De notre envoyé spécial. La Norvège est un petit pays dont les habitants sont des amoureux de la bande dessinée. Grands admirateurs de l’œuvre de Disney, il n’est pas rare qu’ils émaillent leur conversation d’une citation tirée des aventures de Donald Duck, un peu comme nous le faisons avec des phrases cultes de Lucky Luke ou d’Astérix le Gaulois. Dans les années soixante, la bande dessinée franco-belge y avait fait une percée significative grâce à la publication de Tempo, un hebdomadaire où l’on trouvait la plupart des aventures publiées par le journal de Tintin. Le reporter à la houppe blonde, de même qu’Astérix ou Corto Maltese sont publiés là-bas par les éditions Egmont, un éditeur danois qui contrôle près de 80% de l’édition et de la presse norvégienne. En revanche, les mangas ne dépassent pas les 2% du marché, principalement en raison de leur absence dans les programmes de télévision. Mais la Norvège publie également un bon nombre de créations locales, notamment dans les revues Pondus et Nemi, essentiellement dans le registre du dessin d’humour et une scène alternative est en train de naître dont émergent quelques dessinateurs remarquables parmi lesquels certains sont publiés en France comme Jason, déjà nominé deux fois à Angoulême, chez Atrabile et Carabas.
Les 50 ans de Viggo
Gaston Lagaffe, connu en Norvège sous le nom de Viggo (un prénom traditionnel scandinave) y jouit d’une notoriété bien méritée. Pour célébrer le cinquantième anniversaire de la naissance du héros de Franquin, Svein Eric Søland, l’éditeur en chef d’Egmont en Norvège a édité une intégrale des gags du gaffeur vendue dans un coffret. A cette occasion, une grande réception en hommage à Franquin et à Gaston a eu lieu à l’Ambassade de Belgique à Oslo, une cérémonie qui s’honorait également de la présence de Son Excellence l’ambassadrice de France, Madame Chantal Poiret. Dans le discours introductif, Son Excellence l’ambassadeur de Belgique, M. Frank Recker a souligné son attachement à Gaston, le compagnon de son enfance, et s’est montré charmé et surpris par le rayonnement de ce personnage en Norvège. Et, de fait, toutes les personnes que nous avons rencontrées connaissaient leur Franquin par cœur et ses œuvres, que ce soit Modeste & Pompon, Spirou ou les Idées noires ont été publiées dans ce pays.
Joann Sfar honoré
Deux jours plus tard, c’est à la bédéthèque de la ville d’Oslo (Oslo est une des seules villes au monde disposant d’une bibliothèque spécialisée dans le 9ème art) qu’a eu lieu la cérémonie des Sproings, une distinction norvégienne qui fêtait son 20ème anniversaire et qui récompense les meilleures bandes dessinées de l’année 2006. Le prix est divisé en trois catégories : la meilleure BD norvégienne, la meilleure BD étrangère et un prix espoir destiné à un jeune auteur.
Le trophée se nomme le « sproïng », une onomatopée qui évoque le mouvement du ressort, d’où sa forme qui se termine par une plume dorée. Les lauréats de cette année étaient un album très personnel de Bendik von Kaltenborn, Seks sultne Mann, (meilleure BD norvégienne) et le très curieux Hitler, Jesus og Farfar (Hitler, Jésus et grand-père) un livre autobiographique de la dessinatrice Lene Ask.
Quand au prix de la meilleure BD étrangère, il est revenu à Rabbinerens Katt (Le Chat du Rabbin) de Joann Sfar. En l’absence de l’auteur, c’est son éditeur Egmont qui a recueilli le diplôme et le trophée. Même s’il n’y a pas le feu au fjord, il invite Joann Sfar à venir le chercher en Norvège à l’occasion de la parution de son prochain album cet automne. Il ne nous a pas dit s’il avait prévu une visite guidée dans la ville de Trondheim située à 500 km au nord d’Oslo, un patronyme rendu célèbre en France par le Grand Prix 2006 de l’Académie d’Angoulême.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon, le prix "Sproïng". Photos : Didier Pasamonik.