Quand avez-vous rencontré Franquin pour la première fois ?
J’ai connu d’abord ses dessins. Je les admirais dans Pleins Jeux [NDLR : un journal scout où Franquin a fait ses débuts] avant même qu’il n’ait repris Spirou. Pour moi, c’était le dessinateur le plus fabuleux, un caricaturiste - j’en étais un moi-même aussi, et donc cela me passionnait. Et puis j’ai eu la chance de le rencontrer dans le bureau du Journal Tintin où Raymond Leblanc, son éditeur, l’avait présenté à la rédaction en disant : « Messieurs, voici Franquin, le génie ! ». Le pauvre ne savait plus où se mettre, tellement il était embêté. Moi j’étais alors plein d’émotion, c’était tellement extraordinaire de rencontrer Franquin. Il dessinait dans Tintin la série Modeste & pompon et il a eu la gentillesse de me dire : « Si jamais vous avez des histoires et des idées, n’hésitez pas ! » Et il m’a donné son numéro de téléphone. Le lendemain, je l’ai appelé avec une proposition pour une vingtaine de gags parmi lesquels il m’en a pris deux. Plus tard, je lui ai fourni des gags de Gaston. A partir de ce jour il m’a tutoyé et Franquin et Liliane, sa femme, sont devenus nos amis les plus proches à ma femme et à moi. Même lors de sa déprime, il continuait à nous rendre visite et Liliane m’a alors dit : « Tu sais, vous êtes les seuls qu’il accepte encore de voir ».
Il faut dire qu’en ce qui vous concerne, vous êtes un sacré boute-en-train...
N’empêche que quand il est mort, cela a été un de mes plus gros chagrins. Un jour, dans une interview à la radio belge, on m’avait demandé : « Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ? » J’avais répondu : « Ma rencontre avec Franquin ». Puis le journaliste me demande : « Et votre souvenir le plus noir ? ». J’ai été incapable de lui répondre tellement je me suis mis à pleurer. C’était une émotion que je n’arrivais pas à contrôler. C’était pourtant deux ans après sa mort.
Propos recueillis par Didier Pasamonik, le 20 octobre 2004.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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