Il y avait foule à la Bibliothèque du Centre Pompidou à Paris pour l’inauguration de l’exposition « Gaston – Au-delà de Lagaffe ». Il faut dire que le lieu n’est pas déconnecté avec la bande dessinée : on y avait connu des expositions Bretécher, Spiegelman, Willem, ou Reiser. Mais pas au même endroit : ils étaient jusqu’à présent dans la mezzanine. Cette fois, c’est dans l’enceinte même de la Bibliothèque qu’a lieu cette exposition.
En ce lieu de médiation de la culture, les commissaires de l’exposition Jérôme Bessière et Emmanuelle Payen, ont joué la carte de la chronologie : on part de Gaston pour arriver à Franquin, mettant en parallèle la carrière du dessinateur avec l’évolution de la bande dessinée de son temps qui passe d’une littérature pour la jeunesse dominée par les héros et les séries (Gaston, Spirou…) pour aboutir à une création d’auteur (Les Idées noires) sanctifiée par un statut artistique reconnu (le 9e art).
Le dispositif scénographique est à l’image de cette simplicité : des originaux dans des vitrines et quelquefois au mur s’accompagnent de nombreuses reproductions de planches. Il y a à lire dans cette expo et, visiblement, le public aime cela.
« Quand Franquin fait de Gaston une BD à part entière, explique Jérôme Bessière, il explore tous les thèmes de son époque : il est « beatnik », écolo, c’est un ami des animaux et développe, à travers l’agent Longtarin, non pas un discours parce qu’il n’y a rien de programmatique chez Franquin, mais un propos un peu subversif : on se rit du patron, on rit de l’armée, du gendarme… Comme c’est destiné à un lectorat d’enfants, c’est caustique sans être méchant. C’est ce qui fait que l’œuvre peut être lue avec toujours autant de fraîcheur. »
Le parcours est partagé en quatre parties : « les premiers pas d’un héros sans emploi » qui revient sur ses débuts de cabochon dans le rédactionnel de Spirou, et notamment son compagnonnage, pour les 400 premiers gags, avec Jidéhem ; « un garçon dans le vent » où l’on découvre la galerie très abondantes des personnages secondaires ; « l’art de Franquin » où l’on s’attarde sur le dessin ; enfin, « de Gaston aux Idées noires », son passage à la bande dessinée adulte qu’il contribue à faire naître dans Le Trombone illustré et dans Fluide Glacial. À chaque fois, des mots-clés qui permettent d’entrer dans les différentes caractéristiques des personnages.
« Face à cette œuvre immense, il y a un effet d’essoufflement, nous dit Emmanuelle Payen. Nous avons voulu montrer, au-delà du gaffeur, la complexité d’un personnage attachant, poétique, rêveur, sensible, tendre… On rit effectivement, mais pas seulement. Il y a un grand sens du mouvement, une tension géniale entre un personnage flegmatique articulé à une énergie et à un dynamisme permanents. On y a joute un art du langage, des onomatopées, une subversion douce qui écarte toute opposition frontale avec les événements, et une façon unique de distiller les valeurs qui sont les siennes et qui sont profondes. C’est ce qui fait que Gaston reste un personnage moderne. »
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Exposition Gaston – Au-delà de Lagaffe
BPI du Centre Pompidou à Paris, du 7 décembre 2016 au 10 avril 2017.
Le site de l’exposition
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