Qu’est-ce qui vous a amené a raconter la vie parisienne de Mozart ?
Frantz Duchazeau : En lisant un petit livre sur Wolfgang Amadeus Mozart, je me suis rendu compte que malgré son génie, c’était un homme qui a beaucoup galéré dans sa vie, en dehors de son enfance. Il ne maîtrisait pas les codes de la société, il ne savait pas se vendre car il était souvent en décalage. Du coup, il a vécu en artiste lambda quasiment toute son existence. Et cela, c’est un aspect de sa vie qui est mal connu du grand public. Ce fut une découverte car cela a changé ma vision sur l’artiste. J’ai lu de nombreux livres, j’ai pu retrouver sa correspondance et entrer ainsi dans sa tête car ces documents étaient très bien écrits.
Il y a aussi tout le rapport avec ses parents qui était très compliqué. Sa mère a eu peu d’impact sur lui. Par contre, sa relation avec son père était complexe car c’est lui qui l’a façonné tel un diamant. Il y a la question de la transmission, tout en essayant de s’affranchir de lui. Ce sont des aspects qui ont donné de la chair au récit.
Un de ses mentors l’encourage à apprendre les codes de la haute société parisienne. Il lui explique qu’il y a tant de musiciens médiocres qui ont pourtant fait fortune.
Au début, Mozart pensait que son seul talent parlerait pour lui mais il va vite se rendre compte que ce ne sera pas le cas. Et les choses se compliqueront lorsque son père ne sera plus là. Mozart se retrouvera démuni et aura bien du mal à émerger dans son métier. De plus, il était petit de taille et avait une grosse tête. Ses contemporains le prenaient pour un nain... bref, il n’avait pas un physique avantageux. Et aujourd’hui comme hier, avoir un physique agréable est souvent perçu comme un avantage sur le marché du travail. Son père en avait bien conscience et cela le préoccupait. Dans une correspondance, il explique se préoccuper du peu de prestance de son fils. Cela dit tout. Son père savait que dans ce monde-là, il fallait en imposer physiquement. C’est pour cela qu’il le bombardait de lettres afin de l’avertir sur l’importance de l’image qu’il renvoyait aux autres.
Parlez-nous de la vie sentimentale de Mozart. Comment était-il avec les femmes ?
Mozart était amoureux d’une cantatrice nommée Aloysia Weber [1] dont il admirait la voix. Généralement, ses amours avaient un lien avec la musique. Le physique de ces dames entrait rarement en ligne de compte pour Mozart, même s’il faut bien reconnaître qu’Aloysia était une belle femme. Mozart, quant à lui, changeait beaucoup physiquement et généralement, ce n’était pas en bien...
Concernant sa vision des femmes, il disait lui-même n’avoir rencontré que “des femmes du monde” à Paris. Les femmes n’étaient considérées que comme des objets de décors à cette époque-là.
Que représente Paris dans la vie de Mozart ?
Paris représente un basculement qui va complètement changer sa manière d’aborder et de faire de la musique. Il se rend compte que l’on ne l’attend plus, qu’il a grandi et qu’il n’est plus le mignon enfant prodige. Il prend conscience de la mort à cause du décès de sa mère, il a 21 ans donc autant dire qu’il avait déjà fait la moitié de sa vie [2] et qu’il ne composera plus jamais de la même façon. Il n’est plus dupe de rien car il a pris conscience de toute la comédie humaine, ce qui le mènera à composer ses plus grandes œuvres. Il ne sera plus jamais le même homme. À titre personnel, j’ai pris conscience que la période parisienne de Mozart fut un condensé de toute sa vie : une vie difficile. Après Paris, il se rendra à Vienne où il y vivra pendant dix ans, de 1781 à 1791. Et là aussi, il a galéré pendant trois ans dans cette ville ! Il n’a pas gagné plus d’argent que du temps où il vivait en France. Il a continué à se faire des ennemis car il était un “wunderkind” de la musique.
Quels sont vos prochains projets ?
Je travaille actuellement sur une BD qui se déroule pendant la Révolution française. Je m’intéresse à un peintre -auteur d’un crime- qui sera obligé de quitter Paris pour se réfugier dans une abbaye située dans une forêt afin d’échapper à la justice. Durant cette période, il sera malgré lui obligé de défendre les moines de l’abbaye alors qu’il est lui-même un anticlérical radical ! Cette BD traitera notamment de la relation que nous entretenons avec l’art. Cet album devrait paraître en 2020 chez Casterman.
Voir en ligne : Découvrez la série "Mozart à Paris" sur le site des éditions Casterman
(par Christian MISSIA DIO)
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Mozart à Paris, par Frantz Duchazeau, éditions Casterman. Album paru le 26 septembre 2018. 96 pages, 18,95 euros.
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[1] De son nom complet Maria Constance Cäcilia Josepha Johanna Aloysia Weber, mieux connue sous le nom de Constance Mozart, NDLR
[2] Mozart est mort à l’âge de 35 ans, NDLR