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Frédéric Bosser (éditeur de « dBD » et de « L’Immanquable ») : « On a de la chance d’avoir les éditeurs derrière nous qui nous ouvrent leur catalogue »

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 18 avril 2011                      Lien  
Depuis plusieurs années déjà, nous chroniquons régulièrement le magazine dBD édité par Frédéric Bosser. Depuis plusieurs mois, il a lancé « L’Immanquable », un magazine de prépublications agrémentées d’interviews d’auteurs. Alors que la maquette de dBD se rajeunit, rencontre avec un éditeur de presse entreprenant.

Frédéric Bosser (éditeur de « dBD » et de « L'Immanquable ») : « On a de la chance d'avoir les éditeurs derrière nous qui nous ouvrent leur catalogue »On vous connaît sur dBD depuis des années. Mais avec l’Immanquable, vous franchissez une étape nouvelle.

J’ai toujours aimé la presse, depuis que je suis tout petit, je reste des heures à feuilleter des journaux. Cela m’a toujours fasciné : le papier, le fait que cela se renouvèle tous les jours, tous les mois, les journalistes qui vont voir les gens, les différents points de vue, etc. dBD faisait de façon empirique des dossiers sur des auteurs.

Il faut préciser à nos lecteurs que vous étiez galeriste en même temps.

Oui, au début, je faisais des ventes publiques. A l’armée, j’avais rencontré un gars dont le frère était commissaire-priseur. Comme il voyait que j’étais passionné de BD, il me propose de monter des ventes de BD. C’était vraiment le début, avec Roland Buret qui commençait à l’époque. Les bouquins, ce n’est pas mon truc, je les collectionnais gentiment : je préférais les originaux. Je fais les premières ventes avec les dessins d’Uranus de Tardi qui font 45.000 francs de l’époque. Ma carrière débute comme cela, avec des gorges chaudes, car les originaux n’intéressaient personne. Je fais trois-quatre ventes, je pars aux États-Unis, en Angleterre, en Espagne, voir par exemple Mariscal, pour trouver des dessins. Je fais une vente avec des caricaturistes comme Plantu ou Willem. Je tente les livres pour enfants, etc. Je rencontre un gars qui veut vendre sa collection de Tintin, un autre qui possède la couverture de l’Ile noire qui fait 450.000 francs de l’époque. Après cela, les gens te connaissent, viennent à toi.

Là-dessus, je rencontre Olivier Maltret qui fait le magazine Sapristi et qui m’aide à monter les ventes publiques. Il me dit que Sapristi ronronne et me propose de lancer une revue. Mais qu’est-ce qu’on peut faire de mieux que Sapristi ? On en extrait le dossier, avec une interview principale et un dossier sur un jeune auteur. C’est comme cela qu’on a fait un Franquin et il se trouve que d’entée on a presque mille abonnés. Le Manara s’épuise tout de suite. On reste trimestriel pendant 27 numéros. Nous faisions un dossier cartonné et un petit magazine. Je développais ce dernier de plus en plus. Maltret, cela ne lui plaisait pas trop. On a fusionné les deux et on a mis le journal en librairie et cela s’est moins bien passé. Le concept développé maintenant par XXI n’avait pas encore trouvé acheteur à l’époque. On passe en kiosque et Olivier Maltret se retire. Sur ce, quasi en même temps, deux gars qui aiment la BD s’associent avec moi pour ouvrir une galerie, rue Dante à Paris. Elle ouvre en 1997 alors que dBD se lance en 1998.

Ils investissent conjointement dans dBD.

Exactement. Je faisais les ventes aux enchères à part. J’étais de plus en plus intéressé par la revue, tandis que la galerie commençait à me gonfler. De plus en plus de galeries s’ouvraient à Paris. J’aimais lancer les jeunes auteurs. On a fait les premières expositions de Matthieu Bonhomme, de Brüno, de Zanzim, des gens qui ont fait carrière depuis. Du coup, on perdait de l’argent et mes associés ont réclamé des grands auteurs avec une politique d’achat plus ambitieuse. On ne se met pas d’accord sur les auteurs à faire car on n’avait pas les mêmes goûts. On trouve un accord : je m’en vais, je leur laisse la galerie et je récupère dBD.

Je bosse d’abord chez moi, puis je récupère un local. Cela se développe plutôt bien : on part d’un déficit de 140.000 euros pour revenir à l’équilibre. Puis, BoDoï arrête, je leur rachète leur portefeuille d’abonnés, 4 à 5.000 abonnés à l’époque. Du coup, dBD se porte mieux et devient moins dépendant de la publicité. Mais tous les abonnés ne suivent pas. Je leur adresse un courrier pour savoir ce qui se passait. Et ils me disent : « Nous on achetait BoDoï pour avoir des BD à lire. Les analyses, ça nous intéresse moins. »

Et là, vous vous dites qu’il y a un créneau à prendre.

Je vais voir les dix premiers gros éditeurs et je leur propose de monter, contre 51% des parts, une structure qui éditerait un pavé à la Previews comme aux États-Unis avec 300 pages et 24 pages de prépublications. Je me suis heurté à des éditeurs qui, selon la puissance, voulaient la préséance sur les autres. Bref, cela ne se fait pas. Je fais un échange de fichiers avec Fluide Glacial et d’autres copains, et je me retrouve avec un fichier de 21.000 personnes passionnées de BD. Nous faisons une plaquette pour le lancement de l’Immanquable et on se retrouve d’entrée avec 600 abonnés. Un procès me fait gagner 35.000 euros, le coût d’un lancement, et on y est allé comme cela.

On était partis sur l’idée d’un BoDoï-bis, avec des articles et une pré-publicaition, mais on s’est dit que ce n’était pas une bonne idée. On s’est donc limité aux interviews des gens que nous publiions. Je refais le tour des éditeurs pour leur demander le prix de la planche qu’ils estimaient devoir se faire payer. Cela allait autour d’un prix moyen de 50 euros la page. Ils me préviennent que pour certaines grosses séries, ils les réservent à des supports comme Libération ou Télérama. On en a profité de refaire une nouvelle maquette pour dBD plus élégante, plus artistique.

Frédéric Bosser en avril 2011 à Aix en Provence
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

L’Immanquable en est à son troisième numéro…

On a été à 35.000 de mise en place pour le premier numéro. On a fait 9.500 ventes plus 600 abonnés, ce qui est un bon chiffre pour un lancement. Le deuxième était à 9.000. On peut vivre avec 6.000 ventes. La publicité commence seulement à rentrer. Sauf grosse fatigue, tout est déjà programmé jusqu’à la fin de l’année. Une erreur : on a trop publié dans le premier, on a mis sept histoires au lieu de six pour les numéros suivants, sauf les 2 et 3 qui sont à 168 pages au lieu de 144 car nous avions Mezek et Le Tueur qui se lançaient dans ces numéros-là. Je m’oblige à publier un jeune auteur à chaque fois, ce qui nous a permis d’avoir un partenariat avec la Caisse d’Epargne. Nos débuts étaient très classiques mais nous allons avoir bientôt de petites touches un peu inédites comme le Dorian Gray d’Enrique Corominas d’après Oscar Wilde chez Maghen, un album magnifique. Mais on reste classiques. Je ne veux pas d’un Lapin ou un Bang !-bis, mais un magazine de BD tout-public.

Comment allez-vous faire mentir une réalité de marché qui a envoyé BoDoï dans le mur ?

Je pense que BoDoï a eu deux défauts : Ils avaient commencé avec des séries fortes, puis ils sont tombés sur des séries plus confidentielles de Paquet ou de Proust. C’est viable, mais pas sur un numéro complet. Ils avaient aussi, avec six collaborateurs fixes, des coûts de gestion très hauts. Nous, on n’a rien, j’ai un graphiste junior et une secrétaire de rédaction et je me paie avec dBD.

Y-a-t’il une communauté de lecteurs entre dBD et L’Immanquable ?

Il doit y avoir 20% des lecteurs de dBD qui lisent L’Immanquable. On a entre 20 et 30 abonnés par jour et 80% sont nouveaux. Beaucoup achètent les premiers numéros. Le défaut de ce lancement, c’est qu’on a voulu trop se protéger pour ne pas avoir de trou et que certaines prépublications n’étaient pas terminées quand l’album sortait en librairie alors que le but, c’était quand même d’avoir des avant-premières, mais cela va se corriger avec le temps. On a fait des choix de bouquins qu’on ne referait plus aujourd’hui. On a de la chance d’avoir les éditeurs derrière nous qui nous ouvrent leur catalogue et il y a tellement de bouquins qui sortent que cela ne va pas être trop compliqué de faire le choix.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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