Curtis grandit dans les années 70 à Harlem. Il voue une réelle admiration pour le jeune Michael Jackson qui est alors très connu grâce à son groupe familial, The Jackson Five. Doué pour la danse, son père, pasteur, y voit un don de Dieu. C’est le début d’une passion qui ne le quittera plus. Sa famille va tout faire pour qu’il réalise son rêve de devenir danseur professionnel, ce qui lui permettra de sortir de sa condition.
Dans les pas de Michael Jackson, toujours. Il l’approche, sans jamais le rencontrer, il le suit à travers les médias, sans le juger.
Ce qui ne l’empêche pas de s’interroger : ce Noir si célèbre, pourquoi ne met-il pas sa popularité au service de la défense de ses frères de couleur ? Ce ne sont pourtant pas les injustices et le racisme qui manquent. Malgré l’abolition de la ségrégation en 1964, le chemin est encore long…
Et alors que le vitiligo change la couleur de sa peau, que le scandale pédophile de Neverland éclate au grand jour, peut-il rester le modèle d’un Curtis qui, plus que jamais, cherche sa place ? C’est à la suite d’un accident qu’il la trouvera, en ouvrant un école de danse au milieu du ghetto de Los Angeles, pour tenter, à son échelle, avec humilité et conscience du dérisoire de son action, d’offrir autre chose à ses gamins que le sang, la drogue, et la violence des gangs.
Il aurait été difficile de mieux raconter le parcours et l’influence de Michael Jackson. Bien mieux qu’un biopic où le sensationnel, le médiatique, auraient pris le pas sur un message fondamental : avant toute chose, c’était un danseur et un chorégraphe, un homme de scène.
Sa vie l’a emmené trop près du soleil et, comme Icare, sa lumière s’est transformée en ombre. Cet album nous permet justement de retrouver cette lumière, de s’arrêter sur l’héritage de l’artiste.
Mais au-delà de l’hommage, c’est bien à une réflexion sur quarante ans de lutte pour l’égalité des droits et l’émancipation des Noirs américains que Stéphane Louis nous propose, à travers le parcours de Curtis et de son frère Tommy. Et si l’histoire s’arrête avec la mort du « King of pop », elle marque aussi l’arrivée de Barack Obama à la tête de la première puissance mondiale.
Le dessin et la mise en couleur de Clément Baloup portent une patte très reconnaissable. De ses traits se dégagent à la fois une réelle énergie et beaucoup de sensibilité.
Un album réussi et intelligent qui pourra être lu et apprécié bien au-delà du cercle des fans de l’artiste.
A noter que les éditions Steinkis se sont associées avec le Grand Palais pour cette publication, le musée parisien présentant jusqu’au 14 février 2019 l’exposition Michael Jackson : On the Wall [1]
(par Jérôme BLACHON)
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[1] Tous les renseignements sur l’exposition au Grand Palais sur le site officiel