Cela commence, classiquement, dans un lycée. Avec Shûichi Kagaya dans le rôle de l’adolescent au mal-être palpable, incertain sur son avenir, qui vient de laisser passer une recommandation pour une grande université faute de savoir comment se situer dans la vie. Mais c’est qu’il cache un secret, et le pouvoir qui va avec, qui vont bouleverser sa vie.
Et c’est là que le manga bascule une première fois, en offrant un pouvoir assez original à son héros. Shûichi se transforme en effet en espèce de mascotte géante, de grosse peluche dotée de capacités physiques exceptionnelles, certes, mais totalement ridicule d’aspect. Une apparence qui jure avec les épreuves qu’il doit affronter et les situations qu’il vit, une fois l’intrigue lancée.
C’est l’autre élément étonnant de Gleipnir : proposer un visuel faussement mignon pour déployer un propos sombre, voire glauque. Notre héros débute ainsi sa carrière en sauvant une jeune fille, Claire, d’un incendie. Mais celle-ci était en fait l’incendiaire et comptait se suicider ! Elle découvre les pouvoirs de Shûichi et décide d’en profiter.
Nouvelle bascule dans le récit : elle endosse littéralement le corps de son partenaire qui n’a en fin de compte absolument pas son mot à dire ! Manœuvrant la peluche comme on pilote un mécha, elle laisse libre cours à sa frénésie brutale et livre bataille de manière sanglante, malgré les protestations horrifiées de son hôte.
On l’aura compris, Gleipnir joue avec de nombreux codes des dark shonen, s’amusant à en renverser complètement certaines dynamiques, ou à en pousser la logique jusqu’au malaise. Par là il construit un véritable seinen, atypique à souhait. Le manga de Sun Takeda laisse donc une drôle d’impression. Il faudra accepter cette ambiance souvent violente, physiquement et psychiquement, et même parfois malsaine. C’est bien là que travaille le mangaka, sous le couvert d’un cadre plus classique de combats mystérieux.
(par Aurélien Pigeat)
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