Afin de pallier à une réduction du nombre de pages dans le journal de Spirou, Frédéric Niffle, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire, a repris le principe des suppléments offerts aux lecteurs, un classique de la presse pour la jeunesse. L’un des suppléments les plus remarqués fut le retour des célèbres mini-récits abandonnés dans les années 70.
En avril dernier, Frédéric Niffle annonçait le lancement d’un supplément du type Trombone Illustré. Un journal se devait, disait-il, d’offrir la possibilité aux auteurs de s’aérer de temps en temps plutôt que d’aligner les planches jour après jour. Ces suppléments devaient entretenir leur créativité, sur tous les champs possibles. Fuego, le supplément trimestriel de huit pages qui paraît cette semaine doit répondre à cette fonction.
À l’examen, on constate, comme pour son prédécesseur, une orientation plus adulte que le reste du journal. « On aurait pu distiller ce contenu dans le journal lui-même, nous dit aujourd’hui le rédacteur en chef du journal de Spirou, mais cela aurait été noyé et l’on n’aurait pas perçu l’esprit et la cohérence de ces pages. Ici, on force le lecteur à regarder d’emblée les pages avec un œil différent. On change la focale ! ».
La responsabilité ce journal-supplément de l’hebdomadaire Spirou a été confié à Hervé Bourhis, le talentueux scénariste d’Ingmar. « En travaillant avec Hervé, je me suis rendu compte qu’il était baigné de cette bande dessinée dite « indépendante », nous confie Frédéric Niffle. Ses goûts et ses liens avec certains auteurs étaient vraiment dans la lignée de ce que je voyais. Et puis surtout, il a beaucoup de talent pour écrire, avec un style inventif et surprenant qui me fait rire. On avait d’abord travaillé sur un supplément "spécial vikings", au début de la nouvelle formule. Le contact m’avait plu et je lui ai proposé ce supplément qu’il a très vite accepté de coordonner. »
Hervé Bourhis devait tenir compte d’un cahier de charge assez léger : Le journal ne devait pas dépasser huit pages grand-format et devait accueillir des jeunes auteurs comme des anciens. Dans le premier numéro de Fuego, René Hausman réalise une couverture plutôt enflammée.
Le lien avec le Trombone Illustré est ténu : on a retenu le concept du journal « pirate », ayant sa propre ligne éditoriale au sein de l’hebdomadaire Spirou. « On m’a offert un livre reprenant les numéros du Trombone Illustré pour mes treize ans, nous dit Hervé Bourhis. C’était déjà une pièce de collection à l’époque. Le Trombone a beaucoup d’importance à mes yeux ! En travaillant sur ce nouveau supplément, je ne me suis jamais demandé ce qu’auraient fait aujourd’hui Franquin et Delporte. » Il ajoute, pince sans rire : « D’ailleurs, ils n’ont pas souhaité participer à Fuego, et je respecte leur choix ! ».
Pour le premier numéro de Fuego, Hervé Bourhis a invité des auteurs connus et moins connus, comme par exemple Ferri, Trondheim ou encore Pacal Girard et Lumineau. « Le casting changera à chaque numéro, mais pas entièrement, souligne le rédacteur en chef de Fuego. Le spectre sera toujours assez large, comme dans ce numéro avec Blanquet et Hausman. » Lorsqu’on lui demande si les piliers actuels du journal tels que, par exemple, Cauvin, Lambil ou Midam, feront un jour partie de Fuego, il rétorque : « A priori, ce n’est pas le but, je ne pense pas qu’on a fait appel à moi pour publier des auteurs que Spirou publie déjà ».
Même si l’initiative est louable, le contenu de Fuego est visiblement en décalage avec le reste du journal. Le premier numéro s’articule autour du thème de Brocéliande. Les histoires, illustrations et textes cultivent un humour au second voire au troisième degré qui aura du mal à muscler vos zygomatiques. Certains récits dessinés de manière simple, apparemment puérile, alors que leur humour n’est pas à la portée des plus jeunes, n’entraînent-ils pas pour les lecteurs un décalage par trop déconcertant ? Quoi qu’il en soit, le résultat est loin d’être convaincant.
Hervé Bourhis a quelques semaines pour s’imposer et nous offrir un Fuego qui soit au moins digne du supplément mythique des années ’70. Par ailleurs, Frédéric Niffle nous promet un autre supplément d’ici la fin de l’année qui sera cette fois orienté vers les tout-petits.
(par Nicolas Anspach)
(par Charles-Louis Detournay)
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