Fungirl - Par Elizabeth Pich - Les Requins Marteaux

Avec son col claudine et ses chaussettes bicolores, Fungirl a de faux airs d’Olive Oyl [1] et ressemble à une ado attardée en porte-à-faux avec le monde qui l’entoure. Elle partage une colocation avec son ex, Becky, devenue sa meilleure amie, laquelle s’est attachée à Peter, un garçon sensible et doux que Fungirl prend un malin plaisir à enquiquiner. « Peter, tu es tellement sain... C’est répugnant. »

Son job, elle le trouve par hasard aux pompes funèbres, et avec Fungirl en activité dans le monde du silence, de funèbre, il ne reste que le nom. Simuler l’érection d’un cadavre avec un concombre collé à la glu, faire de la corde à sauter avec un intestin... On l’a compris, l’imagination trash de Fungirl pour provoquer les situations les plus scabreuses est no limit. On a le choix entre vomir ou mourir de rire.

Fungirl © Elizabeth Pich / Les Requins Marteaux 2021

Nourrie de séries américaines Girl Power comme Golden Girls, Weeds ou Ellen Ripley, Fungirl a hérité de bon nombre d’attributs des personnages de ces séries US et de comics. La première de couverture, un clin d’œil aux Peanuts de Charles M. Schulz, donne le ton de cet album à l’humour déjanté. Elizabeth Pich essaime ici et là quelques références artistiques et culturelles en hommage au pop art, à la Vénus de Boticelli, à Arcimboldo, en rupture avec les codes artistiques de son époque.

Fungirl, cette « attachiante » décomplexée, transgresse les tabous avec une spontanéité déconcertante. Elle ne peut aussi s’empêcher d’envahir l’espace. Quand Peter et Becky cherchent un peu d’intimité, Fungirl n’est jamais loin et s’impose à sa manière : « Hé, les gars, vous avez déjà essayé de ramasser une nouille cuite sur une surface lisse ? »

Néanmoins, cette obsession de vouloir exister à tout prix interpelle et dévoile une grande fragilité psychologique. C’est aussi ce décalage avec l’entourage conciliant de Fungirl qui participe à un comique de situation explosif.

Fungirl © Elizabeth Pich / Les Requins Marteaux 2021

Loin d’être cantonnés à des faire-valoir de l’humour, les personnages secondaires ont aussi leur histoire. Derrière l’enchaînement de scènes de gag, une ingénieuse mise en abîme raconte au fil des pages la propre évolution de Becky, Peter et Fungirl, ainsi que celle de leur relation, dans laquelle amour et amitié s’emmêlent les pinceaux.

Le trait d’Elizabeth Pich, dont la synthèse et la simplicité n’empêchent pas la nuance et la délicatesse, et son parti pris pour les couleurs franches ajoutent à l’ambiance décalée de ses micro-récits où règne en maîtresse une Wonder Woman du gag sensible et touchante.

Elizabeth Pich est illustratrice, née en Allemagne et a grandi aux États-Unis. Elle s’est fait connaître avec War and Peas, un comics strip écrit et réalisé en collaboration avec Jonathan Kunz. War and Peas draine des milliers de fans sur Instagram. En 2019, elle gagne le Federal Comics Battle Federal.

Fungirl est son premier roman graphique solo. Aussi hilarant qu’émouvant et délicieusement transgressif, on espère que cet album sera le premier d’une longue liste. Bring back Fungirl !

Fungirl © Elizabeth Pich / Les Requins Marteaux 2021