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Gos : "À l’armée, je classais les rapports sur les ovnis. Le Scrameustache vient de là"

Par Nicolas Depraeter le 27 avril 2009                      Lien  
Rencontré durant la cinquième édition de la Fête de l'animation qui s'est déroulée à Lille du 17 au 19 avril, Roland Goossens, dit Gos, nous parle de son héros extraterrestre, le Scrameustache, et de ses origines.

Comment en êtes vous venus à faire de la bande dessinée ?

J’étais dans la Marine jusqu’en 1965 et on m’avait demandé, car je dessinais correctement, de faire des petites illustrations sur le livre d’or, puis de créer une courte bande dessinée sur un jeune homme qui s’engagerait dans la marine et vivrait ce que nous vivions. Ça a été le déclic pour moi. Plus tard je suis entré au studio Peyo. Il y avait Walthéry et Derib. Je n’y allait que le soir et le week-end, car j’étais encore sous les armes. J’ai commencé par faire du lettrage et, petit à petit, je suis passé aux décors et puis un an après, comme Derib voulait retourner en Suisse, Peyo m’a proposé de prendre sa place. Walthéry était là. J’ai travaillé avec lui, d’abord sur Benoit Brisefer, puis sur les Schtroumpfs. Il dessinait Benoit, et moi les petites créatures bleues.

Gos : "À l'armée, je classais les rapports sur les ovnis. Le Scrameustache vient de là"Vous ne faisiez jamais d’erreur quand vous écriviez le mot "Schtroumpf" ?

Au début si, et comme on dessine lettre par lettre, on en oublie et on ne s’en aperçoit qu’après. Il m’est arrivé de mettre trois "m" à pommes. Mais tout ca m’a bien servi car Peyo était quelqu’un de très difficile, ce qui m’a permis d’acquérir de la rigueur dans mon travail.

En 1972 vous avez commencé le Scrameustache, qui parait dans le journal Spirou. Comment vous est venue cette idée ?

Je voulais faire une histoire d’extraterrestre car, à l’armée, je gérais tous les dossiers de l’État major et j’avais un gros dossier sur les observations d’ovnis, et il y en avait beaucoup. Comme les gens n’avaient pas comme maintenant des appareils photo ou des téléphones portables, ils faisaient des observations et les décrivaient, et moi je les classais ! Toutes les semaines j’en avais dix à quinze. C’est comme cela que m’est venue l’envie de faire une histoire sur les extraterrestres. De plus, à l’époque, les Russes et les Américains avaient envoyés un chien et un singe dans l’espace, Je me suis dit "Pourquoi d’autres planètes n’enverraient-elles pas sur terre un animal très intelligent ?". Et c’est comme ca que j’ai créé le Scrameustache, mais je ne voulais pas qu’il soit méchant, je voulais un personnage gentil car je me sens beaucoup plus à l’aise là dedans.

Le scrameustache
(c) Gos, Walt & Glénat.

Comment est venu ce nom si particulier de Scrameustache ?

Encore une fois, cela date de l’armée. On avait l’habitude avec des amis d’inventer des mots qui n’existaient pas : "scrareu", "scameu", et c’est devenu Scrameustache. D’ailleurs quand j’ai écris le tome 18, ou on explique ce que veut dire le nom du Scrameustache (Sujet créé par les radiations...) le traducteur Flamand m’a appelé et m’a dit "Mais qu’est ce que je vais faire avec ça moi ?" car il faut savoir que pour les Flamands, le Scrameustache s’appelle Katamarom. Mais il a finalement réussi à en faire quelque chose.

La collaboration avec Walt, votre fils, qui vous a rejoint dès l’âge de 16 ans, se passe toujours bien ?

En règle générale, ça va très bien. Nous avons parfois des divergences de vue à propos de l’histoire, car il est très doué pour mettre en scène les Galaxiens mais il a plus de mal avec des personnages terriens plus adultes. Il va peut être travailler prochainement sur un spin-off des Galaxiens.

Le Scrameustache
(c) Gos, Walt & Glénat.

D’où vous sont venus les Galaxiens, avec leurs façons de s’échanger les rôles chaque jour ?

J’ai appliqué un principe que Franquin m’avait appris : "Si tu ne veux pas t’emmerder avec un seul personnage, tu amène les personnages principaux, et autour tu intègre des rôles secondaires." Alors, avec mon expérience de la Marine, je me suis dit qu’un vaisseau, qu’il soit dans l’espace ou sur terre, c’est un vaisseau dans lequel il faut des spécialistes, un cuisinier, un électronicien, un mécanicien etc... Et comme nous avions des insignes sur le bras, moi je les ais mis sur le ventre car c’était plus commode. Mais c’est grâce à Georges Marchais que m’est venue l’idée d échanger les insignes. Il a déclaré un jour que tout le monde pouvait aspirer à devenir le patron de son parti, et je me suis dit que le jour où il laisserait sa place à son chauffeur et qu’il irait balayer la cour, j’irais voir ça tout de suite. C’est pourquoi les Galaxiens changent de fonction chaque jour, même s’ils oublient aussitôt ce qu’il faisaient la veille. Quant aux anciens, je m’étais dis qu’un jour je serais peut être un vieux con bien emmerdant, alors j’ai décidé d’intégrer cela dans l’histoire. Et pour ne pas en faire qu’un, j’en ai fais un groupe ! Mais j’ai bien expliqué dans un album qu’ils savent tout mais que cela ne leur sert plus à rien.

Le Scrameustache aura-t-il une fin ?

J’espère que je vais pouvoir continuer quelques années, mais le Scrameustache est un héros gentil, il ne tue pas les gens, il n’y a pas de violence, et j’ai développé tellement de choses autour de lui que je ne veux pas que cela devienne barbant. Je veux qu’il reste intéressant, alors plutôt que de créer de nouveaux personnages, je préfère revenir sur d’autres plus anciens, pour développer un peu leur histoire. Comme par exemple le retour de Falzar en deux tomes, qui explique la création de ce drôle d’oiseau, ainsi que son nom bien particulier.

Une question que doivent se poser les fans : Les travaux de l’autoroute se termineront-ils un jour ?

Ah non ! Elle va se continuer ailleurs, elle ne passera pas la où c’était prévu. Quand j’entends à la télé qu’il y a des gens qui se font exproprier car ils sont sur le tracé d’une autoroute, je trouve ça affolant. J’ai vu des gens chez qui, au bout de leur jardin, on a collé une autoroute. Je me souviens que lorsqu’on allait chez Tillieux discuter dans le bureau, c’était impossible de garder la fenêtre ouverte, on ne s’entendait plus.

Gos et Walt en 2008, lors de l’inauguration de la fresque murale "Scrameustache"
(c) Nicolas Anspach

Quand vous voyez, dans des salons comme celui-ci, des enfants qui viennent faire dédicacer leurs albums, quel est votre sentiment ?

Moi, je suis ravi, parce que je me dis que c’est peut-être leurs parents qui ont commencé à me lire, il y a 37 ans et qui ont fait découvrir le Scrameustache à leurs enfants. Ça fait toujours chaud au cœur de voir ces petits bonshommes venir avec leurs albums.

Khéna va-t-il un jour porter autre chose que son éternel polo jaune ?

C’est vrai que j’ai déjà essayé de lui faire changer de vêtements, mais c’est cela ainsi que de multiples autres détails immuables qui donnent une intemporalité au monde du Scrameustache. Je pense que c’est notamment cela qui fait son succès.

(par Nicolas Depraeter)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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