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Gos 2/2 : "Cela me fait plaisir que le Scrameustache traverse les générations !"

Par Nicolas Anspach le 22 octobre 2010                      Lien  
Quelques années après avoir repris le dessin de {Gil Jourdan}, en 1972, {{Gos}} publie les premières aventures du {Scrameustache}, un extra-terrestre sympathique et pacifiste, qui devient bien vite l’ami de deux humains : Khéna & Tonton Georges. Depuis près de 40 ans, il fait rêver des générations d’enfants.

En juin dernier, Gos et son fils Walt, devenu co-auteur de la série, ont publié le quarantième album du Scrameustache. Passagers Clandestins. Notre extra-terrestre préféré et Khéna doivent remettre la main sur une amie, Babette, qui est bien décidée à visiter le vaisseau des Galaxiens avant qu’il ne s’envole pour les étoiles. Elle sera contrainte à y rester à ses dépens. Un autre passager clandestin, un Styx, a des objectifs plus obscurs…


Gos 2/2 : "Cela me fait plaisir que le Scrameustache traverse les générations !"En 1972, vous inventez le Scrameustache

Je l’avais déjà créé auparavant. Mais je n’avais pas utilisé car je ne m’estimais pas techniquement au point. J’ai d’ailleurs prévenu Maurice qu’un jour je sortirais ce scénario de mes tiroirs pour l’illustrer. Il n’y voyait pas d’inconvénient et m’a même conseillé de foncer dès que je serais prêt.
Je voulais traiter cette thématique depuis de nombreuses années. Vers l’âge de dix ans, j’ai vécu un phénomène étrange : J’habitais la campagne, dans une maison retirée à Thy-Le-Château, un village qui est situé à une vingtaine de kilomètres au sud de Charleroi. Nous étions loin des autres habitations, au milieu des bois, des prairies et des ruisseaux. J’avais construit une roue à eau, et je voulais tester le mécanisme dans la rivière. Elle était bordée de grandes haies d’aubépines. Tout d’un coup, l’atmosphère autour de moi a changé. Les oiseaux qui piaillaient,en faisant un boucan d’enfer se sont tus brusquement. J’ai vu des lumières jaunes-oranges derrière les haies. J’ai eu la trouille de ma vie et je me suis barré aussi sec ! J’ai toujours eu l’impression qu’il y avait eu quelque chose derrière cette haie d’aubépine. J’ai toujours trouvé cela moche d’être parti sans savoir ce que c’était ! Plus tard, à l’armée, on m’a demandé de classer des documents sur les OVNI. Je recevais toutes les semaines quatre ou cinq observations. Je me disais : « S’il y en a autant, c’est que les OVNI doivent bien exister ! ». C’est comme cela qu’est née doucement le Scrameustache. J’étais en quelque sorte poursuivi par les extraterrestres (Rires).

J’ai toujours voulu que mon extraterrestre soit un personnage rigolo, sympathique, qui soit venu ici que pour voir comment vivent les humains. J’étais bien loin de ce que les Américains font dans leurs comics. Je l’ai associé à un humain. C’est un peu ce que je rêvais quand j’étais gosse et que je jouais seul ! Je m’imaginais un tas de trucs ! C’est pour cela que Khéna me ressemble.

En quarante albums vous avez bâti un sacré monde !

Et comment ! Et la réalité rejoint parfois la fiction : Walt, mon fils, a pris dernièrement une photographie avec son téléphone portable. Il regardait une émission télévisée présentant une maison américaine résistant aux vents extrêmes, aux cyclones, aux tempêtes… Eh bien, l’architecture était exactement la même que les maisons des Galaxiens. Incroyable !

Vous savez, je n’ai pas conscience d’avoir fait quarante albums. Lorsque j’ai créé la série, je me suis dit que si j’arrivais à en aligner trois ou quatre, ce serait déjà très bien. Et puis, la série a eu un succès immédiat et on est rapidement arrivé à quinze. Et paf, je me suis un jour réveillé avec 35 albums. Soit, trente-cinq ans plus tard. Je ne vois pas le temps passer car je suis toujours dans mes histoires, et elles diffèrent les unes des autres.

Justement, vous souvenez-vous de la création des Galaxiens ? Ces extraterrestres se ressemblent tous, et pourtant les écussons de leurs habits leur donnent une identité forte…

Oui. Ils sont nés d’une réflexion assez simple : les vaisseaux spatiaux étaient le cadre de vie de plusieurs personnes qui devaient tous exercer une fonction : cuistot, électricien, etc. Je voulais les dessiner à l’identique. Le lecteur aurait été perdu si je ne les différenciais pas. Il n’y a rien de pire que les gens en uniforme. Ils se ressemblent tous. J’ai eu l’idée de leur mettre un insigne distinctif sur le ventre. Dans les années 1990, les concepteurs du dessin-animé Les Télétubbies ont utilisé le même principe.

Lorsque j’ai commencé à mettre en place le [Scrameustache, j’avais fait différents croquis. Plusieurs, pour le personnage du Scrameustache, étaient proches du physique des Galaxiens. Mais à l’époque, je ne les sentais pas, et les ai mis de côté.

Extrait du T40 du Scrameustache
(c) Gos, Walt & Glénat.

Depuis le 13e album, Walt, votre fils vous assiste. Comment travaillez-vous à deux ?

Au début, il travaillait plus comme un assistant. Je faisais les crayonnés et lui la mise à l’encre. Après, il s’est beaucoup plus affirmé et a écrit de nombreux scénarios sans mon aide. Par exemple, il est le scénariste du Président Galaxien ou du Casse-tête olmèque. On n’a aujourd’hui plus de règle précise. Parfois, j’écris un scénario, qu’il dessine lui-même. Ou parfois, c’est l’inverse. On discute beaucoup ensemble et nous tenons compte de nos suggestions respectives. Walt prépare aussi une Spin-off axée sur les Galaxiens. Ce sera une suite de gags…

Aujourd’hui, Daniel Desorgher m’aide pour l’encrage. J’ai un problème à la main depuis des années et il m’est devenu impossible d’encrer mes planches. Mais heureusement, cela va beaucoup mieux de ce côté-là.

Votre série reflète l’entraide et l’amitié, mais aussi une grande curiosité scientifique. Est-ce la transposition de votre personnalité ?

Peut-être. J’aime vivre de bons moments avec des amis et cela se reflète sans doute dans ma série. Mais j’apprécie surtout d’apporter un aspect scientifique à mes histoires. N’oublions pas qu’une partie du lectorat du Scrameustache est constitué d’enfants. Si je n’apporte pas ce côté scientifique, qui le fera ? Mais ils restent quand même clairsemés dans d’autres éléments plus fantaisistes et amusants.

Etude pour le Scrameustache
(c) Gos, Walt & Glénat.

La série existe depuis les années 1970. Aujourd’hui les enfants de vos premiers lecteurs lisent le Scrameustache ?

Oui. Avant de vous rencontrer, j’ai dédicacé dans un supermarché. J’adore aller dédicacer dans ce genre d’endroit, car j’y rencontre des familles, des vrais lecteurs, et des gens qui ne connaissent pas encore le Scrameustache. Le public est totalement différent de celui des festivals ou les librairies BD. Je viens d’y rencontrer deux familles dont le père lisait le Scrameustache. Le père a transmis ses albums à ses enfants. Cela me fait plaisir de faire de telles rencontres.

Je ne pense pas au public quand je travaille. Je me fiche que les lecteurs soient adultes ou enfantins. J’ai conscience qu’il faut que je fasse attention à mon propos pour être compris par les enfants. J’aime parfois mettre des dialogues un peu plus techniques pour susciter un questionnement de la part du jeune lectorat. Si je vais trop loin, Walt me le dit, et je retravaille mes dialogues.

En 1985, vous publiez « Kromoks en folie », un album du Scrameustache que l’on peut lire en parallèle avec Le Pickpocket, un album des Petits Hommes. Les personnages de Pierre Seron interviennent dans votre histoire, et inversement !

Nous avons eu l’idée de travailler sur une histoire commune en revenant d’Angoulême. Dans le train, nous avions six ou sept heures à combler. J’ai discuté de tout et de rien avec Pierre Seron, et l’un de nous a lancé l’idée de faire intervenir les personnages de l’autre dans son histoire le temps deux ou trois cases. C’était une idée intéressante, mais un peu banale. J’avais déjà l’habitude de dessiner les copains dans mes albums. Le temps passant, l’idée à évolué. Finalement, nous avons fait vivre à nos personnages une aventure commune. Chaque auteur incluant les personnages de l’autre dans le récit qu’il dessine. Les albums devaient bien entendu se lire en parallèle.
Notre méthode de travail n’était pas si évidente. J’envoyais une lettre à Pierre où je lui expliquais qu’il fallait qu’il me dessine tel personnage dans une position précise pour que je puisse l’incorporer à ma planche. Je lui envoyai des photocopies pour qu’il comprenne. Il m’envoyait des pages avec ses personnages. Walt, mon fils, les redessinait sur mes planches. C’était un boulot infernal car, à l’époque, nous n’avions ni fax, ni e-mail ! Cette histoire nous a coûté très cher en timbres (Rires).

Notre démarche a sans doute été poussée d’une manière inconsciente par Philippe Vandooren, le rédacteur en chef de Spirou. Il nous disait sans cesse : « Vous pensez trop à vos histoires, et vos albums. Et pas assez au journal de Spirou ». Il fallait lire les histoires en parallèle pour mieux la comprendre. Au passage, la rédaction de Spirou s’est trompée et a publié les deux histoires avec quinze jours de décalage ! Du coup, le lecteur a été un peu paumé. Mais cela a eu un grand succès auprès du public, du fait que cette initiative n’avait jamais été tentée de cette manière.

Etude pour le Scrameustache
(c) Gos, Walt & Glénat.

Quels sont les albums que vous appréciez le plus ?

Il y en a plusieurs bien entendu ! Mais j’apprécie particulièrement « L’Œuf Astral » et « Le Président galaxien ». On était parti sur un ton un peu badin, que l’on a gardé jusqu’au bout.

Quels sont les personnages que vous avez le plus de plaisir à mettre en scène mis à part Khéna & Le Scrameustache ?

Les Galaxiens, que j’aime beaucoup. Mais celui que l’on me demande le plus souvent en dédicace mis à part les personnages précédemment cités, c’est le Ramoucha. Un espèce de gros nounours, que les gens aimeraient avoir. Et puis, Falzar, le magicien de la Grande Ourse. Les lecteurs aiment le retrouver, mais je ne peux quand même pas l’inclure à toutes les histoires du Scrameustache ! (Rires).

Vous avez quitté les éditions Dupuis en 2004, pour rejoindre Glénat. Comment avez-vous vécu ce transfert ?

Les éditions Dupuis me faisaient des misères, notamment sur les droits étrangers. Ils prenaient un certain pourcentage sur le replacement à l’étranger. Un jour, ils ont décidé de s’octroyer 20% en plus pour les frais de prospection. Mon fils Walt avait amené un beau projet d’édition du Scrameustache en Chine. Dupuis n’a jamais voulu nous céder le pourcentage dédié à la prospection. Alors que c’était nous qui avions fait tout le travail ! Du coup, dès que j’en ai eu l’occasion, je suis parti aux Éditions Glénat qui ont décidé de racheter le fond.

Assez étonnement, vous avez décidé de publier tous les albums séparément. La mode est plutôt aux intégrales pour les « vieilles séries »…

Oui. Je leur ai même demandé d’attendre ma mort pour réaliser des intégrales du Scrameustache (Rires). Les intégrales étouffent, tuent même, les albums normaux. Je l’ai vu avec Gil Jourdan. Essayez de trouver un album neuf de cette série, c’est mission impossible. Et pour peu que l’éditeur ne fasse pas un travail de revalorisation et de promotion sur les intégrales, la série est rapidement oubliée. Nous avons donc publié tous les titres séparément. Chaque année, Glénat réédite trois ou quatre titres. La demande est-là …

Crayonné de Gos pour le T41 du "Scrameustache" (à paraître)
(c) Gos, Walt & Glénat.

Mis à part les auteurs que l’on a cités, y en a-t-il un qui a compté à vos yeux ?

À mes débuts, j’ai été fort impressionné par Derib. Je l’ai remplacé chez Peyo. C’est un très bon dessinateur réaliste et humoristique. Son père était peintre, et il avait appris à dessiner auprès de lui. Et puis, bien sûr François Walthéry qui était le rigolo du Studio Peyo. Et aussi, ne l’oublions pas, le grand Franquin !

Vous dessinez actuellement le prochain album, tandis que Walt peaufine ses gags sur les Galaxiens. Pourquoi continuez-vous à travailler ?

Tout simplement, parce que j’aime ça ! C’est en étant derrière ma table à dessin à imaginer mes histoires ou à les dessiner que je me sens le mieux. Je n’ai pas envie d’arrêter.

Gos & Walt, en 2008
(c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

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Lire la première partie de cette interview : J’ai repris le dessin de Gil Jourdan suite à un gag !

Lire aussi sur Actuabd.com :
- La chronique du T40 et du T39 du Scrameustache
- Une interview de Gos réalisée en 2009 par Nicolas Depraeter.

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Photos : (c) Nicolas Anspach
Illustrations : (c) Gos, Walt & Glénat.

 
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