeur français ?

J’ai rencontré Thomas Ragon, il y a dix ans exactement à Zagreb, lors d’une rencontre des éditeurs français avec les auteurs croates à l’Institut Français. J’étais accompagné par Csaba Kopeczky, mon agent. Thomas Ragon s’est vraiment investi pour comprendre la scène croate. il a passé un quart d’heure avec chacun des auteurs pour regarder leur travail et les conseiller éventuellement. À l’époque, Thomas travaillait pour les éditions Delcourt. J’étais étonné que quelqu’un vienne de Paris jusque chez nous et vienne nous parler de ce métier sur des bases professionnelles. Cela m’a beaucoup marqué.

Pourquoi mettez-vous huit ans avant d’être publié en France ?

Thomas m’a proposé une collaboration avec un scénariste français, à l’essai. Mais, à l’usage, l’exigence était telle au niveau des détails, de l’investissement dans le projet, que j’ai jeté l’éponge. Nous nous sommes ensuite perdus de vue.

Guerre & Match de Frano Petruša - Ed. dargaud

Quelques années plus tard, je retrouve Thomas Ragon au Salon international du livre pour la jeunesse de Bologne, en Italie. Là, je lui ai montré le début de mon premier album personnel, Guerre & Match. Il était un peu réservé et m’a demandé de lui envoyer les premières planches. Sans trop de conviction, m’avait-il semblé...

L’année suivante, nous nous retrouvions de nouveau. Cette fois, j’en étais à la moitié de l’album. Thomas m’a demandé de lui envoyer l’histoire traduite avec ces nouvelles planches. Il m’a recontacté en me demandant de rajouter encore une quinzaine de planches. Cela s’est passé lentement, sur plusieurs années. Entretemps, j’ai eu mon deuxième enfant, puis mon troisième... Mais mon premier album a fini par être publié. Pour vivre, je fais de l’illustration, du storyboard, des livres pour enfants, de la publicité. Je n’arrête pas de bosser, pour la Croatie, pour l’Angleterre,...

Votre premier album, Guerre & Match, raconte une histoire de basket en pleine guerre. Ce sont des souvenirs personnels ? Quand on voit votre taille (Frano mesure plus de deux mètres), on l’imagine...

J’ai été un joueur de basket professionnel. Mais cette histoire est celle de mon entraîneur. il me l’a personnellement racontée. Il était en Espagne dans une équipe professionnelle. Nous n’étions pas si proches, mais il se fait qu’il m’a raconté cette histoire qui m’a touché. Ce sont ses souvenirs de guerre à lui. Bien entendu, j’y ai glissé quelques détails personnels. Mais ce n’est pas autobiographique : la guerre, je ne l’ai pas vécue.

Frano Petruša à Paris devant une installation de Dunja Jankovic, lors du festival "La Croatie, la voici !" en septembre 2012.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Vous avez continué longtemps dans le basket pro ?

Non, j’étais en troisième division et, même si j’étais payé en tant que pro, je n’étais pas si motivé que ça. Peut-être même n’étais-je pas si bon... J’étais déjà très pris par le dessin, dès le début.

Dans Meilleurs Voeux de Mostar, vous êtes davantage dans un registre autobiographique.

Au moment de la Guerre de Croatie, j’étais à Mostar. Contrairement à l’album précédent, cette histoire se situe juste avant la guerre. Lorsque j’étais enfant, je ne comprenais même pas la différence entre serbe et croate. C’était confus pour moi.

Vous êtes né en 1977 à Zagreb. La Yougoslavie éclate en 1991 lorsque vous avez 14 ans. Quel effet cela fait d’être né dans un pays, la Yougoslavie, qui n’existe plus ?

Je suis un enfant de la pop culture. Cela ne m’intéresse pas de savoir qui est qui et qui fait quoi, toutes ces différences... Ce qui est paradoxal, dans ces histoires, c’est que mes grands-parents rêvaient d’une Croatie indépendante. Nous sommes entrés dans leur rêve, mais il est devenu un cauchemar. C’est pourquoi j’ai un point de vue critique. C’est l’histoire de mon peuple que je vous fais découvrir. Mes trois héros sont issus des religions musulmane, orthodoxe et catholique et ils ont le même dieu : le basketteur Michaël Jordan !

Guerre & Match de Frano Petruša
© Dargaud

La culture populaire peut-être remplacer l’idée de Dieu ?

Pour moi, c’est le cas. les pop stars sont les nouveaux saints. On les vénère de la même façon, irrationnelle.

Quelles sont vos influences graphiques ? On a l’impression que les mangas ne sont pas loin...

Non. Quand j’ai commencé, mes influences étaient d’abord celles des auteurs croates : Edvin Biukovic, Andrija Maurović, un auteur puissant qui m’influence encore beaucoup aujourd’hui. Comme raconteur d’histoires, incontestablement Darko Macan. Et puis... Astérix que j’ai lu dans un magazine publié à Belgrade.

Mon dessin est essentiellement issu de mon expérience dans l’animation, principalement dans la publicité. J’ai un projet de film en cours dans ce domaine qui attend encore le financement. Dans la nouvelle génération, j’aime beaucoup Bastien Vivès. C’est un grand dessinateur, vraiment intelligent. Il en donne peu, mais il est à chaque fois très juste. Il sait ce qu’il fait. C’est peut-être le meilleur auteur de bande dessinée d’aujourd’hui dans le monde.

Meilleurs Vœux de Mostar - Par Frano Petruša
© Dargaud

Quels sont vos projets ?

Une histoire personnelle, une fois encore, mais dans un registre moins réaliste, plus humoristique. C’est l’histoire d’un guerrier qui peut se battre contre n’importe quel ennemi, sauf contre sa femme !

Propos recueillis par Didier Pasamonik. Remerciements à M. Milos Ustulica de l’Institut Français à Zagreb.

Meilleurs Vœux de Mostar - Par Frano Petruša
© Dargaud

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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