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Glénat s’allie avec Fayard pour renouer avec l’Histoire

Par Charles-Louis Detournay le 17 mars 2014                      Lien  
Après Disney, le Centre des Monuments Nationaux et bien d'autres, c'est cette fois avec Fayard que Glénat que s'associe, dans le but de retracer avec fougue mais authenticité le destin de grands hommes qui ont façonné l'Histoire. Vercingétorix et Philippe le Bel, deux grands personnages marquants de l'identité française, inaugurent cette nouvelle collection.

Certes, l’emploi de la bande dessinée pour retracer la biographie de personnages illustres ne date pas d’hier. On pense bien entendu à Jijé, mais plus proches de nous, pas mal de collections et d’auteurs continuent de travailler sur le genre historique qui semble inépuisable.

Parmi toutes les séries révolues qui ont voulu évoquer ces grands personnages et ces moments historiques, on se souvient des périodiques de Larousse : Histoire de France en BD, Découverte du monde en BD, Histoire du Far-West en BD, etc. Ces bandes ont permis à pas mal d’auteurs de renom d’exercer leur talent : Milo Manara, Raymond Poïvet, Enrico Sio, Sergio Toppi, Julio Ribera, Guido Crepax, Victor de la Fuente, Guido Buzzelli, Dino Battaglia, Victor Mora, etc. Accompagnées de documentation pédagogique, ces séries des années 1970 se voulaient tout autant éducatives que distrayantes.

Glénat s'allie avec Fayard pour renouer avec l'Histoire

Dépoussiérer l’Histoire

Près de vingt ans plus tard, il faut constater que cette heureuse entreprise de Larousse ne correspond plus vraiment aux objectifs de l’époque : les modes narratifs ont considérablement changé depuis les années 1970 ; les recherches historiques ont permis de réaliser de nouvelles découvertes et de mieux comprendre certains processus politiques ou architecturaux ; enfin, la documentation de Larousse ne faisait plus le poids face aux nouveaux modes de présentations modernes.

De plus, Glénat et Fayard ont fait le constat d’un fait nouveau : "Le marché du livre d’Histoire présente à la fois un effritement important des ventes des ouvrages de références et un appétit manifeste d’un public élargi pour des ouvrages de vulgarisation", explique Sophie de Closets, la PDG de Fayard. La collection Ils ont fait l’Histoire "vise à allier les meilleurs spécialistes de chaque période [...] avec des scénaristes et des dessinateurs de qualité, afin de proposer des récits vivants et fondés sur les dernières avancées de la recherche historique", poursuit-elle.

"Glénat a toujours montré un savoir-faire dans la bande dessinée historique, explique également Jacques Glénat. [Nous voulons donc] raconter la vie de figures historiques majeures [...]. Ainsi, ont déjà été mis en œuvre les biographies de Genghis Khan, Jaurès, Churchill, Napoléon, Catherine de Médicis ou Mao pour n’en citer que quelques unes. [...] Une trentaine d’albums est en chantier, dont huit sortiront en 2014. Si le succès est au rendez-vous comme nous l’espérons, nous ne nous interdisons évidemment pas de poursuivre l’aventure."

La couverture du premier périodique de Larousse
Victor De la Fuente - Castex

"L’accent est mis sur un angle du personnage pour dresser un portrait biographique selon ses caractéristiques ou ses faits d’armes principaux, explique la PDG des éditions Fayard. Le dialogue avec le scénariste et le dessinateur conduit l’historien à se poser des questions souvent inédites pour lui, qu’elles aient trait à la culture matérielle de l’époque, aux ressorts psychologiques du personnage ou à la forme de narration. Chaque album, de 46 planches, sera par ailleurs prolongé d’un dossier pédagogique rédigé par l’historien, mettant en avant la méthode de travail, les sources [...] mais aussi le contexte de l’époque et les axes biographiques que la bande dessinée a pu laisser de côté. L’accent pourra également être mis sur la reconstitution iconographique parfois inédite qui émaille les vignettes de l’album et qui permettra de donner à voir des époques révolues comme jamais auparavant."

Vercingétorix et Philippe le Bel inaugurent la collection

... et celle de la nouvelle collection Glénat-Fayard

Malgré ces évidentes bonnes volontés, encore fallait-il éviter deux sérieuses embûches : des récits trop scolaires (surtout pour les personnages les plus connus voire rabâchés), et une manque d’évocation historique, de crainte que les vêtements, bâtiments et protagonistes ne reflètent pas à 100% l’authenticité revendiquée par la collection.

Premier album, Vercingétorix. Le roi gaulois demeure un élément incontournable de l’Histoire : tout d’abord parce qu’il faillit arrêter César dans son implacable élan vers le pouvoir, mais aussi parce que la tragique évocation qu’en a réalisée Jacques Martin dans Alix demeure présente dans bien des mémoires de lecteurs de bande dessinée.

Pourtant, aucun élément bibliographique n’a été récemment mis à jour, et le féru d’Histoire qui aura encore en tête les Commentaires de César (plus connu sous le titre de La Guerre des Gaules) retrouvera les mêmes moments-clefs, avec les mêmes résolutions stratégiques. Le dossier de huit pages fait alors la différence : on comprend que Vercingétorix était peut-être un chef gaulois pas si différent des autres, auquel César voulait donner une aura particulière pour mieux magnifier celui qui avait failli le faire plier. Cette image fabriquée convenait bien aux historiens français du XIXe, qui avaient besoin de ce héros pour refonder l’identité nationale de la République.

Une des planches introductives de la "nouvelle" mouture

Les informations sur les récentes découvertes archéologiques rassemblées par l’historien Stéphane Bourdin renforcent l’authenticité de l’ensemble. On prend du plaisir à détailler les fortifications qui étaient jusqu’ici imaginées à partir de schémas militaires un peu sommaires. Le dessin et les couleurs de Fred Vignaux mettent en lumière les stratégies et des sièges qui rythmèrent ce moment-clé de l’Antiquité. Les notes du making-of donnent des explications sur des détails situés à des pages précises, offrant une lecture complémentaire signalant les nouvelles découvertes historiques qui les fondent.

Les scénaristes Éric Adam & Didier Convard jouent à merveille des ressorts de la narration, parvenant à rendre captivante une histoire qu’on a déjà entendue cent fois.

Si l’on prolonge la comparaison avec les récits du Larousse, ces derniers s’alignaient sur un précédent mode d’enseignement de l’Histoire : une succession de faits, qui entrainait souvent un découpage assez rude et beaucoup de voix-off. L’association Glénat-Fayard offre une vision neuve, moderne de l’Histoire, qui met en avant les causes et les conséquences de chaque action. En jouant sur cette continuité, le "récit" gagne en fluidité. De plus, les discussions entre protagonistes prennent le pas sur les précédents récitatifs. Elles renforcent l’humanité ainsi que l’authenticité des évocations.

Une planche du Vercingétorix de Larouse
De la Fuente - Castex

Philippe le Bel redevient humain

Là où le précédent récit n’apporte que peu d’éléments vraiment nouveau pour le grand public, le traitement de Philippe le Bel est presque étourdissant. Les historiens Valérie Theys & Étienne Anheim donnent du sens à l’opposition du Roi de France face à la papauté, à l’arrestation des Templiers, et aux impôts infligés à toutes les classes.

L’association avec Mathieu Gabella & Christophe Regnault transforme cette biographie en une réelle réussite. Après une introduction un peu convenue, le récit ne cesse de se densifier et de passionner. Il explique l’attrait du roi pour l’aspect légal de ses actes et son désir de forger une royauté forte. De son enfance tourmentée aux multiples discussions avec ses conseillers, les choix de ce roi méconnu deviennent plus compréhensibles.

On ressent néanmoins dans le choix des plans, la crainte de devoir inventer des décors qui sortiraient de l’authentique. Les notes du making of permettent de mieux comprendre la construction en cours de tel palais ou le schéma différent de Notre Dame de Paris, mais un récit qui n’aurait pas été aussi heureusement soutenu par la force de son propos historique aurait pâli de cette sobriété.

Gabella - Regnault

Si on comprend que les 46 pages raccourcissent malheureusement une réalité complexe, on regrette que certains aspects historiques aient été trop promptement écartés. Ainsi, l’affrontement du roi contre le pape aurait mérité d’évoquer l’implantation des futurs papes à Avignon. Il est également dommage que les allusions à la monnaie royale n’aient pas été plus approfondies, car cela éclaire les usages féodaux monétaires, la dévaluation qui s’en suivit, ainsi que la révolte des Parisiens à l’encontre du Roi qui dût trouver refuge au Temple, un épisode marquant mais éludé de cette biographie. D’autres épisodes encore de ce règne riche... Enfin, on demeure circonspect face à l’épisode de la "Gifle d’Anagni" que les envoyés du roi donnèrent au pape. Le fait est probablement apocryphe ce qui justifie sa disparition légitime de la biographie officielle. Mais il aurait fallu un mot d’explication complémentaire, car les historiens l’attribuent à Guillaume de Nogaret dans le dossier de fin d’album, alors que la plupart des sources continuent de présenter un Colonna, ennemi héréditaire du pape, comme propriétaire du fameux gantelet de fer.

Ces quelques bémols ne ternissent pas la qualité de cet album : l’évocation est dense, authentique et passionnante, un équilibre bien difficile à atteindre. Nombreux sont ceux qui en apprendront plus sur cette période charnière de l’Histoire de France, où le pouvoir des seigneurs féodaux passe la main à la royauté et où le droit s’avère une arme plus terrible que l’épée.

Six autres albums en six mois

La collection Ils ont fait l’Histoire va continuer d’évoquer ces grands destins dans le courant de l’année 2014. Pour permettre aux lecteurs de s’y retrouver par la suite, le haut des dos arbore de discrets marqueurs de couleur, pour marquer les grandes périodes de l’Histoire évoqués dans les albums : l’Antiquité, le Moyen-Âge, les époques modernes et contemporaines.

Ces différentes périodes et figures à paraître dans les prochains mois sont Jaurès et Charlemagne en juin, Soliman le Magnifique et Saint Louis en août, ainsi que Napoléon et Gengis Khan en octobre.

(par Charles-Louis Detournay)

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Lire les premières planches de Vercingétorix et de Philippe le Bel

Glénat
 
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1 Message :
  • Le roi gaulois demeure un élément incontournable de l’Histoire : tout d’abord car ce il faillit arrêter César dans son implacable élan vers le pouvoir, mais aussi car la tragique évocation qu’en a réalisée Jacques Martin dans Alix demeure présente dans bien des mémoires de lecteurs de bande dessinée.

    Pitié, pas de "car" à la place de "parce que" !
    "Car" est une conjonction de coordination qui lie deux morceaux de phrases dans un même élan. On ne peut pas l’employer lorsque la coupure est trop nette ou s’il y a plusieurs éléments (pire, lorsque ceux-ci sont complétés par des mots de liaison, comme "tout d’abord... mais aussi").

    Le roi gaulois demeure un élément incontournable de l’Histoire car il faillit arrêter César dans son implacable élan vers le pouvoir. [là, OK], mais aussi [Aïe !] car [2ème assertion : on doit donc supprimer ce 2ème "car" et aussi le premier, du coup !] parce que la tragique évocation qu’en a réalisée Jacques Martin dans Alix demeure présente dans bien des mémoires de lecteurs de bande dessinée.

    Ce qui donne :

    Le roi gaulois demeure un élément incontournable de l’Histoire : tout d’abord parce qu’il faillit arrêter César dans son implacable élan vers le pouvoir, mais aussi parce que la tragique évocation qu’en a réalisée Jacques Martin dans Alix demeure présente dans bien des mémoires de lecteurs de bande dessinée.

    Bizarre, cette faute typique des jeunes dans un texte par ailleurs très bien écrit.

    Répondre à ce message

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