Génération Jannin

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Né en 1956, Frédéric Jannin est caractéristique de cette génération de créateurs de BD qui émergent dans les années 1980 en Belgique, situés à la fois dans le sillage de l'École belge et subissant les premiers impacts de la révolution qui marqua la BD française dans les années 1970 et 1980. Une grande exposition rétrospective lui est consacrée au Centre Belge de la BD.

Roland Barthes disait de Claire Bretécher qu’elle était "le meilleur sociologue de l’année 1975". Que dire de Jannin, alors ? Aucun auteur de BD n’a plus accompagné son temps que ce ludion des médias, qu’ils soient "papier" comme on dit aujourd’hui, télévisuels, ou numériques.

Ce qui marque dans la carrière de Jannin, c’est sa précocité et son appétit. Sa précocité car, quand il publie ses premiers dessins dans Spirou, il a l’âge de ses lecteurs, quasiment encore en adolescence. Ayant rencontré André Franquin et Yvan Delporte par l’intermédiaire de son copain de classe Thierry Culliford, le fils de Peyo, il en fit sa famille. Ils ne se quittaient plus. Ensemble, ils jouèrent du Trombone Illustré dans Spirou, son supplément adulte qui intégrait les dernières révolutions de la bande dessinée parisienne, de L’Écho des Savanes à Fluide Glacial et Métal Hurlant.

Franquin était subjugué par la décontraction du dessin de Jannin qu’il portait au pinacle, comme ceux de Reiser et Bretécher. Cette rapidité de trait, cette expressivité cueillie en un clin d’œil, Franquin, lui, en rêvait alors que son trait devenait de plus en plus fouillé, de plus en plus obsessionnel.


Thierry Culliford et Frédéric Jannin, 35 ans après la création de Germain & Nous dans Spirou.: Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Delporte, qui vivait alors dans le sillage de Peyo qu’il assistait dans ses aventures télévisuelles, retrouvait dans ce gamin un contact avec la curiosité permanente, la joie un peu farce qui animait Spirou dans les années 1950, au moment où il rejoignait la joyeuse bande de Maurice Rosy et de Franquin. Il avait en outre toujours eu une fascination pour la jeunesse qui ne s’est jamais démentie au cours de sa carrière.

C’est ce gamin-là, ce snotneus, coup de blues pour les vioques, qui faisait l’objet d’une exposition rétrospective inaugurée mardi dernier au Musée-Centre Belge de la BD : "Jannin et nous, trop de tout" qui tiendra place dans la galerie supérieure de l’établissement jusqu’au 6 mars 2016.

Dans les vitrines et sur les cimaises, Jannin retrace toute sa carrière, de ses débuts dans More, Aïe ! et Spirou, de son équipée avec le groupe musical Les Bowlings Balls puis Zinno qui furent un petit phénomène de société en Belgique, squattant le hit-parade, de sa carrière audiovisuelle avec des émissions TV comme Les Snuls ou J’aime autant de t’ouvrir les yeux, de ses différentes séries comme Germain & Nous, Didi, Froud & Stouf, ou Que du bonheur ! [1], jusqu’aux couleurs de Franquin qu’il restitue dans les éditions nouvelles avec la passion d’un gardien du temple.

Tout cela est raconté sans prétention, comme un échange de blagues entre copains, au Centre Belge et constitue incontestablement l’instantané d’une époque. La Génération Jannin.