Le Hollywood des années 1930 en a fait rêver plus d’un. Harry Monroe est l’un d’eux. En 1929, il fait ses bagages et quitte le Kentucky, son père et le souvenir des tortures -parfois psychologiques, parfois physiques- pour Los Angeles, où il s’échine à devenir scénariste.
Un rêve vite ébranlé par le climat économique : le krach boursier est passé par là, et bientôt, Harry se voit obligé d’accepter un poste de quatrième assistant sur le tournage du film culte de Tod Browning, Freaks, la monstrueuse parade. Il comprend vite pourquoi il a obtenu si facilement cette place, et pourquoi personne n’a postulé : de fait, son rôle sera de "manager" les Freaks, les monstres de foire que Browning tient à faire figurer dans son film. Peu à peu, Monroe met le pied dans une gigantesque machination, entre trafic de drogue et orgies infernales, qui se trame derrière les belles façades de Hollywood...
L’ambiance du scénario de Fabrice Colin, romancier quatre fois lauréat du Prix de l’Imaginaire et déjà auteur de roman noir, nous transporte dans le Los Angeles du début des années 1930. On découvre les studios hollywoodiens à travers le regard d’abord ébahi, puis désabusé de Harry Monroe.
L’association de Colin et de l’illustratrice jeunesse Joëlle Jolivet, qui signe sa première bande dessinée, fait des étincelles sur la pellicule : son trait naïf, presque enfantin, combiné à ses couleurs obsédantes et ses grands contrastes, donne à tout l’album une ambiance de polar. Polar dans lequel on plonge en même temps que Harry, dont l’innocence - le trait brut de Jolivet - est peu à peu pervertie par la noirceur de l’envers du décor hollywoodien.
La thématique de la monstruosité est abordée sans pudeur. Harry, dont la main droite a été scarifiée à vie par l’une des punitions de sa mère, se sent plus proche de certains freaks que des autres personnages, manipulateurs, violents, hypocrites voire alcooliques.
Impression validée par la scène finale, finish grandiose d’une descente aux enfers obsédante, qu’on a du mal à lâcher avant d’en voir la fin. Une fable désillusionnée sur une période souvent fantasmée, et qui, comme le prouvent à leur tour Jolivet et Colin, se prête si bien au roman noir...
(par Pierre GARRIGUES)
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